Auteur : Anon Hits : 4372
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Un bruit…

Quelle heure pouvait-il être? Deux ou peut-être trois heures. Depuis quelques semaines, la jeune Oscar se réveillait en sursaut à chaque nouveau son qui montait dans la nuit jusqu’à sa chambre. Elle avait pourtant fait plusieurs fois le tour du château, une chandelle à la main recherchant inlassablement d’où pouvait provenir ce bruit récurant.

Elle refit encore une fois sa ronde à travers les sombres corridors du château de Jarjayes, mais comme d’habitude, elle ne découvrit rien d’anormal. Cette fois, elle en avait assez. Elle avait beau être jeune et en santé, elle ne réussirait pas à protéger la reine si elle somnolait sur ces heures de garde.

Elle referma la porte de sa chambre déterminée à résoudre cette énigme. À la première heure, elle demanderait un congé pour pouvoir mettre son plan d’attaque à exécution.

***

« André! André! Où es-tu, espèce de paresseux.»

Ah! Elle ne le laisserait jamais tranquille. Depuis le départ de Fersen, elle était encore plus désagréable qu’auparavant.

« J’arrive » hurla-t-il en essayant de repérer son pantalon.

Elle le réveillait de plus en plus tôt, se plaignant constamment d’avoir passer une mauvaise nuit sous prétexte d’avoir entendu des bruits. Pauvre Oscar, voulant se voiler la face, ne pas comprendre le mal qui la rongeait chaque soir lorsqu’elle s’endormait seul dans son lit.

« André, dépêches-toi! Nous allons être en retard.»

À peine sorti de l’adolescence que son corps, sa nature de femme avait reprit ces droits sacrifiés jusque là. À l’instant où ces sens avaient perçu le jeune suédois, ces réactions avaient changées. Même sa voix qui se faisait très autoritaire et masculine, avait reprit son naturel d’antan avec de douces inflexions féminines à peine perceptibles sauf pour un être qui la connaît mieux que quiconque, mieux qu’elle-même.

Il referma le dernier bouton de sa chemise, empoigna sa veste au passage et rejoint celle qui, sans le savoir, avait éveillé l’homme en lui. Jamais elle ne le verrait plus que comme une ombre, un frère la suivant jour après jour malgré tout. En fait, il n’en était pas certain, mais une fois, une seule fois, elle avait daigné le regarder, vraiment. Oui, il s’en souvenait.

Après une course folle dans la forêt, elle était arrivée devant l’écurie avant lui et était descendue de cheval. Lui, était arrivé à peine quelques secondes plus tard, mais il avait senti… Il avait senti son regard bleu posé sur lui à mesure qu’il s’approchait. Elle l’avait détaillé percher sur son cheval, alors qu’il était arrivé à sa hauteur. Il n’avait pas pu résister. Il avait alors descendu de cheval juste devant elle, tout près, juste pour lui montrer sa supériorité lorsque leur deux corps étaient côte à côte.

« Voilà chère Oscar, pensa-t-il, voilà ce qui t’attend lorsque enfin tu redeviendras celle que tu as toujours été »

Et là, yeux dans les yeux, séparé d’à peine quelques centimètres, il avait vu cette éclat, cette lumière éclairant son visage et cette teinte rosée empourprant ses joues. Il avait vu sa poitrine plus gonfler que jamais se lever, palpiter sous son souffle devenu effrénée. Elle perdait le contrôle pour la première fois face à l’inconnu, face à un sentiment, face à un homme. À peine un mouvement de sa main vers elle, qu’elle avait reculé d’un pas. Il avait malgré tout atteint son objectif. Ses doigts caressèrent doucement sa joue quelques secondes pour terminer leur lente course le long de sa mâchoire jusqu’à son délicat menton. Jamais il n’oublierait la douceur de cette peau, la chaleur exhalée par son émoi soudain. Dans un murmure rauque qui fut le signe indéniable de toute sa virilité maintenant acquise, il lui ordonna en agrippant la bride de son cheval :

« Viens maintenant ma belle, Grand-mère va nous attendre pour le repas.»

Elle ne l’avait pas suivi à l’écurie et c’était peut-être mieux ainsi. Son immobilité et son silence, pas de cri et pas de giffle, traduisait ô combien elle avait été troublée et cela lui suffisait.

La vie était redevenue comme avant ou plutôt comme si rien ne c’était passé. Enfin, jusqu’à l’arrivé de ce beau suédois qui avait éveillé de nouveau en elle ce qu’elle se refusait d’admettre.

***

Arrivé à Versailles, Oscar s’était précipitée sur-le-champ aux appartements de la Reine sous l’oeil interrogateur de son écuyer. Quelques minutes à peine et déjà, ils retournaient sur leur pas vers la demeure familiale avec une semaine de permission. Que se passait-il encore? Le jeune homme ne comprenait plus rien.

« Je te jure que je vais trouver ce qui se passe dans la maison, quitte à rester éveillée toutes les nuits pendant mes 7 journées de repos.»
« Libre à toi de faire ce qui te chante, mais je ne vois pas du tout de quoi tu parles. Moi, je dors comme un bébé et il n’y a absolument rien qui se passe pendant la nuit. Tu rêves, ma chère. »

Elle le fusilla du regard. Comment pouvait-il se moquer d’elle sans cesse. Cela ne faisait qu’empirer de jour en jour….surtout depuis qu’ils avaient rencontrer le comte de Fersen. Était-ce une simple coïncidence? Oui, c’est ce qu’elle pensait puisqu’il ne pouvait pas savoir, pas savoir le tourment qu’il y avait en elle.

« Eh bien, tu pourras voir cela cette nuit puisque tu vas rester éveillé toi aussi. On ne sait jamais, j’aurai peut-être besoin de ton aide.»
« Alors là, oublie-moi. Il n’y a que toi que cela incommode. Tu ne vas pas me punir pour…. »

Il ravala sa salive. Il voulait lui dire qu’il ne servirait pas encore longtemps de souffre douleur pour épancher ces tourments de femme face à un homme qui ne l’aimerait jamais même s’il revenait, qu’il n’en pouvait plus de se sentir abandonner, délaisser, traiter comme un vulgaire serviteur, qu’elle n’aurait jamais dû découvrir ce qu’était le sentiment d’aimer avec un homme qui lui brisait constamment le cœur, qu’il ferait tout pour la séduire, qu’elle n’aurait qu’un mot à dire pour qu’il se donne corps et âme à cette femme inatteignable….

Mais il ne pouvait se résoudre à lui dire. Sur un ton taquin, il l’attaqua tout de même :

« … pour ton sommeil léger, espèce de princesse au petit pois. »
« Sale petit fouteur de trouble, tu vas voir! Tu payeras pour ses insultes! Nous aurons tout le loisir de discuter de ma masculinité acquise pendant la nuit et tu ravaleras tes paroles, pauvre sot! »

Et elle lança son cheval au galop.

Le soir venu, la chasse pouvait maintenant commencer…à deux.
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