Bonjour, j'ai volontairement remanié Faïence pour ne plus garder que 4 grands chapitres. Le cinquième est écrit mais j'ai quelques problèmes pour le mettre en ligne, dès que possible je le poste. Merci de votre compréhension
Sur la route...
Introduction.
Cette histoire reprendra les personnages et l’époque de Lady Oscar, ainsi qu’un certain nombre de critères de l’animé ou du manga. Néanmoins, d’autres caractéristiques seront modifiées, comme le lien entre André et Oscar ou celui entre Oscar et Alain. J’expliciterai ces liens au fur et à mesure du déroulement de l’histoire. Cette fic m’a été inspirée par la lecture d’un livre : « Mystérieuse Manon » d’Elise Fischer. Tout le monde à Versailles sait qu’Oscar est une femme, comme dans le manga. En vous souhaitant d’agréables moments de lecture, je vous laisse plonger dans le premier chapitre !
Aérine.
1770…
Au cours d’une rapide visite de la Lorraine, Marie-Antoinette, future Reine de France, entre à l’église des Cordeliers, à Nancy, où reposent tous les ducs de Lorraine, et surtout, Léopold et Elisabeth-Charlotte, les parents de son père : François 1er d’Autriche, autrefois appelé François-Etienne de Lorraine.
A cette occasion, des délégations venues de tout le duché lui remettent quelques présents, et parmi eux, quelques belles pièces en faïence de Lunéville. La jeune dauphine, enchantée, repartira à Versailles peu de temps après…
Fin de l’été 1775…
Un groupe de cavaliers faisait route vers Nancy, et traversait la forêt de Hayes. A leur tête, insensible aux beautés verdoyantes des sous bois de feuillus qui l’environnaient, Oscar François de Jarjayes, colonel des Gardes Royales, ruminait sa colère. Cela lui donnait l’air mauvais, et les gens de sa compagnie restaient prudemment à l’écart, trop habitués aux brusques éclats de fureur froide de leur chef. Seul l’un d’entre eux osa se porter à sa hauteur et lui adresser la parole. Derrière, les autres firent quelques prières pour le salut de l’imprudent.
« Oscar !
- Qu’est ce que tu veux ?
- J’aimerais connaître l’heure du déjeuner figure toi !
- Nous déjeunerons quand j’en aurai décidé. Cela te va ?
- Pas vraiment. Tu sais, ce n’est pas parce que TOI tu ne manges quasiment pas, que nous faisons de même. Et ce n’est pas non plus parce que les autres ont bien trop peur de t’affronter que MOI je ne le ferai pas !
- Il n’est pas question d’affrontement Alain. C’est juste que…
- Cette mission t’ennuie.
- Une mission ? Quelle mission ? Aller chercher et rapporter une pièce de faïence pour sa Majesté ! Pfff ! Elle a du confondre Colonel des Gardes et Commis !
- Oh je vois….Cela est indigne de la grande Oscar de Jarjayes ! Est-ce cela, ou le fait de laisser le commandement à Girodelle ?
- Ne dis pas n’importe quoi. Victor est parfait pour assumer ce rôle pendant mon absence, et de toutes façons, il devait rester à Versailles pour les préparatifs de son mariage avec Diane.
- Pauvre Diane…
- Allons ne fais pas de mauvais esprit. Et puis, c’est elle qui l’a choisi… Bref. Pour en revenir à ta première question, nous déjeunerons dès que nous aurons trouvé une auberge décente.
- J’aime bien quand tu parles de cette façon là !
