Chapitre 1 : Début d'une amitié.
Non loin du domaine Jarjayes, tout près d’un lac, on pouvait apercevoir un homme ferrailler avec un petit garçon blond haut comme trois pommes mais dont la dextérité arme en main était digne des plus grands. Ce petit garçon d’à peine 5 ans était déjà d’une grande rapidité et d’une force peu commune pour son âge, il se prénommait Oscar François de Jarjayes. Cet étrange tableau entre un fils et son père paraissait presque… irréel.
Une vieille femme regardait d’un regard attendri cette scène mais une ombre passa devant ses yeux, elle avait reçu de bien triste nouvelle, ses enfants étaient morts dans un incendie et seul, son unique petit-fils, André, âgé de 6 ans avait survécu, elle était sa seule parente à présent.
Grand-mère, car c’était comme ça qu’elle se faisait appeler au château devait aller récupérer son petit-fils à Arras pour le ramener. Elle espérait dans cette demeure, l’enfant retrouverait la joie de vivre en même temps qu’une famille et surtout un compagnon de jeu en la personne d’Oscar. Celle ci était aussi très seule car elle avait été éloignée de ses sœurs et était fréquemment seule au château. Grand-mère, elle voyait bien l’azur de ses magnifiques yeux s’embuer de larmes lorsque personne n’était en mesure de la voir.
André arriva donc au château le lendemain matin, aux aurores. Grand-mère le tenait serré contre son cœur, il n’avait pas cessé de pleurer pendant tout le trajet et venait juste de s’endormir. Elle l’emporta dans ses appartements, ceux justes en face de ceux d’Oscar qui attirée par le bruit s’était levée.
- Grand-mère ! Mais qui est-ce et que fait-il ici ?
- Oh ! Ma chérie pardonne-moi si je t’ai réveillée mais je viens juste d’arriver et mon petit garçon c’est endormi. Il s’appelle André et dorénavant il sera ton compagnon d’arme.
- C’est vrai ?! Il va rester pour jouer avec moi ? dit la petite fille dont le visage s’éclaira d’un sourire à l’idée d’avoir un compagnon pour elle seule.
- Oui c’est mon petit-fils et il va habiter ici avec nous. Bon retourne te coucher mon enfant, on fera les présentations tout à l’heure.
Mais la petite fille se glissa dans la chambre d’André dés que grand-mère fut partie.
Elle trouva le petit garçon agité dans son sommeil, il pleurait et répétait sans cesse :
- Maman ! Maman ! Non me laisse pas tout seul, je t’aime, j’ai besoin de toi…
Les suppliques du petit garçon attendrirent Oscar qui se glissa dans le lit au côté de cet enfant. Elle le serra dans ses petits bras et caressa ses cheveux de jais. Le petit garçon ouvrit les yeux, ses deux petites émeraudes étaient remplies de larmes.
Etrangement ce contact arrêta les sanglots.
L’émeraude plongea dans l’azur apaisant et doucement André se rendormit avec un petit sourire aux lèvres, bercé par les douces paroles de la petite fille :
- Ne t’en fais pas André, maintenant je suis là, et jamais plus tu ne seras seul, je t’en fait la promesse, tu verras jamais plus on se quittera.
La fillette s’endormit à son tour collée au torse du petit garçon et son visage angélique arborait un doux sourire. C’est à cet instant même où leurs regards se s’étaient croisés qu’ils avaient compris tout deux qu’ils étaient liés pour l’éternité. André ne devait jamais oublier ce petit ange blond qui est venu à lui pour le réconforter. Oui car c’était bien un ange, cette enfant. Alors il avait réalisé qu’il aimerait cette petite fille.
Lorsque grand-mère vint voir son petit-fils, ce n’était pas un petit garçon qu’elle trouva mais un garçon et une petite fille collés l’un à l’autre avec sur le visage de chacun un doux sourire qui la rassura. Elle avait eu raison. Leur vie allait changer à présent mais elle était heureuse car ils ne seraient plus jamais seul. Plus jamais.
Les deux enfants se réveillèrent en même temps. Ce fut Oscar qui prit en premier la parole pour souhaiter la bienvenue à son nouvel ami.
- Bonjour André je m’appelle Oscar et je suis ton nouveau compagnon de jeux, j’espère que tu vas te plaire ici.
- Bonjour Oscar et merci pour ton chaleureux accueil et moi aussi j’espère que je vais me plaire en cette demeure.
Même si l’enfant avait utilisé le masculin, André avait bien compris la veille qu'Oscar était une petite fille.
Ils se préparèrent et Oscar conduisit André auprès de grand-mère dans la cuisine avant d’aller rejoindre ses parents dans le salon pour le petit déjeuné.
André fut présenté pendant le petit déjeuné et il fut très bien accueillis, il avait l’impression de faire partie de cette famille.
