Auteur : Nezumicat Hits : 1264
Lady Oscar > Mystère > Au-delà de Mitgard >
Oscar et André se trouvaient maintenant à trois lieues du château. Cela faisait plus d’une heure que leurs deux montures galopaient à vive allure afin de les rammener au domaine des Jarjayes. Le vent violent n’était guère rassurant quant au temps qui risquait de se dégrader d’un moment à l’autre. André se doutait fort bien qu’un orage irait déchirer le ciel très prochainement, et il avait insisté auprès de son amie afin qu’ils ne quittent Arras que le lendemain matin à la première heure. Pourtant Oscar désirait rejoindre Versailles au plus tôt, prétextant une entrevue avec la reine qui l’aurait, paraît-il, sollicitée la veille au matin. André se doutait bien que la raison ainsi présentée n’en était pas une. En effet, il était resté aux cotés d’Oscar toute la journée sans même la quitter un instant. Jamais la reine n’avait exposé cette requête auprès de son amie. Elle l’avait néanmoins informé qu’Axel de Fersen désirait se rendre au château de Versailles justement le surlendemain. Le jeune homme savait pertinemment qu’il s’agissait du gentilhomme suédois, et non de Marie-Antoinette, qu’Oscar désirait voir. Celui-ci étant censé arrivé au palais tôt dans la matinée, Oscar souhaitait rentrer au château afin d’être à même de se rendre auprès de lui le lendemain. Et André n’était pas dupe des sentiments qu’éprouvait sa jeune amie pour le beau suédois. Cela, il l’avait immédiatement compris, au moment même où il s’était aperçu qu’une petite étincelle flamboyante brillait dans les yeux azur de la jeune femme. Cette même étincelle qui s’éclairait lorsque que ceux-ci croisaient la silhouette longue et mince de Fersen. Dieu seul pouvait savoir ô combien cette petite flamme, fard dans l’océan des yeux de celle qu’il aimait, le faisait souffrir. C’était là la vraie raison de son désir de passer la nuit dans une auberge d’Arras, et non de rentrer. Le mauvais temps avait été un simple prétexte pour tenter de garder Oscar avec lui, pour éviter qu’elle n’aille se jeter dans les bras de ce suédois qu’elle semblait tant admirer. Mais sa tentative avait échoué. Oscar ne l’avait une fois de plus pas écouté, et le jeune homme avait dû se résigner à la suivre. Il savait de toutes manières qu’avec ou sans lui, sa belle amie aurait regagné le château. Alors la perdre pour la perdre, André s’était dit qu’il valait encore mieux rester à ses cotés le plus longtemps possible. Et aurait-il eu le courage d’abandonner Oscar seule dehors, dans la nuit, et qui plus est avec ce temps exécrable ? … Il l’avait donc suivit à contre cœur.

Le faux prétexte d’André s’était pourtant avéré exact. Le vent bouillonnant n’avait pas tardé à entraîner dans sa course folle la pluie, et le grondement de l’orage imminent résonnait déjà. Oscar qui galopait quelques mètres devant son ami tourna son visage vers lui et lui cria, sous peine de voir sa voix se perdre dans le sifflement du vent :

« _ Eh bien André, tu avais raison ! L’orage ne va plus tarder à se mettre de la partie apparemment. Mais tu sais qu’il fallait impérativement que nous rentrions ce soir. La reine l’aurait, je pense, mal prit si on lui avait signalé qu’Oscar de Jarjayes préférait prendre des vacances plutôt que de se rendre auprès d’elle ! Tu ne crois pas ? !

_ Oh, si, bien sûr ! … »

Oscar lui mentait encore. Elle n’aurait jamais admis, et surtout à son ami le plus proche, l’envie réelle qui la poussait à s’en retourner au palais le plus vite. Fersen était de retour de plusieurs semaines d’absence, d’un endroit étranger à André, et qu’il n’avait d’ailleurs aucun besoin ni aucune envie de connaître. Il aurait tant voulu le voir absent plus longtemps. Durant ces quelques semaines, beaucoup trop courtes à son goût, il avait pu avoir Oscar pour lui seul. Et maintenant, le Suédois revenait et la lui volait une fois encore. Mais que pouvait-il y faire ? Il ne pouvait absolument rien contre les sentiments d’Oscar. Et de quel droit aurait-il pu l’empêcher de retourner vers lui ? Il était impuissant, totalement désarmé. Il ne pouvait que constater amèrement que le cœur d’Oscar ne lui était décidément pas destiné.

Soudain, une lumière jaillie dans le ciel, éblouissante autant qu’inattendue, coupant ainsi court aux pensées du jeune homme. Les montures d’Oscar et André commençaient à s’agiter quand un violent éclair vint trouver la cime d’un arbre pour amortire sa chute et y mourir. André regardait à ce moment-là au-dessus de lui le ciel éclairé par le trait de feu et ce ne fut qu’une courte seconde plus tard qu’il détourna les yeux, alerté par le terrible vacarme de l’éclair s’écrasant sur l’arbre. C’est avec un sursaut au cœur qu’il s’aperçut que l’arbre victime de la fureur du ciel était dressé tout près du cheval d’Oscar. Celui-ci, effrayé par le choc violent, se cabra, faisant ainsi glisser sa cavalière de sa selle. La monture d’André n’avait pas eu la même réaction car ils ne se trouvaient que plusieurs mètres derrière. Elle ne laissa entendre qu’un simple hennissement. Oscar poussa un cri alors qu’elle chutait du dos de son cheval blanc, et se fut la tête la première qu’elle s’écroula sur le sol, heurtant au même moment violemment un rocher au bord du chemin. Sa monture s’en alla au galop, suivant la direction du château.

André, affolé par la chute de son amie, calma son cheval puis bondit de son dos pour se précipiter vers elle. Il s’agenouilla à ses cotés et constata avec effroi qu’Oscar était blessée à la tête. Celle-ci était en sang. Ses longs cheveux blonds commençaient à se teinter de rouge alors que la jeune femme restait inanimée. André, tout d’abord affolé, tenta de garder son calme pour agir en conséquence. Il ouvrit sa veste, tira sa chemise rentrée dans son pantalon, et en déchira un pant dans le but de bander la tête d’Oscar. Il savait qu’une blessure à cet endroit, et encore plus à la suite d’un choc violent, pouvait être extrêmement grave. C’est pourquoi il fit tout afin de stopper l’hémorragie et faire au plus vite pour trouver un médecin. Mais malgré le bandage d’André, du sang coulait toujours à travers sur les cheveux d’Oscar. Pourtant, le jeune homme ne pouvait rien de plus, si ce n’était d’aller quérir rapidement quelqu’un qui pourrait soigner son amie. Il la hissa avec autant de prudence qu’il pouvait sur le dos de son cheval et, l’asseyant devant lui sur la selle, la couvrit de sa veste afin que le moins de pluie possible n’atteigne sa tête. Puis il élança sa monture en avant pour regagner le château. André craignait que la course de l’animal n’aggrave plus encore la blessure d’Oscar mais le temps pressait et il valait mieux trouver un médecin au plus vite.

Enfin, après un temps qui lui parut une éternité, le jeune homme aperçut le château des Jarjayes. Tout au long du trajet, il n’avait pu s’empêcher de penser que l’accident d’Oscar ne trouvait pour seul coupable que Fersen, et il en vint à le maudire. Le jeune homme coupa court au galop de sa monture essoufflée lorsqu’il atteignit la cour. Il cria alors, aussi fort qu’il le put, dans la nuit noire qui s’était abattue sur la propriété et sous la pluie battante :

« _ Au secours ! Grand-mère, Général, venez vite ! Dépêchez-vous ! Mon dieu, faites vite, Oscar est blessée ! Au secours ! »

Sans attendre, il descendit prudemment de cheval, tenant Oscar fermement contre lui. Son cœur battait à se rompre et il était entièrement trempé. Mais André s’en moquait. Tout ce qui lui importait était de secourir Oscar au plus vite. Sans même s’occuper de sa monture, il courut vers la porte, serrant toujours la jeune femme dans ses bras, tout en continuant à appeler grand-mère et le père de son amie. Il parvint à la porte d’entrée du château, et ce n’est qu’alors qu’il s’apprêtait à l’ouvrir, que grand-mère apparut à son entrebâillement. André ne manqua pas de voir les yeux démesurés que la vieille femme ouvrit alors qu’elle découvrait Oscar dans les bras de son petit-fils et sa tête en sang.