-Idiot ! »
Elle lui fit un sourire, le premier de la journée. Elle était incapable de résister à Alain et il le savait bien. Alain de Soisson et sa jeune sœur Diane avaient été recueillis par le Général de Jarjayes et sa famille, en bas âge. Leurs parents, un couple de nobles, amis des Jarjayes avaient péri lors d’un voyage en mer. Alain, Diane et Oscar étaient devenus en grandissant de véritables frères et sœurs, et l’affection qu’ils se portaient n’était pas feinte. Si physiquement, ils étaient dissemblables, Oscar et Alain avaient le même âge, et le même caractère entier et passionné, ce qui donnait lieu à des disputes mémorables. C’est souvent là qu’intervenait Diane, beaucoup plus calme que ses aînés, et qui se mettait entre eux afin de limiter les dégâts. Ce qui n’était pas sans risque, car Oscar ayant reçu une éducation de garçon, elle n’hésitait pas à défier son frère de lait aux poings, et parfois, Diane était passée à deux doigts d’un direct du droit…
Quand plus tard, Oscar avait été choisie pour assurer la sécurité de la dauphine, c’est tout naturellement qu’Alain s’était engagé à ses côtés dans les Gardes Royales, aidé en cela par le Général, qui ne voyait pas d’inconvénient à placer le jeune homme auprès de son enfant chérie. D’autant plus qu’Alain avait reçu la même éducation qu’Oscar et qu’à eux deux, ils étaient redoutables. C’est en allant leur rendre visite que Diane avait un jour croisé le chemin de Victor Clément de Girodelle. Et c’est en remarquant que son lieutenant et sa « sœur » arborait le même sourire un peu niais, qu’Oscar avait comprit ce qu’il s’était passé lors de la rencontre. Elle avait eu du mal à faire accepter le mariage à Alain, mais finalement, les jeunes gens se marieraient à la fin de l’année.
Pour l’heure, Oscar et Alain faisaient donc route vers Nancy, étape obligatoire du chemin qui les conduirait ensuite à Lunéville, haut lieu de la faïence au royaume. La jeune femme avait beau tenter de se raisonner, elle ne comprenait pas en quoi ce voyage faisait partie de ses attributions. Alain essayait depuis leur départ de lui faire retrouver le sourire, s’extasiant devant la beauté des paysages qu’ils traversaient, le goût exquis de la cuisine locale, le fait de dormir à la belle étoile… Toutes choses qui, loin de réjouir Oscar, lui rappelaient encore plus cruellement leur éloignement de Versailles et des moments importants qu’elle était peut-être en train de manquer. Et pour être franche, elle en avait plein les bottes…
Reportant son attention sur le chemin, elle reprit bien vite l’attitude droite et altière de son rang, et d’un geste à sa troupe fit comprendre qu’ils allaient entamer un galop, le terrain plat et le chemin de terre sableuse y convenant parfaitement. Et puis, même si elle ne l’aurait pas dit ouvertement devant ses hommes, elle avait une furieuse envie d’accélérer le rythme. Depuis une quinzaine de jours, moment de leur départ, elle avait l’impression que ces messieurs se croyaient en permission. Impression renforcée par leur mise un tant soit peu débraillée, et l’allure tranquille à laquelle ils avançaient.
Aujourd’hui, elle avait décidé de les secouer. Dès l’aube elle les avait sermonné, et tous avaient dû remettre leurs uniformes en état. Et chaque parcelle de terrain adéquate les voyait passer au grand galop. Certains avaient protesté, mais aucun ne l’avait fait devant elle. D’abord parce que personne ne tenait à se frotter à Oscar quand elle affichait sa mine des mauvais jours, ensuite parce que malgré tout, ils avaient tous un énorme respect pour elle. Certes, à l’époque où elle avait été nommée Capitaine, beaucoup d’entre eux s’étaient gaussés. Une femme ? Aussi frêle qu’elle qui plus est ? Que venait –elle donc faire à leur tête ? Soutenue par son père à n’en pas douter !