Le Général appela les enfants car il avait un cadeau pour chacun d’eux :
- Oscar ! André ! Suivez-moi je vous prie, j’ai quelque chose pour vous.
- Oui père !
- Oui mon Général !
Ils se dirigèrent donc vers les écuries, où deux magnifiques chevaux les y attendaient. La belle jument blanche fut donnée à Oscar et André eut le bel étalon noir.
Ils remercièrent le Général et firent sceller leurs montures pour aller chevaucher. Oscar emmena André au lac qu’il y avait en contre bas du domaine, les enfants laissèrent leurs montures en liberté et s’approchèrent du lac.
- Oscar… Je voulais te remercier d’être restée avec moi cette nuit… Je sais que c’est toi qui es venue me rassurer, je m’en rappelle très bien et je voulais te le dire…
- Ce n’est rien André, si je l’ai fait c’est parce que je comprenais ta détresse… Moi non plus je ne vois pas ma mère car elle est tout le temps à Versailles ou elle n’a pas le temps pour moi… Où est ta mère André ?
Cette question avait été dite avec toute l’innocence de ses 5 ans.
- Ma mère est partie pour un long voyage, enfin c’est ce que m’a dit grand-mère.
André et Oscar reprirent leurs montures pour traverser l’étendue d’eau, mais un trou au fond de l’eau désarçonna la pauvre Oscar qui ne sachant pas nager s’enfonça inexorablement dans les profondeurs, sans cesser de se débattre et d’appeler au secours.
André retira sa chemise et n’hésita pas à plonger dans l’eau pour aller la chercher, contrairement à Oscar, André savait parfaitement nager et il alla repêcher sa jeune amie et la ramena sur la berge à bout de souffle.
Oscar respirait difficilement mais son souffle retrouvé, elle se précipita dans les bras de son sauveur en pleurant. Elle avait tellement eu peur mais elle faisait confiance à André. Il la serra et la rassura comme elle l’avait fait précédemment, pour le remercier Oscar osa effleurer de ses lèvres celle de son compagnon, bien qu’enfantin ce baiser d’enfant avait une signification particulière, la reconnaissance et un profond attachement.
Une douce chaleur les envahit en cet instant, ni l’un ni l’autre ne voulait rompre cet instant mais Oscar se mit à frissonner et s’évanouit dans les bras de son ami. André n’hésita pas une seconde, il défit la chemise de son ami et l’habilla de la sienne puis il prit Oscar dans ses bras et entreprit de la frictionner pour empêcher la fièvre de monter.
Une fois qu’elle fut réchauffée, André la monta sur sa monture et lui donna une bonne assise en la maintenant de l’un de ses bras puis il mit les montures en route.
Arrivés au château, il appela grand-mère et lui expliqua ce qui c’était passé, celle-ci prit la jeune fille dans ses bras et s’en occupa tandis qu’André alla se changer pour ne pas tomber malade.
André alla au chevet de la petite fille, il lui prit tendrement la main pour lui faire sentir sa présence. La réponse ne se fit pas attendre, Oscar ouvra ses yeux et les plongea dans le regard d’André.
Cela ne faisait que quelques jours qu’André était ici mais déjà, les parents d’Oscar avaient compris à quel point, ces enfants s’étaient attachés l’un à l’autre. On ne pouvait les séparer bien longtemps sous peine de les voir fuguer. La présence d’André avait transformé la jeune Oscar en une enfant radieuse car avant son arrivé, le jeune maître était triste et peu loquace. Il ne souriait et ne riait pratiquement jamais. Mais depuis l’arrivée de son compagnon ce n’était que cris de joie, exaltation et sourire de sa part…
Grâce à ces deux enfants, la demeure reprenait vie, ce qui réjouissait tout le monde y compris le Général qui se félicitait d’avoir trouvé le compagnon idéal pour son enfant, il avait fait le bon choix pour la première fois depuis la naissance de sa fille.
Voilà maintenant un an qu’André était arrivé au château, il y menait une vie paisible et heureuse. L’insouciance de la jeunesse brillait dans son regard. Il recevait une éducation de noble au côté d’Oscar comme il était convenu. En l’espace d’une année André avait rattrapé le niveau de sa compagne et l’égalait dans tous les domaines même en escrime qui était devenu leur activité de prédilection à tous deux.
Ils n’étaient jamais l’un sans l’autre mais comment le prendraient-ils lorsque la notion de classe sociale prendra tout son sens entre eux ? Ils n’étaient pas du même monde. Et bien qu’André ait reçu une éducation noble, il n’était que serviteur et un jour ou l’autre il devra se séparer d’Oscar pour accomplir son devoir envers son maître le Général. Que se passera-t-il à se moment là ?
- André tu te souviens de ton arrivé ici ? Ce jour là je t’ai promis de ne jamais t’abandonner et toi tu va me laisser ?