« - Mon dieu ! ! ! Oh mon dieu André ! Mais qu’est-il arrivé ? ! Ma petite Oscar !

_ Grand-mère, vite, fais appeler un médecin ! Dépêche-toi, Oscar est gravement blessée ! »

Il pénétra alors à l’intérieur du château afin de mettre Oscar à l’abri de la pluie, laissant grand-mère immobile sur le palier qui murmurait pour elle seule :

« _ Oscar…. Mon dieu non, pas ma petite Oscar… oh mon dieu ! … »

André emprunta l’escalier afin de déposer Oscar sur son lit et lui remettre un bandage autour de la tête dans l’attente du médecin. Il aperçut le général qui dévalait les marches à sa rencontre. Ses cris l’avaient très certainement réveillé puisque l’on était déjà à une heure avancée de la nuit. Celui-ci vit à son tour la tête d’Oscar ensanglantée, mais sa réaction fut différente de celle de grand-mère puisqu’il ne perdit pas un moment pour dire :

« _ Je fais quérir un médecin de toute urgence ! »

Alors qu’André poursuivait ses pas, le général continua sa course et, bousculant quelque peu grand-mère sur son passage afin qu’elle réagisse, fit appeler un domestique pour aller chercher un médecin au plus vite.

Une demi-heure plus tard, le médecin arrivait au château, conduit en voiture par l’un des domestiques de la famille Jarjayes. Lorsqu’il pénétra, suivit du général, dans la chambre d’Oscar, il aperçut celle-ci étendue, immobile sur le grand lit en baldaquin. André se tenait à ses cotés, à genoux, les deux mains jointes sur le lit de son amie et fixant la jeune femme d’un regard fixe et vide. Grand-mère était placée de l’autre coté du lit, debout, et murmurait comme elle n’avait presque cessé de le faire, une sorte de prière. L’homme se saisit de ses instruments de médecine et se hâta d’examiner Oscar. Il remarqua le bandage autour de la tête de celle-ci et s’adressa à André :

« _ Vous avez très bien réagit. Stopper l’hémorragie était la première chose à faire. »

André ne répondait pas. Il n’avait pas bougé depuis une vingtaine de minutes, immobile depuis qu’il avait fini de bander la tête d’Oscar.

Pendant près d’une heure, le médecin porta, avec le plus d’attention qu’il le pouvait, des soins à la jeune femme. Mais celle-ci était restée inconsciente. Le général le prit un peu à l’écart afin de le questionner :

« _ Docteur. Est-ce qu’elle va s’en sortir ? Dites-moi la vérité !

_ Et bien, je ne sais. Elle a reçu un terrible choc. Je ne peux me prononcer avec exactitude. Pour le moment, son état est stationnaire. J’ai recousu sa blessure mais pour l’instant, je ne peux vous dire quand elle se réveillera… Il est même fort probable qu’elle reste ainsi assez longtemps. Mais il est impossible de savoir si ce sera une heure, une journée, une semaine, ou même plus.

_ Oh mon dieu ! … Ma pauvre enfant… Tout cela est ma faute…

_ Allons général, il ne faut pas dire cela. Je repasserai la voir demain. S’il arrivait quelque chose entre temps, n’hésitez surtout pas à me prévenir.

_ Bien docteur. Merci. »

André resta tout le restant de la nuit au chevet d’Oscar. Grand-mère tenta bien de le convaincre de se reposer, mais le jeune homme refusait de la quitter. Il s’en voulait maintenant terriblement de ne pas avoir contraint Oscar de rester à Arras pour la nuit :

« _ C’est ma faute tout cela. J’aurais du insister. J’aurais du te convaincre. Oh Oscar ! mon Oscar, réveille-toi, je t’en supplie… Oscar… »

André ne pouvait empêcher les larmes de rouler sur son visage. La culpabilité le frappait en plein cœur. Après avoir accusé Fersen, c’était lui-même qu’il accusait. La pensée que ce qui arrivait maintenant à son amie était entièrement de sa faute ne le quittait plus.

Un rayon de soleil perçant à travers la vitre trouva André assoupi, la tête posée au-dessus de ses bras croisés, sur le lit d’Oscar. Quand la lumière insistante finit par troubler son sommeil, le jeune homme ouvrit les yeux et se redressa sur sa chaise. Il regarda son amie dont les paupières restaient désespérément fermées.

« _ Ouvre les yeux Oscar, leur lumière et leur chaleur me manquent trop… Et même si c’est pour y trouver cette étincelle qui me brise tant le cœur, cela m’importe peu. Que m’importe si tu ne me regardes pas ! Je resterai, moi, toujours à tes cotés, comme une ombre protectrice. Mais ouvre les yeux Oscar, déchire le voile qui les maintient ainsi. Bas-toi Oscar ! Je t’en pris… »

André ne quittait toujours pas la chambre de son amie. Grand-mère tenta à nouveau de l’en faire sortir mais le jeune homme s’y refusait obstinément. Les repas qu’elle lui apportait ne servaient à rien. André restait immobile sur sa chaise, sans manger, sans parler, si ce n’était à Oscar. Le médecin revint voir la jeune femme quelques heures plus tard. Rien ne changeait. Il se décida alors à faire appeler certains de ses confrères en médecine afin qu’ils lui donnent leur propre avis sur l’état d’Oscar.

Quatre médecins furent ainsi conviés à venir l’examiner à leur tour. Tous parvinrent au même diagnostique : Oscar était plongée dans un état comateux profond. Personne n’était capable de mesurer la durée de ce coma, ni même de savoir si la jeune femme pourrait en sortir un jour. A cette annonce, André se leva d’un bond, renversant sa chaise, et s’élança hors de la pièce pour finalement quitter le château à toutes jambes. Ce n’est qu’après avoir couru un bon kilomètre que le jeune homme s’arrêta. Il leva les yeux au ciel et hurla :

« _ NNOOONN ! ! ! Oscar ! Oscar, reviens ! Tu ne peux pas ne jamais te réveiller ! C’est impossible ! Tu le dois, tu m’entends Oscar, TU LE DOIS ! ! !

Il se laissa tomber à genoux sur le chemin terreux et en sanglot, murmura :

_ Oscar, reviens mon Oscar… Je t’en supplie, reviens vers moi… Je t’aime… »

Tout à coup, le jeune homme sentit une main se poser sur son épaule. Il redressa la tête et aperçu un vieil homme qui le fixait étrangement. Avant qu’André n’ait pu dire quoi que ce soit, le vieillard lui prit la main et le fit se lever. Puis il entendit une voix grave et rauque lui dire :

« _ Emmene-moi auprès d’elle.

André essuya les larmes qui coulaient encore sur son visage et intrigué, questionna l’homme qui lui avait parlé :

_ Pardon ? Mais de qui parlez-vous ?

_ Emmene-moi. Je dois voir le mal qui la retient prisonnière.

André ne comprenait pas le sens des paroles de l’homme. Celui-ci lui tenait toujours la main et il sentit tout à coup qu’il commençait à l’entraîner avec lui sur le chemin de retour du château. Tirant sur son bras, il le fit s’arrêter :

_ Mais attendez ! Que voulez-vous ? Qui êtes-vous ?

_ Ce sont là beaucoup trop de questions inutiles, jeune homme. Emmene-moi la voir.

_ Mais voir qui ? De quel mal parlez-vous ? Que me…

Le jeune homme sut alors que le vieillard voulait parler d’Oscar. Mais comment cet homme étrange connaissait-il son amie ? Il avait parlé d’un mal… Peut-être était-il médecin… Peut-être… peut-être pourrait-il quelque chose pour Oscar ! Cette pensée le fit reprendre courage. A son tour, il entraîna le vieillard derrière lui, suivant le chemin dans le sens inverse qu’il l’avait précédemment emprunté.

_ Vous parlez d’Oscar n’est-ce pas ? Vous pouvez quelque chose pour elle ?

Désormais, André ne se demandait même plus comment l’homme était au courant de l’état d’Oscar, ni comment il la connaissait, ni même qui il était. Il tenait entre ses mains l’espoir de retrouver son amie, et il voulait à tout prix le conserver.