Et puis, il y avait eu le duel avec Victor. Devant toute l’assemblée réunie, Gardes Royaux, Nobles et sa Majesté le roi Louis XV, elle avait battu le Comte de Girodelle à plate couture, éblouissant de sa prestance et de son adresse à l’épée le Roi lui-même. Ensuite, elle avait su s’imposer parmi eux, faisant preuve d’une rigueur et d’une justesse à nulles autres pareilles, et les dirigeant avec une aisance stupéfiante. Et tous avaient fini par être conquis le jour où elle avait sauvé la dauphine au mépris de sa propre vie. Pour finir, ils en avaient presque oublié quelle était sa vraie Nature, ne se concentrant pas sur la personne, mais sur son grade. Quand ils évoquaient Oscar, ils disaient Le Colonel, point final. Au moment de choisir ceux qui devraient l’accompagner pour cette « délicate » mission, Oscar n’avait pas eu à désigner. Ils s’étaient tous portés volontaires. La voix d’Alain la ramena à la réalité.
« Terre !
- Qu’est ce que tu racontes encore ?
- Auberge droit devant Colonel !
- C’est bon, ça va. J’ai compris. »
Elle donna le signal de l’arrêt.
« Pause déjeuner messieurs. L’estomac d’Alain crie famine ! »
Les hommes rirent de bon cœur. L’appétit d’Alain était légendaire chez les Gardes. Oscar mit pied à terre et jeta un œil à l’enseigne de l’établissement. « Le potager de Nicolas »… Voilà qui la changeait de certaines tavernes un peu glauques dans lesquelles Alain se faisait un plaisir de l’emmener à Paris. Jugeant le nom de l’auberge rassurant, elle entra, suivie de sa troupe. Aussitôt, une petite femme brune, jeune et avenante, vint à leur rencontre.
« Bienvenue Messieurs. Je vous propose la grande table centrale, vous devriez y tenir tous les… (Elle compta) dix. Au menu aujourd’hui : coq de bruyère et pommes de terre suivi d’une tarte à la mirabelle, le tout arrosé d’un vin gris des coteaux de Toul.
- Ce sera parfait. »
La jeune femme s’éloigna, tout en passant commande à l’homme derrière le comptoir.
« Nicolas, active tes fourneaux, nous avons ici de beaux messieurs qui m’ont l’air affamés
(Elle fit un clin d’œil à Alain).
- Tout de suite Mélanie ! »
Profitant du temps d’attente avant le service, Oscar fit le tour de la salle du regard. Il n’y avait pas grand monde encore, hormis quelques hommes, sans doute des paysans venus faire une pause avant de reprendre le labeur, et un homme dont elle ne parvenait pas à distinguer le visage, car il était tapi dans un recoin sombre. Toutefois, à en juger par ses vêtements, ce devait être un pauvre bougre, car son pantalon de toile grossière était déchiré par endroit, et sa chemise de coton gris n’était guère en meilleur état. Il était attablé seul, contemplant un pichet de vin avec envie.
La dénommée Mélanie revint avec leurs plats, et leur fit la conversation tout en servant.
« D’où venez vous messieurs si ce n’est pas indiscret ? Pardonnez moi, mais ce n’est pas tous les jours que nous recevons des militaires dans notre modeste auberge !
-De Versailles, nous sommes en mission pour la Reine.
-Alain, tu parles trop…
-Oh, je t’en prie Oscar, il n’y a rien de confidentiel !
-Et où allez vous comme ça ? Nancy ?
-Lunéville madame !
-Alain !
-Ecoute Oscar, vraiment je te trouve paranoïaque…
-Pardonnez moi Madame, mais en tant que Colonel, je me dois parfois de réprimander mes hommes quand ceux-ci ne sont pas suffisamment discrets ! (Le tout dit avec un regard appuyé en direction d’Alain).
-Colonel !! Alors cette mission doit être rudement importante !
-Elle l’est…plus ou moins (Alain réfréna un fou rire).
-Dans ce cas, laissez moi vous mettre en garde. Les routes de Lorraine ne sont pas toujours très sûres, méfiez vous. Des bandes de brigands rôdent et sont prêtes à tout pour détrousser les voyageurs !
-Ca ne risque rien. Nous sommes bien entraînés ! Qu’ils viennent !
-Alain ça suffit ! Pardonnez mon impolitesse Madame, je vous remercie de vos conseils, mais j’aimerais à présent clore cette conversation.
