Chapitre 1
La neige avait étendu son long manteau blanc sur les terres des Jarjayes. Aux abords de ce qui devait être un lac lorsque les saisons étaient plus douces, on pouvait distinguer deux enfants d’environ neuf dix ans qui ferraillaient avec ardeur, enchaînant bottes secrètes, esquives et autres astuces dont le seul but était de déstabiliser son adversaire.
Les enfants étaient tellement concentrés qu’ils n’avaient pas vu que la neige recommençait à tomber et que la morsure du froid allait peu à peu engourdir leur corps, même si pour l’instant, ils avaient chaud car ils étaient en mouvement. A les regarder de loin, on aurait presque cru se trouver face à un tableau digne des plus grands peintres tant la scène qui se jouait paraissait irréelle mais de toute beauté.
En cette magnifique journée d’hiver pleine de douceur, personne n’aurait pu dire que le destin frapperait à la porte de ces jeunes enfants qui alliaient l’innocence et la pureté mais aussi courage et honneur. Ces enfants qui s’amusaient n’attendaient plus qu’une chose, la venue de Noël qui était aussi le jour de naissance de l’héritier des Jarjayes, nommé Oscar François.
Il allait fêter ses 16 ans mais au-delà de son apparence, cet enfant n’était pas ce qu’il semblait être : Oscar était une jeune fille qui commençait à voir son corps se modifier et prendre des formes arrondies telles que doit les avoir une jeune fille. Mais elle se devait de les cacher car, mis à part ses parents et Grand-Mère, personne n’était au courant, pas même son compagnon d’arme, André, qui la prenait pour un garçon. Après tout, elle en avait l’apparence et les attitudes. Alors comment aurait-il pu en être autrement ?
Pourtant, Oscar, au fils des années, voyait ses sentiments envers André s’intensifier. Elle recherchait davantage sa présence et n’hésitait pas à braver les interdits de Grand-Mère pour passer la nuit dans le lit de son ami, son frère, son… tout.
Nous approchions du 25 décembre et André avait du travail à l’écurie avant de pouvoir proposer une promenade à son ami. Il ne savait toujours pas quoi offrir à Oscar et le jour tant attendu approchait, plus que trois jours et c’était Noël…
Oscar, elle avait déjà trouvé son cadeau de Noël et espérait lui faire plaisir car ce cadeau était un témoignage de son amitié, de son… Elle ne savait comment appeler ce doux sentiment qui émergeait du plus profond de son cœur… de son cœur de jeune fille… Oui, elle était une jeune fille et plus que jamais, elle en prenait conscience en ce jour.
Oscar commençait à s’impatienter et elle alla chercher André à l’écurie. A pas de loup elle pénétra dans la bâtisse sans se faire voir de son compagnon qu’elle voulait surprendre. Mais ce qu’elle vit l’ébranla et notre Oscar devint rouge comme une rose.
La vision de son jeune ami qui avait enlevé sa chemise car elle le gênait dans ses mouvements la troubla. André n’avait pas encore remarqué son ami mais ému plus que de raison, Oscar buta contre un sceau et manqua de tomber et de se faire mal. André eut juste le temps de la rattraper avant qu’elle ne se fasse mal.
Il ne comprit pas pourquoi le visage d’Oscar s’était empourpré ainsi car, pour lui, c’était évident Oscar était un homme.
- Oscar tu vas bien ?
- …Oui merci André… Grâce à toi…
- Mais que fais-tu ici ?
- Quelle question ! J’ai besoin d’une raison pour venir voir mon meilleur ami… ? Bon, puisque je te dérange, je m’en vais dit-elle (prenant un air faussement vexé)
- Non ! Attend Oscar… C’est vrai, tu as raison, je n’aurais pas dû te dire cela… Tu veux bien me pardonner ? Lui dit-il avec un merveilleux sourire.
- Oui… je… je te pardonne lui dit-elle en lui rendant son sourire mais plus timidement.
De plus, le regard et le sourire de son compagnon l’avaient de nouveau fait rougir et André avait remarqué l’attitude plus qu’étrange d’Oscar ces temps-ci.
- Tu es sûr que tout va bien ?
- Ne t’inquiète pas, je vais bien… parfaitement bien. Bon, on la fait cette promenade ?
- Les chevaux sont prêt Oscar, on peut y aller quand tu veux.
Oscar et André partirent donc au galop pour une longue chevauchée.