_ Emmene-moi auprès d’elle. »

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Grand-mère eut un sursaut lorsqu’elle aperçut le vieillard qui pénétrait dans la chambre d’Oscar. Elle fit un pas en arrière et attrapa la manche de son petit-fils qui s’apprêtait à son tour à rejoindre son amie. En effet, l’homme avait une allure très étrange et la vieille femme prit peur. Il gardait une haute stature, semblable à celle d’un homme encore vigoureux. Pourtant, la marque des années écoulées se lisait parfaitement sur les traits de son visage. On lui aurait aisément donné quatre-vingt dix ans si l’on n’avait su qu’à un âge aussi avancé, l’homme a naturellement tendance à se courber et à perdre de sa taille. Et personne n’avait même le pouvoir de vivre aussi longtemps. Mais c’est comme si le temps n’avait pas atteint le corps de cet homme. Il avait le visage d’un vieillard et la stature d’un homme de trente ans. Il se tenait droit, sans éprouver aucun besoin de soutenir son poids sur une quelconque canne. Grand-mère avait le sentiment qu’il avait dû avoir recourt à un étrange élixir de jeunesse qui n’aurait marché qu’à moitié ! Elle fit approcher André près d’elle afin de lui parler sans pour autant interpeller l’oreille du vieil homme :

« _ Qui est-ce, André ? Que fait ce vieillard ici ? Pourquoi le laisses-tu approcher Oscar ? ! »

Le jeune homme prit la main de grand-mère et la fit lâcher son bras. Puis, sans même lui porter un regard, il pénétra dans la chambre d’Oscar, laissant grand-mère interdite sur le palier de la pièce.

L’homme était déjà parvenu jusqu’au lit de la jeune femme quand André fit à son tour irruption dans la chambre. Deux des cinq médecins étaient toujours au chevet de la malade, alors que leurs confrères s’étaient installés dans la pièce adjacente. Tous deux eurent une réaction similaire à celle de grand-mère quand leur regard croisa l’étrange vieil homme. Celui-ci prit place sur la chaise qu’avait plus tôt occupé André et saisit la fine main d’Oscar dans les deux siennes dans l’intention de prendre le pouls de celle-ci. Comme l’avaient précédemment noté chacun des cinq médecins, il était très faible. Le visage de la jeune femme laissait paraître une extrême pâleur, alors que tous ces membres s’étaient raidis. Quiconque ne possédant aucune connaissance en matière de médecine n’aurait su dire à cet instant si Oscar vivait encore. Tout en son apparence reflétait la mort.

André s’approcha de l’homme et prit à son tour la petite main de son amie dans les siennes. Elle était froide, et cette sensation glaça le sang du jeune homme. Il eut un mouvement de recul et ses yeux s’ouvrèrent grands, alors que ses lèvres laissaient échapper ces mots, plus murmurés que dits :

« _ Elle n’est pas morte n’est-ce pas… Dites-moi qu’elle n’est pas morte…

Il restait figé, les yeux fixes sur le visage pâle d’Oscar, espérant encore entendre de la bouche du vieil homme que la vie n’avait pas quitté son amie.

Le même médecin qui, la veille, avait apporté tous les soins possibles à la jeune femme, s’avança vers André et posa sa main sur son épaule. C’est les yeux baisés, contraint de prononcer les mots qui lui faisaient tant peine, qu’il s’adressa au jeune homme :

_ Nous avons fait tout ce qui était en notre pouvoir. Je peux vous assurer que tous les soins nécessaires lui ont été apportés. Nous ne pouvons rien de plus. Son état s’est subitement aggravé… Sachez que j’en suis extrêmement atteint, mais sa vie repose maintenant entre les mains de Dieu… Je suis désolé…

André tourna ses yeux imbibés de larmes vers lui :

_ Mais elle n’est pas morte… N’est-ce pas ? Elle vie ! Cela signifie qu’on peut encore la sauver. Dites-moi que j’ai raison ! DITES-LE MOI ! ! !

_ Je suis désolé André, mais personne ne peut plus rien…

_ NON ! Ca n’est pas vrai ! Il existe un moyen ! IL DOIT exister un moyen ! ! !

_ En effet…

André se raidit à l’instant même où ces deux mots, « en effet », parvenaient à son oreille. Ils venaient d’être prononcés de manière calme, d’une voix posée, et provenaient de la bouche du vieil homme. Il se tourna alors, d’un bond, vers lui :

_ Vous pouvez quelque chose pour elle ?

_ Non ! Je ne peux rien. L’âme d’Oscar va inexorablement quitter son corps. Je peux apporter des soins au corps, mais je ne peux ramener une âme... Pourtant, il existe un moyen. Un seul !

_ Quel est-il ? Je vous en conjure, dites-le-moi ! Je ferai tout pour la sauver.

_ Te sens-tu la force de braver jusqu’à la mort elle-même ? Car c’est là, c’est au-delà du deuxième monde, qu’il te faudra chercher ton amie.

Le vieil homme se tourna alors vers André. Son regard était perçant et lointain. On aurait dit que cet homme n’était pas réel. Ses yeux n’étaient que des trous creusant son visage. Aucune couleur ne s’en dégageait. Ils étaient vides. De profondes crevasses parsemaient toute la surface de son visage. De longs cheveux gris clair glissaient, raides, sur la peau d’une blancheur extrême de l’homme. Son apparence était repoussante. Sa maigreur terrifiante. C’était un homme au visage de mort.

Pourtant André n’y portait guère attention. Cet homme qu’il avait devant lui était seul capable de sauver celle qu’il aimait. Et à l’annonce de cette simple raison, le jeune homme décidait de lui offrir toute sa confiance.

_ Viens avec moi. »

Alors l’homme se redressa puis tendit ses bras vers Oscar. Glissant une main sous son coup et une autre derrière ses genoux, il la prit dans ses bras et la ramena près de lui.

Les deux médecins eurent un mouvement en avant et celui qui se tenait juste derrière André posa sa main sur le bras de l’homme :

« _ Vous ne pouvez pas la transporter. Il faut qu’elle reste immobile. Cela risque d’aggraver son état qui n’est déjà guère rassurant. Je vous demande de bien vouloir reposer cette jeune femme sur son lit.

Mais il sentit alors qu’André le repoussait, laissant ainsi le passage au vieil homme vers la porte.

_ Laissez cet homme ! Vous m’avez vous-même affirmé que vous ne pouviez plus rien pour Oscar. Lui le peut, et sachez que je n’hésiterai pas une seconde à tout tenter si l’espoir m’est donné de la retrouver en vie.

_ Mais vous voyez bien que cet homme est fou ! Allons André, vous n’aller tout de même pas prendre au sérieux ce qu’il vous dit ! Seul un médecin est capable de porter des soins à votre amie. Et cet homme n’en est pas un. Il est certain qu’il n’est pas sain d’esprit…

_ Je me moque de ce que vous pouvez bien penser. J’ai décidé de lui faire confiance. Ne croyez pas que je laisserai Oscar mourir devant mes yeux sans même tenter quoi que ce soit pour la sauver ! Cet homme est la seule chance qu’il lui reste. »

L’homme, portant Oscar dans ses bras, prit la direction du couloir, suivit d’André qui se tenait quelques mètres derrière lui. Grand-mère tenta d’arrêter son petit-fils, lui répétant que seuls les médecins pouvaient quelque chose pour Oscar. Ce fut sans succès. Le général s’était absenté quelques heures du château et grand-mère savait fort bien que jamais le père d’Oscar n’aurait accepté de confier la vie de sa fille à ce vieil homme à l’aspect terrifiant. André brava pourtant sa volonté et quitta le château, accompagné du vieil homme et de son amie inconsciente.

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André fit stopper les chevaux sur le chemin qui bordait une petite chaumière. La voiture avait roulé quelques kilomètres sur la route de Paris, puis avait bifurqué, empruntant un petit chemin caillouteux qui s’avançait au centre d’une profonde forêt. Malgré le soleil radieux qui inondait les lieux, aucun rayon ne parvenait à se frayer un passage entre les épaisses branches des arbres immenses. Pourtant, un court moment avant l’arrêt de la course, on avait pu percevoir qu’une pluie de lumière s’engouffrait à travers les cimes des hauts pins, comme si les voyageurs s’étaient aventurés dans un couloir obscur et qu’ils percevaient finalement un large trou dans le toit par lequel s’infiltrait la lumière du jour.