-Je comprends. »
Mélanie s’éloigna prudemment. Elle avait lu dans les yeux du colonel qu’il valait mieux ne pas s’opposer à ses décisions. Quand elle fut de l’autre côté de la salle, en train de servir le pauvre bougre qu’Oscar avait repéré, la militaire se tourna vers Alain.
« Tu ne peux pas tenir ta langue hein !?
-Je n’ai rien dit de mal. Et je ne vois pas en quoi notre mission est confidentielle !
-Tout ce qui concerne la Reine est confidentiel !
-Je t’en prie ! Pour un bout de faïence…
-Quand bien même. On ne sait jamais sur qui on peut tomber…
-Oh c’est bon, j’ai compris. »
Il passa le repas à bouder, ce qui fit sourire Oscar. Il avait parfois du mal à comprendre qu’elle était sa supérieure et qu’en tant que telle, il devait écouter et obéir à ses ordres. Et elle aimait bien le remettre à sa place quand ce n’était pas le cas. Mais leurs chamailleries ne duraient jamais longtemps. Et pour une fois, Oscar avait raison de se méfier…
Faïence 2.
Pour ce chapitre, je dois avouer que mes influences vont de « Robin des Bois » au… village des Ewoks. Vous comprendrez pourquoi en lisant le chapitre. Pardon pour ma culture un peu décalée !
A la fin du repas, Alain avait retrouvé le sourire. Oscar paya ce que la troupe devait à la femme de l’aubergiste, et celle-ci la remercia tout en lorgnant sans vergogne vers le postérieur d’Alain. Le remarquant, le jeune homme en fut flatté et lui adressa un regard appuyé. Oscar à qui ce manège n’avait pas échappé leva les yeux au ciel tout en questionnant son interlocutrice.
« Dites moi Madame, y’aurait il un endroit confortable où passer la nuit à Nancy ?
-Pour sûr ! Chez ma cousine, Madame Tryune, elle tient un petit relais Grande Rue. Allez y de ma part, vous n’serez pas déçus !
-Je vous remercie Madame. Bonne journée. En route Messieurs !
-Au revoir Messires ! »
La troupe se leva, sortit et tous se mirent en selle. Oscar donna l’ordre du départ. Elle ne voulait pas perdre plus de temps. Si tout se passait comme prévu, ils seraient à Lunéville le lendemain, et le jour suivant, sur la route du retour à Versailles. Elle avait hâte de finir cette mission. Ce qu’elle ignorait, c’est que tout n’allait pas se passer comme prévu…
Depuis la fenêtre de la cuisine de l’auberge, Nicolas le patron, les regarda partir. Une fois qu’ils furent hors de vision, il se précipita dans la salle à manger, et se posta devant la table du pauvre homme qu’Oscar avait repéré.
« Christophe, ils sont partis. Je pense que tu devrais aller avertir tu sais qui…
-Tu as raison. On ne croise pas tous les jours des clients pareils. Je crois qu’il sera intéressé par ceux-ci.
-Mélanie, tu leur a bien donné l’adresse de ta cousine ?
-Tu m’prends pour une idiote, j’avais tout de suite senti qu’ils pouvaient être intéressant pour lui ! Evidemment que j’les ai envoyé là-bas !
-Magnifique ! Tu es merveilleuse ma chérie. Christophe, tu sais ce qu’il te reste à faire.
-J’y cours ! »
Prenant congé de ses hôtes, il se précipita au dehors, et gagna l’arrière de l’établissement où l’attendait un cheval. Il piqua des deux et s’élança au galop sur le chemin que venait d’emprunter Oscar et sa troupe. Arrivé à une sorte de croisement, il ne prit ni à gauche, ni à droite, mais s’enfonça résolument dans les sous bois. Il suivit un sentier connu de lui seul, et ne ralentit que devant une immense muraille de végétaux divers. De part et d’autres de ce mur de verdure se dressaient des flancs rocheux assez haut pour décourager toute escalade. Il stoppa sa monture au pied de cette barrière naturelle, et hurla pour lui seul.