Mais en hiver, le terrain était glissant et dangereux, malgré ses talents de cavalière émérite, Oscar qui avait trop poussé sa monture, fut désarçonnée, et sous les yeux effarés d’André, elle tomba lourdement à terre et sa tête cogna un rocher de la route.
Il ne prit même pas le temps d’arrêter sa monture, il sauta et accoura au côté de son ami. Il lui fit un rapide bandage pour arrêter l’écoulement du sang et porta Oscar jusqu’à son cheval.
Il trouva qu’Oscar était léger comme une plume. André ne savait quoi penser mais depuis le premier jour où il avait vu Oscar, il avait une impression étrange en la regardant. Un mystère l’entourait et cet étrange sentiment qu’il ressentait pour son ami le troublait mais pour le moment tout ce qui comptait, c’était de la ramener au plus vite en sa demeure et de faire quérir un médecin.
Après l’examen, le médecin annonça le verdict. Selon lui, Oscar avait perdu la mémoire et il ne pouvait dire si elle la retrouverait un jour. « Elle » ce mot sonna aux oreilles d’André comme une révélation mais intérieurement il ne savait pourquoi il l’avait toujours su…
Le docteur parti, André resta seul dans la chambre d’Oscar et lui prit la main avec douceur et veilla sur son sommeil comme jamais auparavant. Il lui murmurait des mots tendres et apaisants tout en lui caressant avec douceur la joue, mais, elle ne semblait pas vouloir se réveiller. Il s’assoupit et eut la surprise à son réveil de pouvoir plonger dans l’azur de ses yeux. A cet instant, il n’eut plus de doute, elle était bien une jeune fille, et la plus belle de toutes celles qu’il avait vue… elle était… son… ange.
- Tu… tu vas bien Oscar ?
- Qui êtes-vous monsieur ? lui demanda-t-elle
Pourtant ce regard et ce visage trouvaient bizarrement écho au plus profond de son cœur et sans qu’elle sache vraiment pourquoi, elle se sentait rassurée en sa présence et avait le cœur qui battait la chamade.
- Oscar… C’est moi, André. Je suis ton ami… Ecoute-moi,, tu as perdu la mémoire et le docteur à dit que tu pouvais… ne… ne jamais retrouver ta mémoire perdue et cela je ne peux pas le croire Oscar ! Non je n’ose le croire.
- Ainsi vous vous appelez André… ? Je suis navrée mais je ne me souviens pas de vous… Pourtant en votre présence, je me sens rassurée… c’est étrange…
Pour André le monde s’écroulait. Oscar ne se rappelait pas de lui et il avait terriblement peur qu’elle ne retrouve jamais ses souvenirs, leur enfance ou même leur ancienne complicité.
Pendant le reste de la journée, il se refusa à sortir de la chambre de son amie. Il ne pouvait se résoudre à la quitter maintenant… qu’il… savait. Il la regardait tendrement, lui caressait doucement la joue, lui prenait la main et lui murmurait des paroles rassurantes pour qu’elle s’apaise dès qu’elle semblait s’agiter dans son sommeil.
Oscar recommença à s’agiter et commença à parler dans son sommeil, elle murmurait des paroles inaudibles. André dut s’approcher pour entendre ce que disait son amie.
« Ce visage… sans cesse je le vois… je l’aime mais qui est-il ? Je ne m’en souviens pas… son regard si… tendre… d’une couleur émeraude. »
André ne comprenait pas les paroles de son amie, car elles étaient entrecoupées par des sanglots
Il n’aimait pas voir Oscar dans cet état et la seule chose qu’il pouvait faire, c’était de rester à ses côtés, lui prendre tendrement sa main et la serrer d’une douce pression afin de la rassurer et qu’elle puisse prendre du repos.
L’effet escompté se produisit au contact de son ami, elle s’apaisa une nouvelle fois et s’endormit, un sourire naissant sur ses lèvres entrouvertes. Allongée sur son lit et endormie comme une enfant, elle ressemblait à un ange. Comme elle est belle, se dit André. Il ne put résister et il déposa doucement ses lèvres sur celles de l’endormie qui même à ce chaud contact ne se réveilla pas.
Elle frémit sous cette caresse mais pour elle qui était au pays des songes… ce n’était qu’un rêve… merveilleux certes mais… un rêve quand même. Une douce illusion que son subconscient aurait crée alors qu’elle avait besoin de chaleur, de douceur, de tendresse… André ferait tout pour que son amie retrouve la mémoire… Oui tout ! |