- Oh ! Oscar jamais je te laisserais je te le jure à mon tour, nous deux c’est à la vie à la mort… petit sœur.
- Oui à la vie à la mort… petit frère.
Et comme mu par une soudaine impulsion André se pencha vers les lèvres d’Oscar et y déposa un baiser d’enfant avec une douceur touchante. Oscar se laissa aller à cette douce caresse. Il y avait un an, c’était elle qui l’avait embrassée elle ne l’oublierait jamais car ce jour là, André lui avait sauvé la vie.
Les passes d’armes se succédaient, les épées chantaient une douce mélodie qui semblait ne jamais pouvoir s’arrêter, la beauté de ce combat était telle que l’on ne pouvait s’empêcher d’admirer ses deux jeunes enfants qui avaient acquis un niveau indiscutable à l’épée. André et Oscar avaient dépassé le niveau du Général en l’espace de cinq ans.
André venait d’avoir onze ans et Oscar en avait dix, leur amitié n’avait cessé de grandir et de s’intensifier au cours des ans et grand-mère devait batailler pour qu’ils dorment chacun dans leur chambre, car il n’était pas rare qu’elle retrouve le matin, la jeune Oscar collée sur le torse de son compagnon… Seulement, ils grandissaient et devaient prendre conscience qu’ils ne pouvaient plus dormir ensemble.
- Oscar ! André ! Mais que diable faites-vous encore à dormir tous les deux ? Vous savez bien que ce n’est pas convenable qu’une jeune fille et un jeune garçon dorment tous les deux.
- Calme toi grand-mère ! dirent en cœur les enfants.
- Non ! non et non ! cela ne peut plus durer, je vais prévenir le Général si…
- Non ! Grand-mère je t’en prie ne dit rien à père… s’il l’apprend, il va nous séparer et je ne veux pas perdre André, cela jamais !
La petite fille avait dit ces mots en se pelotonnant un peu plus contre son compagnon, elle s’accrochait désespérément à lui.
De son côté André regardait grand-mère puis il serra à son tour Oscar dans ses bras et enfouit son visage dans le blond immaculé des cheveux de la petite fille. Bien qu’étonné de l’élan soudain de son amie, il était content car même s’ils avaient grandi, rien n’avait changé, non rien.
André n’était pas habitué à ce que sa petite sœur, comme il aimait à l’appeler, s’accroche ainsi à lui, car elle était trop fière pour laisser ses émotions la submerger mais il la reconnaissait son Oscar, passionnée et fougueuse mais surtout impétueuse…
Grand-mère ne pu résister bien longtemps à ses petites têtes d’anges qui se serraient l’une contre l’autre comme si… comme si… leur vie en dépendait. Oui car c’était de cela dont qu’il s’agissait. Si on les séparait on les tuerait à coup sur.
- Vous avez gagné pour cette fois, mais que je ne vous y reprenne plus sinon je préviendrais qui de droit et vous savez ce qui vous attend.
Les enfants étaient toujours dans les bras l‘un de l’autre, leur cœur battaient à l’unisson en une douce litanie. Ces instants étaient des moments d’immense bonheur pour nos amis et pour rien au monde ils ne voulaient que cela cesse.
Ce fut la dernière nuit qu’Oscar et André partagèrent la même chambre, serrés l’un contre l’autre avec toute l’innocence qui accompagne ses petits gestes tendres d’enfants. Oscar et André savaient tous deux qu’ils allaient entrer dans le monde des adultes et dans ce monde pointerait ce que l’on appelle « les sentiments », ils savaient déjà ce que c’était qu’aimer mais ils ignoraient encore que cela se nommait «amour».
Les prémices d’un premier amour leur apparut sous la forme d’un baiser échangé entre deux enfants. Pourtant les sentiments qu’ils ressentaient eux allaient s’intensifier au fil du temps et inexorablement les rapprocher l’un de l’autre mais après tout n’étais-ce pas déjà le cas ?
Un baiser par ci un baiser par là, des échanges de regards, de caresses et de doux sourires échangés… tous ces petits gestes si simples pour eux mais pourtant si significatifs. L’amour leur apparut de la plus belle façon qu’il soit, un amour naissant d’une amitié…
Fragile édifice qui s’est forgé au cours des années passées au côté de l’être aimé. A ne voir que lui à chaque heure du jour ou de la nuit, être là lorsque cela ne va pas mais aussi lorsque tout va bien, être simplement là pour l’autre et rien d’autre. Aimer et se sentir aimé en retour. Plus simplement, aimé sans rien n’attendre forcément en retour, juste porter de l’amour et faire savoir qu’il y aura toujours quelqu’un qui pense à vous et qui pour vous donnerait sans l’ombre d’une hésitation sa propre vie si c’était nécessaire, simplement parce que sur cette terre, vous êtes son étoile, sa lumière, sa rose, son âme mais aussi la flamme même de sa vie. |