« LE ROI DES BAUDETS N’EST PAS UN BROCHET ! »
Quiconque ne connaissant pas ce qui se cachait derrière cette formule obscure aurait pu le croire fou, et c’était précisément le but recherché. Pour l’heure, la muraille de verdure s’entrouvrit suffisamment pour laisser le passage à son cheval, lequel n’eut aucune hésitation et s’engouffra dans la brèche. Il avançait, indifférent à ce qui aurait paru incroyable à tout autre que lui ne connaissant pas l’existence du camp.
Au sol, quelques personnes s’activaient autour de feux de camps. Certains faisaient la cuisine, des hommes réparaient des lames, des femmes mettaient du linge à bouillir… Christophe salua d’un signe de tête les deux hommes qui avaient manœuvré la lourde porte de verdure, à l’aide d’un système complexe de poulie. Levant la tête, il aperçut, bien dissimulée dans les nombreux arbres qui l’entourait, les maisons suspendues et les échelles de cordes ou de bois qui en autorisaient l’accès. Fouillant du regard, il trouva celle qu’il cherchait. Perchée le plus haut, c’était la Sienne. Une voix féminine lui fit détourner les yeux.
« Tu le cherches ?
-Bonjour Marion. Oui en effet. J’ai une information qui devrait l’intéresser.
-Il n’est pas chez lui, mais à la forge.
-Je te remercie, j’y vais de ce pas.
-A ton service ! »
Il fit bifurquer son cheval vers une anfractuosité rocheuse. A l’intérieur, il distingua deux silhouettes masculines. A en juger par la conversation, l’une des voix était celle de Pierrot, le forgeron, l’autre profonde et chaude, ne pouvait être que celle de l’homme qu’il était venu trouver. Il s’arrêta devant la grotte et héla les deux hommes.
« Bonjour Messieurs !
-Christophe ! Comment vas-tu ?
-Bien, je te remercie Pierrot. J’ai des bonnes nouvelles, et je suis venu les dire à André.
-Et bien parle, je t’écoute !
-Une troupe de Gardes Royaux a fait halte chez Nicolas et Mélanie aujourd’hui.
-La Garde Royale ? Voilà qui n’est pas banal. Mélanie a-t-elle pu glaner d’autres renseignements ?
-Tu la connais non ? Ils sont venus récupérer de la faïence pour sa Majesté la Reine à priori.
-Intéressant…la faïence, ça se revend… à moins que…
-Que quoi ?
-J’ai entendu dire par un de mes espions infiltrés chez mes ennemis, que le Roi faisait passer certains messages important par l’intermédiaire d’objets d’art…Je n’y avais guère prêté d’attention jusque là, mais la coïncidence avec la présence de ces Gardes me semble trop belle.
-Qu’est ce qu’on fait ? On les intercepte ?
-Pas maintenant. Attendons qu’ils aient récupéré la faïence. Sont-ils nombreux ?
-Une dizaine. Commandés par un freluquet. Un jeune blond, frêle et autoritaire…Cela ne devrait pas poser de problème.
-Parfait… Nous pourrons même tirer profit d’eux. Les officiers des Gardes Royales sont issus de la Noblesse…Les Nobles ! Qu’ils pourrissent tous en Enfer ! »
Personne ne répliqua à cette véhémence inhabituelle chez André. Tous connaissaient son passé, et beaucoup partageait sa haine de la Noblesse. D’ailleurs si ils vivaient à ses côtés et l’avaient accepté comme chef, cela n’était pas étranger à ce sentiment commun. Les yeux encore étincelant de rage, André reprit.
« Sont-ils loin de Lunéville ?
-Encore une petite journée de cheval. Mélanie les a envoyés chez sa cousine, la Marie Tryune pour ce soir.