C’est cette clairière qui abritait la maison du vieil homme. Celle-ci était bâtie en pierre et, en s’en approchant de plus près, on pouvait noter qu’il s’agissait de pierres noircies par le temps et les intempéries, et qui laissaient paraître, par-ci par-là, de larges trous. Ceux-ci avaient été pour certains rebouchés à l’aide d’un peu de paille, mais beaucoup demeuraient. Le vent devait donc s’y faufiler aisément les jours de fortes bourrasques. La maison était sans aucun doute relativement ancienne. Elle s’étendait sur une courte surface mais n’était pas si petite pour autant. En effet, la chaumière s’élevait sur deux étages. On apercevait sur le toit de chaume, une haute cheminée de pierres noires, et on notait que le propriétaire des lieux avait bâti, accolé à la maison, une sorte de seconde baptise. Cela se remarquait très facilement car les pierres qui la composaient étaient de loin plus claires que les autres noirâtres.

Quelques mètres derrière celle-ci, se trouvait un petit espace cultivé. Mais aucun légume ni aucune fleur ne poussait là. Pour les remplacer, on pouvait observer de hautes herbes dépassant aisément les un mètre et demi de hauteur.

Enfin, dissimulé derrière un petit monticule de bûches de bois, un rosier se dressait, fier et magnifique. Ses fleurs étaient d’imposantes roses d’un éclat et d’une beauté absolus, d’innocentes fleurs rouge sang dont l’extrémité dangereuse de ses épines étincelait sous un rayon de soleil éclatant.

Les vieilles pierres de la chaumière laissaient par instant place à de discrètes petites fenêtres, des fenêtres qu’on ne remarquait presque plus tant la poussière y reposait. L’une d’elles traînait un vieux volet en bois de pin, rongé par l’âge, et dont le maigre clou rouillé ne supportait plus le poids.

L’avant de la maison avait été confié à la bonne grâce de la nature. Celle-ci, ayant la liberté de reprendre ses droits, décida de le repeupler d’une jungle d’herbes vivaces. Le passage vers la porte d’entrée demeurait tout de même possible car quelqu’un avait pris soin d’écrasé le fruit de la nature sous ses pas. A cet endroit, les hautes herbes ne formaient plus qu’un ridicule tapis séché.

Tel était le spectacle qui s’offrait aux yeux d’André, alors qu’il arrêtait la voiture en face de la vieille porte de bois à demi moisie par la pluie. Le vieil homme s’était installé à l’arrière, sur la banquette, et Oscar demeurait toujours dans ses bras. André tira d’un coup sec sur les reines afin se faire stopper les deux chevaux. Puis il sauta d’un bond de son siège et courut ouvrire la porte à l’arrière. L’homme lui confia son amie pour se diriger vers l’entrée de la vieille maisonnée.
Lorsque André franchit, quelques secondes après le vieillard, le seuil de la maison, il fut surprit par l’odeur nauséabonde qui se dégageait de ce lieu. L’intérieur était des plus étranges. Un feu dans la cheminée l’éclairait, tant il le réchauffait. Malgré la chaleur estivale de l’époque, il régnait dans la forêt un froid automnal. Il n’était composé que d’une seule et unique pièce. Ni chambre, ni cuisine ne se séparait du lieu central. Tout se rassemblait en une même place. Une haute étagère de bois moisi se dressait sur le mur de pierre, juste en face de l’entrée. Des dizaines de flacons, de pots, de fioles de toutes tailles, de toutes couleurs et de toutes formes, y étaient entreposés. À côté de celle-ci, une table tout aussi marquée par l’usure trônait sur le sol. La saleté de l’endroit était terrifiante. La poussière et la crasse du sol laissaient difficilement percevoir qu’il était fait de dalles de pierre. Il était jonché d’un monceau de papiers, de morceaux de verre et de toiles d’araignée. Une autre table, légèrement plus grande que la première, abritait des tas de feuilles de papiers, pour la plupart déjà utilisées, et éparpillées à ses quatre coins. Nombreuses aussi étaient celles qui n’avaient pu éviter de tomber de leur perchoir étant donné que leurs voisines occupaient toute la surface de la pauvre table à elles seules.

L’odeur néfaste qu’avait sentit André se dégageait d’une grosse marmite en cuivre rouge, pendue au-dessus des flammes de la cheminée. Elle pénétrait le nez et la gorge et allait jusqu’à irriter les yeux. Mais le jeune homme était incapable de s’en protéger car il tenait toujours son amie fermement contre lui.

Soudain, il entendit la voix du vieil homme l’interpeller :

_ Emmene-la par ici !

Il tourna la tête dans la direction dont la voix provenait, et vit que l’homme était debout près d’un petit lit en fer qui remplissait l’angle du mur au fond de la pièce. André s’approcha alors de lui et, s’arrêtant à ses côtés, constata que l’unique drap du vieux lit était extrêmement sale et repoussant. Il hésitait à installer sa pauvre amie là-dessus. Mais cela importait peu de toutes manières. Là n’était pas l’urgence. André secoua la tête et se baissa sur le lit pour y déposer délicatement Oscar. C’est en se redressant qu’il remarqua le petit escalier de bois qui s’engouffrait, presque à la verticale, dans le plafond de la pièce. Ses marches étaient, elles aussi, moisies et à demi dévorées par les vers. Une trappe bloquait le passage à l’étage supérieur, mais l’accès n’en était pas pour autant condamné.

L’homme posa alors un pied sur la première marche et commença à escalader l’escalier. Tout son corps disparut bientôt de l’autre côté de la trappe en bois. André entendit, quelques secondes plus tard, un flacon se briser sur le sol, puis un bruit sourd, comme si l’on déplaçait un meuble et que celui-ci raclait bruyamment le sol.

Une courte minute plus tard, André sentit un filet de poussière s’échouer sur ses longs cheveux bruns. La trappe au-dessus de sa tête s’ouvrait, et la main blanche et maigre de l’homme apparut. Celui-ci se mit à descendre d’un pas lent l’escalier hasardeux. Il tenait sous son bras une sorte de long tapis roulé, dont les larges trous apparents étaient sans aucun doute l’œuvre de quelques rongeurs affamés.

« _ Tu y seras certainement plus à l’aise que sur ce vieux sol inconfortable, dit alors l’homme à André alors qu’il déroulait le tapis sur les dalles froides. »

André restait intrigué. Que voulait dire le vieillard par-là ? En quoi ce vieux tapis pourrait-il l’aider à soigner Oscar ? Et pourquoi tenait-il à ce que ce soit lui qui s’y installe ? Il ne dit pourtant rien, et se contenta de faire un petit signe affirmatif de la tête. Il se sentait pourtant mal à l’aise au beau milieu de cette baptise lugubre et en compagnie de cet homme dont il ne savait pas même le nom. Mais le jeune homme se résignait à ne pas trop se poser de questions. Qu’importe par qui et comment, il voulait plus que tout sauver son amie. Il se contentait donc d’observer les faits et gestes du vieil homme, tout en serrant aussi fort qu’il le pouvait, la fine main d’Oscar dans la sienne.


Puis l’homme se dirigea vers la table voisine de l’étagère de bois, et saisit un petit flacon doré. Il s’avança, quelques secondes plus tard, en direction de l’autre table et commença à remuer les piles de papier. Il semblait y chercher quelque chose de bien précis. André suivait des yeux ses moindres gestes sans faire un mouvement. Finalement, l’homme se baisa brusquement et tendit la main pour ramasser une feuille qui était tomber au sol une seconde plus tôt. C’est avec un large sourire aux lèvres qu’il dressa sa main vers le jeune homme pour annoncer fièrement :

« _ Enfin je l’ai ! Nous allons pouvoir commencer ! »

Il parcourut alors, d’un pas pressé et ferme, la courte distance qu’il le ramenait près d’André et lui dit, d’une voix calme, indiquant en même temps le vieux tapis étendu sur le sol :

« _ Prends place, jeune homme.

André, sans lâcher la précieuse main d’Oscar, s’assit à l’endroit indiqué et regarda l’homme avec des yeux sereins. Celui-ci prit place à son tour et ses yeux vides se mirent à fixer le jeune homme :

_ Tu vas maintenant m’écouter très attentivement et sans m’interrompre à aucun moment. Est-ce compris ?

_ Bien.

L’homme leva alors la main vers André, afin de lui présenter le flacon qu’il avait préalablement retiré de la table en bois.

