Les rayons de la lune s’infiltraient à travers les fenêtres de l’église. Cet astre régnait au milieu des étoiles et du ciel clair et sombre. Quiconque détacherait son regard de l’astre argenté constaterait le vide de la cathédrale. Au fond du lieu sacré se trouvait un cercueil encore ouvert…un cercueil occupé par le corps d’un jeune homme.
Dans son habit de soldat, au milieu du lit de fleur, un être magnifique reposait dans son cercueil. Son beau visage était d’une sérénité apaisante. Ses cheveux noirs s’étalaient au milieu des fleurs. Ses mains étaient jointes. Tout son corps était droit. Les fleurs, palette de milliers de couleurs, semblaient accentuer la beauté de cet être merveilleux. Un intrus ignorant sa mort aurait dit qu’il était seulement endormi.
C’est alors qu’une présence vint en douceur violenter le vide de l’église. La silhouette mince portait une longue cape sombre. On pouvait deviner, tapie dans l’ombre, la beauté de cette personne aux longs cheveux bouclés.
L’intrus s’approcha à pas léger. Il se retrouva alors baigné sous la clarté de la lune, dévoilant un visage féminin malgré quelques traits virils encadrés par une longue chevelure blonde.
Oscar se situa en direction perpendiculaire au corps du jeune brun. Elle se pencha légèrement, admirant le visage du défunt. Son cœur se serra. Les larmes aux yeux, elle murmura, dans le silence sacré de l’église, le nom de bel homme :
« An…André… »
Elle se pencha davantage pour mieux voir le visage de son défunt amant. Celui de la jeune femme s’était fait doux. Elle ferma les yeux et tendit un doigt pour que son toucher puisse savourer la douceur de cette peau d’ivoire. Durant quelques secondes, elle se remémora tous les bons moments passés avec celui qui fut à la fois son ami et son amoureux.
Leur enfance et adolescence communes furent joyeuses et innocentes. Elevée comme un garçon, Oscar considérait André tel un frère. Mais le jeune homme gardait secrètement en son cœur l’amour profond qu’il éprouvait pour sa meilleure amie. Cette dernière ne s’en était rendue compte que quelque temps avant la mort du jeune brun.
Ainsi, les bouts des doigts d’Oscar effleurèrent la joue d’André. Elle fut alors frappée par sa froideur. Elle ouvrit subitement les yeux. La réalité fut alors plus douloureuse que jamais : André était bel et bien mort. En voyant son visage, Oscar sentit une douleur morale si intense, si insupportable, qu’elle en vint à la faire souffrire physiquement.
Une atroce douleur lui prit le ventre. Elle sera les poings, s’éloignant d’André pour ne pas blesser son précieux corps…Ce corps autrefois si chaleureux et si tendre…
Elle lança un autre regard à son visage. Tremblante, des larmes incontrôlables lui montaient aux yeux. Tout était fini. Elle qui avait prévu de l’épouser après la prise de la Bastille, finalement, ce projet ne sera jamais réalisé. Plus jamais elle ne pourra serrer son amant contre elle. Plus jamais elle ne verra de sourire illuminer son beau visage.
Elle resta un long moment à pleurer. La respiration saccadée par sa détresse. Avec une douleur indescriptible, elle enfouit son visage entre ses mains. De toute façon, elle sentait que « quelque chose » allait se terminer. Qu’une histoire était sur le point de s’achever. Elle ignorait comment se l’expliquer, mais c’était comme si cette histoire était un livre et qu’il allait bientôt se refermer, qu’elle était arrivée à la dernière page du roman.
Elle ignorait qu’en réalité, il s’agissait de Thanatos, le dieu de la mort, qui s’approchait d’elle à grand pas. La pioche haute, il était prêt à prendre la vie d’Oscar comme il l’avait fait pour André. Mais l’heure de la jeune femme ne viendrait qu’à la bataille de la prise de la Bastille…
Durant toute cette nuit précédant le 14juillet1789, Oscar n’avait fait qu’admirer André en pleurant. La vision de son amant décédé la faisait souffrire le martyre, mais elle ne pouvait se passer de la beauté du jeune homme.
Le ciel commença à s’éclaircir. Un rayon de soleil caressa la joue d’Oscar. Elle observa encore son cher André. Sa douleur était trop grande pour pouvoir ressentir le sommeil. Constatant la sérénité du visage tant aimé, elle était persuadée qu’il était enfin au paradis…
Elle aurait souhaité rester éternellement auprès de lui. Mais la venue du jour lui rappela son devoir. Elle devait reprendre les armes, lutter pour son peuple, son pays. Il fallait absolument qu’elle reprenne son devoir.
Elle se rendit compte qu’elle ne pouvait rester là à verser des larmes pour le restant de sa vie. Elle devait relever la tête, prendre son courage à deux mains. André avait lutté malgré sa cécité. Il ne lui pardonnerait certainement pas si elle baissait les bras et qu’elle abandonnait le peuple qu’elle devait protéger et aider.
Elle se redressa, profita de sa présence dans l’église pour prier. Finalement, elle prit le couvercle du cercueil pour voiler le corps d’André. Mais avant cela, elle lui adressa un dernier regard tendre. Jamais il ne lui avait semblé aussi beau.
Elle fini par enfermer le corps d’André dans son cercueil pour l’éternité. Elle mit sa cape et se retourna, déterminée. Sa cape virevolta derrière elle lorsqu’elle se retourna. L’héroïne dont le nom de figure pas dans l’histoire était enfin prête à embrasser son destin. Le colonel de la garde française s’en allait pour la place de la Bastille en se promettant de se battre de toutes ses forces avec courage.
Quiconque la voyait, à ce moment là, aurait dit qu’elle quittait son amour définitivement. Il ne lui serait jamais venu à l’idée que, en réalité, elle était sur le point de le rejoindre pour l’éternité…
FIN |