-Bien. Je vais envoyer Myriam là bas, elle pourra les espionner tranquillement. Plus nous en apprendrons, mieux ce sera. A leur retour de Lunéville, ils vont avoir une belle surprise… »
Loin de tout cela, ne se doutant de rien, Oscar et sa troupe venaient d’entrer dans Nancy. De meilleure humeur tout de même, la jeune femme profita du séjour pour admirer la ville. L’endroit que Mélanie leur avait indiqué n’était pas très loin de la célèbre place Stanislas, commandée par le fameux Roi de Pologne exilé en Lorraine et achevée depuis peu. Elle la découvrit avec ravissement, trouvant l’endroit superbe, avec ses pavés de granit jaune et ses grilles ouvragées en fer forgé, dorées à l’or fin.
Ils n’eurent aucune difficulté à trouver l’auberge de Madame Tryune, et furent heureux de délaisser leurs chevaux pour des chambres confortables. La patronne était sympathique, le séjour s’annonçait agréable…
VERSAILLES.
Le Roi, la Reine et le Duc de Breuille étaient en grande conversation. Marie-Antoinette ne cachait pas son inquiétude pour son Colonel préféré. Elle s’en ouvrait au Duc, le commanditaire de la mission. Le Roi quant à lui gardait le silence pour l’instant.
« Je n’aime pas ça. Envoyer Oscar en mission sans l’avertir des réels enjeux de celle-ci, cela ne me plaît pas du tout. J’ai l’impression de l’avoir trahi !
-Allons Majesté, il faut relativiser… Cette mission n’est pas dangereuse. Et elle l’est d’autant moins qu’Oscar n’est pas au courant. Si le Colonel ne sait pas, c’est mieux pour lui, croyez moi !
-Mais si on l’avait informé des papiers cachés dans la faïence, il aurait pu remplir son devoir plus efficacement…
-Cessez de vous en faire, le duché de Lorraine n’est pas un pays de sauvage ! Et Oscar est digne de confiance. Nous devrions très vite le revoir… »
AUBERGE DU « JOYEUX LUTIN ».
Alain attaquait sans faiblir sa troisième part de pâté lorrain sous les yeux médusés d’Oscar. La militaire, bien qu’ayant apprécié ce met, composé de viandes de porc et de veau marinées aux herbes et cuites dans une pâte feuilletée, se demandait où son ami engrangeait tout ce qu’il avalait. Une jeune femme brune, aux cheveux assez courts et bouclés et aux yeux marron pétillants de malice, se tenait à coté de la table, prête à intervenir.
« Ca fait plaisir de voir un appétit comme le vôtre Monsieur !
-Alain (répliqua celui-ci la bouche pleine), appelez moi Alain.
-Et bien Alain, j’aimerais avoir des clients comme vous tous les jours ! Mais une chose me chiffonne…
-Laquelle ?
-Aurez vous encore de la place pour le dessert ? »
A ces mots, Alain se redressa tous les sens en éveil. Au moment où il allait répondre, la porte de l’auberge s’ouvrit pour laisser passage à une femme blonde aux grands yeux bleus, et dont le physique avantageux était à première vue au goût d’Alain. Ce dernier, en oubliant le dessert, se tordit le cou pour suivre du regard le déplacement de l’inconnue dans toute la salle. Comble du bonheur, la belle se dirigeait manifestement vers leur table. Indifférent au talon d’Oscar qui lui écrasait le pied avec force, le jeune homme fit un clin d’œil à l’inconnue. Celle-ci, au grand étonnement d’Oscar, répondit de la même façon au beau brun, avant d’adresser la parole à la patronne.
« Bonsoir Marie, puis je te parler en privé ?
-Certainement Myriam. Veuillez nous excuser messieurs.
-Je vous en prie Madame. »
Les deux femmes s’éloignèrent et finirent par disparaître en cuisine, tandis qu’Alain et Oscar entamait la tarte aux myrtille disposée devant eux. Oscar ne put s’empêcher de hausser un sourcil moqueur en remarquant le curieux partage effectué par son compagnon. Alors qu’il déposait une part normale dans l’assiette d’Oscar, Alain venait de poser un quart de la tarte dans la sienne.