_ Ceci est précisément ce qui, peut-être, sauvera ton amie. Mais le « peut-être » est superflu. Tu es un homme fort et courageux ! Je suis certain de ta réussite quant à l’épreuve que tu vas maintenant devoir affronter.
Mon nom est Wargan. Pendant sept siècles, j’ai vécu dans un monde appelé « Asgard ». Le peuple d’aujourd’hui a depuis bien longtemps oublié ce nom, mais il n’en reste pas moins réel. Survivent seuls certains anciens de la race nommée autrefois « peuple du Nord » qui gardent enfoui au plus profond de leur mémoire l’histoire de ce nom. Des hommes ont voulu, par le biais des écrits, conserver cet héritage, et c’est ainsi que l’histoire d’Asgard n’est encore aujourd’hui, pas tomber aux oublis. Asgard est le nom que le peuple du Nord donna autrefois à ce qu’il appelait aussi, « la demeure des dieux ». C’est en ce lieu que les dieux durent se retirer lorsque vint leur crépuscule, la bataille du « Ragna Rokkr », où le destin avait voulu qu’ils affrontent les géants dans un ultime combat.
Tu auras donc compris que venant moi-même d’Asgard, je suis un de ces dieux. Pourtant, il y a de cela quatre-vingt ans, j’ai quitté Asgard pour venir vivre ici, en Mitgard, ou devrais-je plutôt dire, sur Terre. J’avais le réel désir, après tant de siècles passés parmi les autres dieux, de découvrir ce monde dont j’avais alors tant entendu parler. Mais avant de quitter la demeure des dieux, je pris la peine de dérober à Freynir, un être cruel et puissant, et le pire ennemi d’Odin, une fiole. Les dieux sont immortels en Asgard mais aucun de nous ne l’est sur Mitgard. C’est pourquoi, n’ayant aucune envie de devenir comme tous les autres mortels, je m’emparai de cet élixir possédant le pouvoir d’offrir la vie éternelle à quiconque l’absorbe. Ayant fait part à Odin de mon désir de partir pour Mitgard, celui-ci me confia ce flacon que tu vois là, afin de me permettre de retourner en Asgard quand je le désirerai. Pourtant, il ne m’est plus d’aucune utilité car il ne contient plus assez d’élixir pour me permettre de le regagner un jour.
Mais ce flacon est également la clef qui ouvre la porte du deuxième monde. L’âme de ton amie ère présentement là-bas. Cet endroit est le passage intermédiaire entre le monde des mortels et les confins de l’autre monde, celui des morts. Et c’est là que tu devras l’y chercher ! Saches qu’aucun mortel n’a jamais pu pénétrer dans le deuxième monde. Seules les âmes des êtres condamnés traversent ce passage afin de se rendre dans l’autre monde. Mais le destin a voulu que je perçoive l’appel au secours de l’âme de ton amie. C’est pourquoi je l’ai moi-même envoyé là-bas dans le but de lui offrir une chance de regagner un jour Mitgard. Et cette chance, toi seul peut lui apporter. Tu vas devoir pénétrer dans le deuxième monde et retrouver l’âme d’Oscar afin de la ramener dans son corps ! Es-tu près à tenter l’aventure ?

André avait écouté le discours de l’homme avec toute son attention. Mais il n’avait pu s’empêcher d’ouvrir des yeux démesurés alors que celui-ci lui parlait de dieux et de deuxième monde. Ce que l’homme venait de lui dire dépassait l’inattendu. Cela semblait même complètement absurde et invraisemblable. Comment le jeune homme aurait-il pu être capable de croire une seconde à une histoire aussi hors du commun ? Il aurait allègrement pu aller jusqu’à être terrifié, ou bien prendre le vieillard pour un fou. Mais pour une raison qu’il ne connaissait pas, André commençait au contraire à le prendre au sérieux. Il venait d’entendre quelques heures plus tôt le médecin lui dire qu’Oscar était condamnée. Et cet homme lui annonçait maintenant que c’est lui qui détenait le pouvoir de la sauver ! Le jeune homme savait bien que la vie sans Oscar ne valait pas la peine d’être vécue, que sans celle qu’il aimait à ses côtés, rien ne le retenait plus en ce monde. Plus rien ne lui faisait peur, et c’est d’un air confiant et serein qu’il répondit à celui qui disait se nommer Wargan :

_ Oui !

_ Allonge-toi !

André s’étendit alors sur le vieux tapis et tourna la tête vers Oscar. Ses lèvres dessinaient un large sourire quand ces mots sortirent de sa bouche :

_ Attends-moi, je ne serai pas long !

Wargan lui tendit la petite fiole d’Odin et le jeune homme la saisit. Il put alors constater qu’il s’agissait d’une fiole en or où l’on pouvait lire, creusé dans le métal, un mot inconnu.

_ Quand je te le dirai, tu avaleras d’un trait son contenu.

Puis il leva la feuille qu’il avait, quelques minutes plus tôt, récupéré sur la table :

_ HHJLMRRKRHGMLRRGLH ! Bois maintenant !

André renversa le liquide dans sa gorge et ferma les yeux. Il ne put voir à cet instant le sourire qu’affichaient les lèvres pâles de Wargan, ni entendre le rire presque satanique qui sortait du plus profond de sa gorge :

_ A très vite pauvre naïf ! »

******* *********************

Un sifflement aigu et continu vint à réveiller une silhouette étendue au sol, la main levée et à demi-fermée, comme si cet être tenait solidement entre les doigts une chose pourtant invisible. Les prunelles vertes d’André s’ouvrirent lentement et péniblement, tant la lumière régnant autour de lui était puissante et aveuglante. Il tourna la tête un instant vers sa main immobile et, après quelques secondes, s’en servit pour dégager les mèches noires qui lui dissimulaient une partie du visage. Le jeune homme se redressa avec une certaine difficulté. Il lui semblait que tout son corps s’était endolori, ses jambes étaient raides et paraissaient peuplées de milliers de fourmis, vagabondant d’une extrémité à l’autre, descendant à ses pieds et remontant jusqu’à ses reins. Machinalement il frappa pendant quelques secondes ses talons parterre afin de faire disparaître ses bestioles gênantes. Ce ne fut qu’après un court instant, qu’André s’étonna de l’absence de sonorité que le contact de ses pieds au sol aurait dû normalement produire. Ce silence contrastait de manière flagrante avec l’affreux vacarme qui résonnait en ce lieu. Il leva la tête pour mieux comprendre l’origine du bruit et pût constater, non sans un mouvement de recul, que des centaines de formes floues et vides, telles des flammes éteintes, défilaient sous ses yeux, lentement, « affreusement » pensait-il. Il était dur de définir ce sifflement terrible. On eut dit le crissement du métal sur le fer d’un ouvrage. Il semblait provenir de ces formes lugubres qui s’avançaient, deux par deux, dans une sorte de tunnel dont le jeune homme, de là où il se situait, ne pouvait distinguer l’extrémité. André se remémora les paroles de Wargan et sut donner un nom à ces choses terrifiantes. Il ne faisait maintenant aucun doute qu’il s’agissait des âmes des morts se dirigeant vers l’autre monde, comme l’homme l’avait ainsi appelé.

Au contraire, ce qui s’offrait aux yeux d’André était quasi innommable. Aucun être vivant sur Terre n’aurait voulu croire à un spectacle pareil. Cela semblait si… irréel, que le jeune homme eut du mal à convaincre son esprit qu’il ne s’agissait pas d’un rêve. Il ne put apporter le véritable sujet de ressemblance à ce lieu, dont le simple mot « étrange » ne suffisait pas à décrire. En effet, jamais André n’avait eut l’occasion de pénétrer dans une cavité souterraine, un de ces endroits que l’on nommait communément « grotte ». Il n’en avait même jamais ouï mot. C’était pourtant là, sans qu’il le sache pour autant, la même vision qui était parvenu aux yeux du premier homme ayant découvert l’une de ces « cathédrales de pierre », jonchées de stalactites et stalagmites du sol au plafond. A une différence près que l’endroit où se trouvait présentement André était comme dépourvu de toute couleur. Les bordures étaient dépeintes de noir et de blanc. Il avait l’air d’un paysage de mort. Rien en ce lieu n’aurait pu laisser croire à l’existence d’êtres vivants, ni animal, ni végétal. Des dizaines de petits tunnels creusaient la roche, ou du moins, ce qui semblait à André être de la roche. La lumière hypnotisante avait pour source le blanc scintillant bordant, avec son compagnon couleur de nuit, la totale surface du lieu.

André prit l’initiative de s’avancer de quelques pas, afin d’explorer cet endroit inconnu. Pas une seconde ne lui avait échappé la raison de sa présence ici. Il fallait qu’il se hâte de trouver Oscar au plus vite. Son seul souhait était de ramener sa bien aimée auprès de lui et de quitter tous deux ce lieu pour regagner la terre ferme, le monde réel, sortant en même temps de ce cauchemar affreux qui s’était écroulé sur les épaules du jeune homme et lui avait presque volé son unique raison de vivre. Mais à l’instant même où il fit le premier pas, il lui sembla que son pied s’enfonçait dans le sol, comme si celui-ci n’était autre qu’un nuage de fumée. Baissant le regard, il put constater que l’empreinte de sa botte de cuir noire s’était formée, abandonnant une petite crevasse qui se referma un instant plus tard sous les yeux ébahis du jeune homme. Mais l’étonnement de celui-ci s’évanoui bien vite. Plus rien ne lui semblait étrange désormais, tant ce qu’il vivait ce jour là dépassait la limite du plausible et de l’explicable.

La silhouette humaine, seule étrangère en ce lieu de mort, ne savait où s’aventurer. Des dizaines de directions possibles s’ouvraient à ses pas. Mais une seule était capable de la ramener à la vie, une seule était celle qui lui permettrait de retrouver Oscar. Or aucun indice ne lui indiquait quel chemin emprunter. André resta immobile quelques secondes, déplaçant seulement la tête dans un mouvement circulaire, afin de mieux observer les tunnels qui s’engouffraient dans la « roche ». Sans doute attendait-il que quelque chose interpelle son regard, afin que le chemin qu’il devait prendre ne face plus l’ombre d’une hésitation dans son esprit.

C’est alors qu’il s’apprêtait à avancer de quelques pas, qu’un faible faisceau lumineux, s’échappant d’une des cavités, tel un rayon de soleil traverse la cime d’un arbre, attira son regard. Les yeux d'André s'éclairèrent d'une petite lumière brillante, alors qu'il pensait que ceci était peut-être le signal qu'il attendait tant, celui qui lui indiquait la direction à prendre. Comment aurait-il pu en être certain ? … Peut-être était-ce là, la preuve de son amour sans limite, « fou », comme certains auraient pu aisément le qualifier. Quoi qu'il en soit, et même si cela n'était pas le cas, André décida de s'avancer en direction du « tunnel ». Il voulait en avoir le cœur net.

Ce n'est qu'une fois arrivé au pied du mur que le jeune homme pû se rendre compte que l'entrée du chemin se situait à quelques mètres au-dessus de lui. Alors André chercha des yeux l'outil qui lui permettrait d'accéder au passage, une branche, ou même, tout simplement, des prises assez conséquentes pour autoriser l'ascension du mur. Pourtant, rien ne se distinguait de cet endroit désert, rien, sinon ces formes sans vie qui poursuivaient leur marche à travers ce paysage de mort. André commença à croire que le destin avait décidé de lui barrer la route et ce, même si ce terme de destin lui avait toujours semblé n'être qu'une invention absurde. Car André ne croyait pas au destin. Mais ce tour affreux n'en était-il pas la preuve réelle ? Quoi d'autre sinon le destin était-il à l'origine de tout cela, de toute la souffrance qu'il supportait, qu'il endurait aujourd'hui et depuis bien longtemps déjà ?

Sans que rien ne le laisse présager, il sentit comme un souffle lui pénêtrer les tympans. C’était comme si celui-ci provenait du plus profond de son être, dégageant un courant tiède, tel le souffle du vent qui vous berce lors des chaudes journées d’été. Un murmure ocheta sur les parois rosées et envahit tout son corps, ennivra tous ses membres. Le jeune homme, comme esclave de ce souffle envoûtant, ferma lentement les paupières et se laissa aller. Son corps ne lui obéissait plus et se rejeta vers l’arrière. Il sembla à André que sa poitrine voulait toucher le ciel. Ses mèches brunes balayaient le sol d’un mouvement régulier alors que ses longs doigts minces carressaient une surface de glace au-dessous de lui. Bientôt, plus aucune sensation ne demeura. Il se sentait vide, comme s’il planait dans l’antre du néant.

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Deux émeraudes s’échappèrent de leur écrin de pénombre. André sentit à nouveau son cœur battre sous sa poitrine. Il lui semblait qu’il sortait d’une tombe et que la douce chaleur du soleil parcourait enfin tout son corps endolori par le froid de la terre. Il lui fallut quelques instants pour parvenir à reprendre une totale possession de son esprit. Son premier reflexe fut de regarder au-dessus de lui afin de savoir si l’entrée de la galerie qu’il devait emprunter demeurait là. Pourtant, il s’avéra que le jeune homme ne se trouvait plus au même endroit qu’un instant plus tôt, ou du moins, avant qu’il ne perde l’usage de l’ensemble de ses sens. Mais que s’était-il passé ? Quel était ce courant qui avait envahi tout son être et lui avait fait perdre toute sensation, tout contrôle ? A ces interrogations, l’esprit du jeune homme ne sut quoi répondre. Il du se faire à l’idée, bien qu’il ne puisse, d’aucune manière logique, expliquer comment il était arrivé là, qu’il avait bel et bien atteri dans un tout autre lieu. Mais il se convint bien vite qu’il ne servait à rien de chercher à trouver une explication cohérente. Depuis son arrivée dans cet endroit fantastique, sorte de passage du monde vivant à l’au-delà, dont aucun être humain n’aurait pu imaginer la simple existence, il s’était efforcé d’oter de son esprit tout questionnement à propos de cette situation « paranormale » dans laquelle il était plongé.

Le jeune homme se redressa soudain en sursaut. Il venait d’entendre un cri perçant, aigu, très proche. Il put immédiatement en deviner la nature puisqu’il en avait perçu un semblable quelques heures plus tôt, ou du moins, ce qu’il pensait être il n’y a pas si longtemps. Cet endroit semblait lui avoir fait perdre toute notion du temps. Il détourna la tête d’un geste brusque et constata qu’à quelque métres de lui, une silhouette longue et mince se dressait, illuminée par un jet de lumière à la source inconnue. De longues boucles d’une blondeur intense coulaient harmonieusement sur ce qui parraissait être le corps d’une jeune femme, mourrant, sans un bruit, sur les formes de ses hanches. Son visage était pâle, et le bleu profond de ses yeux s’était posé sur un André interdit, alors que de fines mains blanches s’étendaient devant elle, comme si elles avaient voulu saisir une chose inpalpable, mais ne parvenaient qu’à emprisonner dans leur creux, un air froid et fugitif.

Mais le temps ne fut pas laissé à André de faire le moindre geste. Un souffle brulant s’élanca dans les airs sans que ce dernier ne pu comprendre d’où il provenait. Tourbillonant quelques instants autour de la silhouette immobile, il finit par s’écraser, tel un éclair, aux pieds de celle-ci, et, de ce qui aurait pu être ses cendres, naquit une immense flamme, d’un bleu pareil à celui du reflet de l’eau, clair et quasi-transparent.

Pourtant ce feu n’étincella qu’un instant, et déjà disparut comme il était survenu, sans que rien ne le laisse deviner. André ne put s’empêcher de pousser un cri, et ce, à cause de la vision entrevue un instant et qui s’était échappée en un souffle. Tout en elle l’avait captivé et l’avait laissé interdit. Son esprit ne pouvait l’entrevoir autrement, mais sans doute son regard avait-il dépassé ce qui n’était bien qu’une illusion. Ce regard qui l’avait croisé tant de fois, qui l’avait percé à jour, ne pouvait se laisser prendre au piège, ne pouvait confondre cette femme avec celle qu’il aimait. Mais le jeune homme n’eut pas même le temps de se demander qui elle pouvait être, car la flamme qui était apparue quelques secondes plus tôt, mourut à son tour, et une nouvelle forme se dessina à sa place.

Cette fois-ci, l’esprit d’André ne fût plus la faible victime d’une illusion. La nature de cette forme l’avait frappé comme une évidence. Le ‘voyage’ auquel il s’était livré touchait à sa fin car celle pour qui il se trouvait là se dressait désormais devant lui. On eut dit une statue antique. La paleur de son corps se fondait avec la blancheur du vêtement qui le recouvrait, comme la neige aurait tenté de dissimuler un lac prisonnier de la glace. Seules ses longues boucles blondes cassaient cette pure harmonie en glissant sur les épaules de la jeune femme, pareilles aux rayons de l’astre doré qui courent dans le coton des nuages. André ne se laissa plus envahir par la stupeur qui le maintenait immobile. Il s’élanca vers Oscar qui demeurait, elle, aussi stoïque que la statue dont elle gardait l’apparence.