« Tu ne pourras même plus monter sur ton cheval demain matin si tu continues !
-Ne t’en fais pas pour moi Oscar… C’est plutôt toi qui devrait manger un peu plus. Enfin, si tu veux rester frêle toute ta vie, ça te regarde. Moi, j’ai besoin de forces !
-Bien sûr… »
Ils terminèrent leur repas gaiement, se taquinant gentiment. Oscar était de bien meilleure humeur, le repas avait été excellent, et la nuit s’annonçait bonne, dans des lits aux draps propres et frais…
Dans la cuisine de l’auberge, Myriam et Marie discutaient. La jolie blonde informait son amie sur la mission dont André l’avait chargée.
« Il faut les surveiller discrètement et tâcher de leur soutirer un maximum de renseignements.
-Hum…Le jeune blond est méfiant, et c’est le commandant. Cela ne va pas être facile !
-Ne t’inquiètes pas. Tu as vu comme l’autre me regarde ?
-Alain ?
-Le beau brun… Alain c’est son prénom ? Je pense que je devrais réussir à obtenir quelques informations. Et puis, pour une fois, je vais pouvoir joindre l’utile à l’agréable !
-Myriam !
-Quoi ? Il est tout de même plus joli garçon que le vieux cochon de duc de la dernière fois ! Pas besoin de l’enivrer pour échapper à l’horreur cette fois… Je vais attendre qu’ils aient terminé de dîner et ensuite, je passerai à l’action.
-Toi alors…
-A part ça comment va ton mari ?
-Prosper ? Il va bien. Il doit être en train de récurer ses tables comme d’habitude… Il est à la limite de la folie avec son obsession de la propreté ! C’est bien simple, Mélanie ne l’appelle plus par son prénom, mais elle l’a surnommé « Monsieur Propre ». Il n’aime pas ça d’ailleurs !
-Parce que tu aimerais qu’on t’appelle comme ça toi ? »
L’homme qui venait de faire son apparition serra Myriam dans ses bras avant d’embrasser Marie. De grande stature, avec des épaules carrées et une musculature rendue évidente par une chemise très échancrée, des yeux bleus dans un visage légèrement poupin, l’homme possédait une beauté atypique que ne venait pas gâcher un crâne sans un seul cheveux.
« Que nous vaut le plaisir de ta visite Myriam ?
-Une mission pour André.
-C’est du sérieux alors.
-Si on veut.
-Chéri, tu vas avoir du travail. Tu vois les deux hommes sur la table du fond ? Le blond tout maigrichon et le brun costaud ?
-Oui Amour.
-Et bien…le brun a bel appétit, mais il mange comme un porc. Il en a mit partout…
-Raaah…j’ai horreur de la saleté ! »
Les trois complices partirent dans un grand éclat de rire. Mais Myriam se ressaisit très vite lorsqu’elle aperçut ses proies se lever et se diriger vers les chambres.
« Bien, c’est à moi de jouer.
-Bonne chance ! »
Au moment où il sortait de table avec Oscar, Alain eut l’agréable surprise de voir la belle Myriam se diriger vers lui. Avec un sourire ravageur, elle s’approcha d’eux, avant de discuter avec eux.
« Messieurs, que diriez vous d’une promenade digestive dans les rues de Nancy ? Marie m’a expliqué que vous étiez de passage, et notre bonne ville recèle de nombreux trésors. Ça vous tente ?
-Sans façon. Mais je vous remercie Madame. Le voyage est long, et nous avons encore une grande journée demain. Je préfère monter me coucher.
-Et vous Monsieur ?
-Et bien… Je crois que je vais te faire faux bond Oscar ! Une promenade me tente beaucoup, d’autant que la compagnie est charmante !