Mais au moment où sa main allait saisir celle de la jeune femme, il sentit son corps tout entier l’abandonner, comme s’il s’était dissout au contact de sa peau. Et une lumière blanche l’éblouit, alors que la main qu’il tentait de serrer, filait entre ses doigts avec la simple aisance de l’eau. Alors tout devint flou autour de lui. Le décor tournait. Il demeurait comme une feuille, allant au gré du vent sans pouvoir garder le moindre contrôle d’elle-même. L’image d’Oscar disparut dans un dernier souffle.

Quand le jeune homme ouvrit à nouveau les yeux, il constata qu’il était revenu au même endroit où il s’était trouvé à son arrivée en ce lieu. Sans que rien ne l’explique, il semblait avoir été télétransporté là au moment même où il avait effleuré la main d’Oscar. Pourtant si lui avait été emmené ici, la jeune femme l’avait t-elle été également ? Il n’avait pu l’aperçevoir que l’espace d’un instant, son image n’avait été qu’ephémère, et André se demandait même s’il n’avait pas rêvé. Mais il sentit alors comme un froid venant lui lécher le visage, et il détourna la tête. Alors, ce qu’il vit devant lui, le fit trésaillir. Un visage flottait dans les airs, entouré d’une auréole de fumée, tel un brouillard épais. Et il reconnut immédiatement qui était cette sorte de spectre. Il s’agissait en effet de Wargan, l’homme qui l’avait envoyé ici, et André sembla heureux d’aperçevoir enfin un visage familier dans ce lieu si étrange, et ce, malgré l’aspect plutôt… inquiétant de son apparition.

Mais bien vite, le jeune homme commança à se rendre compte de son erreur, car il aperçut à quelques mètres du spectre une sorte de barrière dorée derrière laquelle se trouvait Oscar. Et cette dernière s’y cramponait, ses yeux implorants fixant André, tandis que ses lèvres semblaient vouloir lui crier quelque chose sans qu’aucun son ne s’en dégage. Pourtant de cette barrière, il ne pouvait en aperçevoir ni l’extrémité, ni le haut. Elle se fondait dans les murs dépeints de noir et de blanc et s’enfonçait dans les hauteurs sans fin. Au moment même où il voulut se précipiter vers elle, une voix ténèbreuse et lointaine l’immobilisa en le contraignant à détourner ses yeux vers le visage brumeux de Wargan.

« _ Ah ah, mon pauvre ami, ne crois pas que cela te soit si aisé ! Vois-tu, cette grille n’est pas qu’une simple barrière. Elle est entourée d’un champ magnétique qui interdit à quiconque de s’en approcher de trop près. Et il s’avère également que moi seul est capable de l’en délivrer. Alors il est inutile que tu prennes ce risque idiot de vouloir défier ce pouvoir.

Les yeux de Wargan, profonds et creux, semblaient percé le regard d’André de leur froideure. Ce dernier ne parvenait pas à comprendre ce qui se passait, et surtout, pourquoi Wargan, celui même qui l’avait aidé à sauver Oscar, la retenait maintenant prisonnière et l’empêchait, lui, de la rejoindre. Et la voix caverneuse continuait de lui envahir la tête et l’esprit.

_ Tu as donc pensé qu’il te suffirait de penêtrer ici pour retrouver ton amie ? Je savais pertinemment que ton attachement pour elle t’aveuglerait au point de te rendre aussi naïf ! Mais pour te permettre de mieux comprendre, je vais tenter de t’expliquer. Il s’avère que ce que je t’ai révélé avant que tu ne pénètres dans l’autre monde, n’est qu’une partie de la vérité. Sans doute considères-tu maintenant que l’histoire que je t’ai racontée à propos des dieux d’Asgard n’est que pure fantaisie. Pourtant, mon jeune ami, c’est peut-être la seule part de vérité absolue qui demeure dans mon récit. Car si l’existence de ce monde n’est que mensonge et folie pour les êtres de ton espèce, elle est pourtant bien réelle, et ce sont sans doute les hommes qui s’obstinent et s’aveuglent à ne pas le reconnaître. Ah ah, car cela remettrait bien trop de choses en cause, bien trop de croyances illusionnelles qui font que votre monde est comme il est ! Car bien entendu, il serait trop humiliant pour vous d’être rabaissés à l’état de simples pions gouvernés par l’incroyable supériorité des dieux. Mais qu’importe tout cela, qu’importent les hommes et leur folie. C’est maintenant de toi qu’il s’agit, de toi, simple vie parmis tant d’autres, simple esclave ignorant. Mais aussi simple que soit ton existence, j’y attache la plus grande importance, car ta vie, mon ami, est ce que je garde de plus précieux en ce jour. C’est elle qui va me permettre de revivre à mon tour.
Mais maintenant, laisse-moi te donner la raison qui me pousse à t’accorder un aussi grand rôle à jouer, qui me pousse à placer entre tes mains, la clé de mon existence. Il me faut, pour cela, remonter à l’époque où je vivais encore en Asgard, à l’époque où j’étais alors puissant et craint. En ce temps, je possédais des pouvoirs immenses, qui équivalaient de peu à ceux du ‘Grand Odin’, comme le nommaient ses piètres ‘serviteurs’. Ce même Odin que je rêvais de surpasser, ce même Odin que je haïssais par-dessus tout… Mais je n’irai pas jusqu’à t’en révéler les raisons, qui ne sont d’ailleurs pas de la moindre utilité. Et vint un jour où Freynir, le ‘bras droit’ de celui-ci, convint ce dernier de tout tenter afin de me faire disparaitre. Et il réussit à entrainer tous ceux qui vouaient une grande fidélité à Odin, avec lui. Voyant mon avenir se noircir devant moi, je décidai de quitter Asgard, dans le but de rejoindre Mitgard, d’où j’espérais pouvoir tirer vangeance de ceux qui s’étaient opposés à moi. Ayant réussi à dérober une fiole du puissant elixir d’immortalité, dont je t’avais déjà parlé, il me semble, je parvint à rejoindre votre monde. L’endroit où je me retrouvai portait le nom de ’Nord’, et c’est en ce même lieu que résident aujourd’hui, les descendants de ceux qui ont, pendant longtemps, cru en l’existence des dieux d’Asgard.
Poutant une chose arriva, sans que je puisse la prévoir, une chose dont je n’aurais pas même pu imaginer être possible. Il fallut que je rencontre une personne à laquelle je m’attache, une femme dont la beauté éclatante me rappellait celle des Walkyries d’Odin. Et c’est pour elle, mon jeune ami, que tu te trouves ici désormais… Car vint un jour maudit ou grâce au soutient d’Odin, Freynir parvint à me prendre tout ce qui m’importais alors, à m’enlever la femme que j’aimais tant. Il l’envoya ici, dans ce lieu où tu te trouves, sans que je n’y puisse rien, et sans que je puisse l’y rejoindre, n’ayant pas la possibilité d’y pénétrer matérielement. Et afin d’accroitre encore plus la souffrance qui s’était emparée de moi, il me vola ma jeunesse en me déteriorant le visage comme tu peux le voir maintenant. Cela c’est passé il y a exactement 24 ans. J’avais eu le bonheur de vivre des années paisibles avec Vlana, celle qui était devenue ma femme et à laquelle j’avais tout révelé de mon existence. Grâce au reste de l’elixir que j’avais conservé, elle aussi était devenue immortelle, et j’en avais presque oublié ce qui m’avait ammené sur Mitgard… Et depuis ce jour maudit, ma vengence c’est accru. Mais je sais qu’il me serait possible de l’oublier si je pouvais retrouver celle que j’ai perdue. J’ai tenté, dès l’or, de trouver un moyen afin de pouvoir rammener Vlana auprès de moi. Et une solution s’est peu à peu imposée à mon esprit. Il fallait que j’envois une personne dans les confins de l’autre monde, quelqu’un qui serait en mesure de la retrouver, quelqu’un dont la volonté dépasserait la peur de ce voyage insensé… Et ce quelqu’un, mon jeune ami, il s’est avéré que ça serait toi. Cet attachement sans limite que tu voues à celle que tu aimes, m’a permis de t’utiliser comme je le souhaitais. Je savais qu’il te conduirait jusqu’ici, et que ton courage était assez grand pour que tu acceptes de te lancer dans une pareille avanture.
Comme tu l’auras peut-être compris, j’ai volontairement envoyé cet éclair qui a causé la chute d’Oscar. Je voulais ainsi que tu sois assuré que seul un miracle pourait lui rendre la vie, et que ce miracle, seul ce vieil homme inconnu pouvait lui accorder. Et comme tu peux le constater, tout à marché à merveille. Te voici ici désormais, et il semble que tu sois contraint d’agir comme bon me semblera, étant donné que tu n’as aucun autre moyen de t’échapper de ce lieu, et encore moins de rammener avec toi ta chère Oscar !

Wargan tourna les creuvasses qui remplacaient ses yeux en direction de la jeune femme.

_ Tu as bien de la chance, sais-tu mon ami ? Elle est d’une grande beauté. Elle ressemble d’ailleurs étrangement à Vlana… C’est sans doute pour cela que vous m’avez tant interressé tous les deux…
Maintenant, il va falloir que tu t’en retournes de là où tu viens, et que tu parviennes à retrouver ma femme qui ère en ce lieu, et me la rammener. Mais hâte-toi, mon ami, car n’oublie pas que c’est moi seul qui tiens la vie d’Oscar entre mes mains… »

Alors le visage brumeux de Wargan s’effaça et André put voir la grille d’or qui maintenait Oscar prisonnière disparaitre, en même temps que celle-ci. Pendant un moment, un sentiment de désespoir s’empara de lui. Il avait gardé la forte éspérance de retrouver Oscar au plus vite, mais la fatalité semblait s’être acharnée sur lui, et cette fois-ci, le jeune homme se sentait impuissant devant elle. Et des larmes commencèrent à rouler sur ses joues. André aurait voulu qu’elles entrainent dans leur chute cette peur qui l’emprisonnait, et cette douleur qui lui glaçait le cœur. Il voulait se convaincre que rien n’était perdu et que l’espoir demeurait toujours. Il aurait voulu pouvoir se dire qu’il lui suffisait de repartir encore et de retrouver cette femme pour que tout finisse enfin. Mais le jeune homme ne le pouvait, car il savait bien au fond de lui que cela ne serait pas si simple, et il avait l’étrange impression que le destin finirait par l’emporter, ce destin qui, sans aucun doute, lui annonçait une issue douloureuse…

Mais bientôt, il eut à nouveau cette sensation étrange que son corps l’abandonnait, et tout se remit à tourner autour de lui, comme au moment où il avait saisit la main d’Oscar quelques instants plus tôt.

Ses yeux se rouvrirent sur le même décor qu’il avait quitté un peu auparavent, dans ce lieu où la jeune femme lui était apparue. Mais alors, il aperçut, à quelques mètres de lui, un jeune homme aux trais fins et aux boucles blondes glissant sur sa nuque, vêtu d’une longue tunique blanche, et drapé d’une cape, d’un bleu pareil à celui du ciel, qui coulait à ses pieds. Sur sa tête se dressait un étrange casque d’or, orné de deux ailes de faucon en argent. Il tenait à la main une large épée de métal doré, incrustée, en son manche, de diamants qui scintillaient fièrement sous la lumière éclatante du lieu. Avant qu’André n’ait eut le temps de faire le moindre geste, il s’avança à sa rencontre et se posta juste devant lui. Le jeune homme put alors voir que ses yeux étaient d’une extrême paleur, comme si aucune lumière ne les éclairait plus.

« _ Je t’attendais, André Grandier. C’est moi qui t’ai ammené ici, afin de pouvoir te parler. Wargan t’aura certainement déjà présenté à moi, je suis Freynir, l’un des dieux d’Asgard. Mais ne te fis pas au vil portrait que ce maudit à du te dressé de moi. Il faut que tu saches que Wargan est un être cruel et méprisable qui, en usant de son pouvoir, à fait de lui une divinité des plus puissantes. Mais lorsqu’il était encore en Asgard, il usait de sa force à des fins cruelles et diaboliques. Il a souvent tenté de prendre la place du Grand Odin afin de régner en maître sur toutes les divinités d’Asgard, et sans doute même avait-il l’ambition, par la suite, de dominer par la force tous les êtres vivants, des hommes jusqu’aux géants…
Mais pardonne-moi, André, car mon discours doit te sembler bien étranger, qui n’avais même jamais entendu parler de notre existence avant aujourd’hui. Pourtant, tu vas devoir faire preuve d’une grande force d’esprit, mais surtout d’un grand courage, si tu tiens à parvenir au bout de cette odyssée qui, je me doute, est pour toi bien pénible et éprouvante… Mais tu dois savoir qu’il te sera impossible d’espérer en voir la fin seul. Et c’est entre autre pour cela que je suis ici.

_ Cela signifie donc que vous m’apporteriez votre aide ? A vrai dire, je ne sais plus que croire. Tout me semble si irréel. J’ai l’impression d’être plongé en plein cauchemard et de tomber toujours plus bas dans un gouffre dont il m’est impossible d’aperçevoir le fond… Je ne parviens pas même à m’expliquer ma présence ici, en ce lieu sans vie. Je ne sais plus ce que j’y cherche, je n’espère même plus y trouver quoi que ce soit. Tout ici sent trop le froid, la souffrance, l’enfer. Et je crois que tout ceci n’est que folie et qu’il aurait mieux valu pour moi… que je sois mort…

_ Je comprends ta souffrance, mon ami. Mais t’obstiner à réagir ainsi ne ferait qu’entrainer ta perte, en même temps que celle de ton amie. Car tu te comdamnes avec elle si tu ne luttes plus. Et je sais que tu ne le souhaites pas. N’est-il pas vrai que tu tenterais tout pour la sauver ? Renonces-tu donc à cette vie qui te tend les bras, et à laquele il te faut te cramponner ? Je souhaite t’aider, André, mais il va falloir pour cela que tu m’apportes ton soutien en contre-partie.

_ Mais par quel moyen ? Et comment pourrais-je savoir que vous n’êtes pas comme Wargan, que vous n’irez pas me trahir vous aussi à votre tour ?

_ Je ne puis malheureusement pas te fournir la preuve de ma loyauté envers toi, je ne peux que t’en assurer. Tu devras donc faire preuve de courage en m’accordant ta confiance. Il m’est impossible de faire quoi que ce soit de plus.
Mais je vais tout de même la raison qui m’a poussé a volé à Wargan la femme qu’il aimait. Car cela n’était pas que pûr mensonge de sa part. J’avais moi-même en Asgard une épouse, et il s’avère que je l’aimais éperduemment. Mais le jour où Wargan a fuit en Mitgard, il s’est d’abord vangé de moi, qui souhaitais, comme beaucoup, sa déchéance, en raison de son trop fort pouvoir utilisé au service du Mal. Et le fruit de cette vangeance fut la mort de ma bien-aimée, qu’il a assassiné sans aucune pitié, sans que je ne puisse rien y faire. Cet acte de cruauté sans égal aurait pu me coûter la vie à moi aussi, mais j’ai préféré attendre, attendre d’avoir à mon tour la possibilité d’assouvir ma vangeance. Et celle-ci m’a été accordée, bien des années plus tard, lorsque j’ai sû que Wargan avait épousé une femme en Mitgard… Pourtant je ne me sentis pas la force d’agir ainsi qu’il l’avait fait, et c’est pourquoi j’ai décidé d’envoyer cette jeune femme ici, dans l’autre monde, où je savais bien qu’il ne pouvait plus pénêtrer. Elle y a demeuré jusqu’à ce jour. Mais par la suite, j’ai senti que ce maudit était parvenu à ses fins en t’ammenant, par je ne sais quel moyen, en ce lieu. Il semblerait bien qu’il ait réussi à créer un nouvel elixir en ce but, et il paraitrait également qu’il ne puisse agir que sur un humain, sans quoi il ne fait aucun doute qu’il serait venu li-même, sans trouver utile de t’y envoyer à sa place. Et à ce moment là, mon ami, j’ai su immédiatement que tu parviendrais à retrouver cette femme qui demeurait ici prisonnière. Alors la haine que je porte depuis bien longtemps à Wargan a été la plus forte. Je ne voulais en aucun qu’il ait le trop grand bonheur de la récupérer, et c’est pourquoi… j’ai dû la tuer…
Review Au-delà de Mitgard


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