-Comme tu veux Alain. Dans ce cas, amusez vous bien. Bonne soirée ! »
Médusée, Oscar vit Alain tendre son bras d’un geste galant à la jolie blonde qui en retour y posa une main avec un grand sourire. L’assurance et l’aisance avec lesquelles son « frère » avançait dans la vie ne manquait jamais d’étonner Oscar. Et ce, d’autant plus qu’elle aurait aimé les posséder parfois. Sous les dehors de froide confiance en elle qu’elle affichait, la belle militaire était en réalité toujours en train de se remettre en question. La faute sans doute à son statut si particulier qui l’obligeait à garder une apparence solide, sorte d’armure contre la fragilité réelle de sa condition de femme.
« Me voici en train de philosopher…je ferais mieux d’aller me coucher ! »
Elle monta d’un pas lourd de fatigue l’escalier en bois brut, et se retrouva avec plaisir dans la chambre qui lui était attribuée. Se dévêtant tranquillement tout en posant ses habits sur la petite chaise au motif de cœur qui était disposée dans un coin, elle se rafraîchît à l’aide de l’eau et du broc posés sur un bahut. Puis, elle se glissa dans les draps et laissa le sommeil l’emporter. Sa dernière pensée fut pour Alain. Elle espérait qu’il passait une bonne soirée…
Les pâles rayons d’un soleil d’automne eurent raison des dernières brumes de sommeil, et Oscar ouvrit les yeux. Après quelques ablutions matinales, elle sortit dans le couloir de l’auberge et se dirigea d’un pas ferme et décidé vers la chambre d’Alain. Sans prendre la peine de frapper, elle entra… pour ressortir aussitôt. Le jeune homme avait effectivement passé une bonne soirée, et d’après ce qu’elle venait de voir, une bonne nuit. Du peu qu’elle avait pu apercevoir, une tête blonde et une épaule nue reposaient sur le torse nu lui aussi de son vieil ami. Oscar changea de tactique et tambourina à la porte.
« Alain, dépêche toi de te lever. Nous partons dans moins d’une heure !! »
Une voix pâteuse et rauque lui répondit.
« Très bien Colonel. A tes ordres ! »
Dans la chambre, Alain souleva avec délicatesse la belle endormie, ce qui eut pour effet de la réveiller.
« Qu’est ce qui se passe ?
-Le devoir m’appelle Myriam.
-Ce ne serait pas plutôt la voix de ton étrange Colonel ?
-C’est la même chose !
-Tu ne peux pas rester encore un peu…
-Cela me plairait énormément…mais Oscar ne me le pardonnerait pas !
-Tu es bien plus fort que lui, pourquoi le crains tu donc à ce point ?
-Je ne le crains pas, je le respecte. Ce sont deux choses différentes. Allez debout belle damoiselle.
-D’abord un baiser !
-Comment résister… »
Le baiser fut accordé avec un empressement et un savoir faire hors du commun, et se prolongea même avec quelques caresses qui finirent par devenir si pressante qu’Alain eut toutes les peines du monde à résister. Néanmoins, il finit par sortir du lit et s’habiller avant de rejoindre Oscar et les hommes qui patientaient dans la salle de restaurant. Avant de sortir, il adressa un dernier baiser du bout des lèvres à son amante.
« Tu vas me manquer jolie Myriam.
-Peut-être nous reverrons nous un jour…
-Peut-être… »
Il se glissa hors de la chambre, et de ce fait ne pu entendre les dernières paroles de la jeune femme. Celle-ci fixa la porte close et rajouta entre ses dents.
« Bien plus tôt que tu ne le crois, joli cœur ! »
Une fois qu’Alain les eut rejoints, Oscar et ses hommes se mirent en selle, et la Colonelle donna le signal du départ. Lunéville les attendait et dès ce soir, ils seraient sur la route du retour. La troupe se mit en marche, les fers des chevaux claquant sur les pavés de la place Stanislas qu’Oscar avait tenu à emprunter…
A peine quelques minutes plus tard, une cavalière lançait sa monture au grand galop dans la direction opposée à celle des soldats. Myriam partait rapporter à André les dernières nouvelles… |