Auteur : tamia Hits : 2893
Lady Oscar > André for Ever > J'ai retrouvé la lumière >
Me voilà parmi vous, petite nouvelle sur excess. Je débarque de HFC mais je suis tombée amoureuse de nos deux héros. ET la tentation d'écrire est devenue trop forte. J'espère que ce One vous plaira. J'accepte toutes les remarques. Bonne comme mauvaise. Et un grand merci à Chanlyr pour ses précieux conseils. Tu es une super béta. Kiss

***********************************************

(Pour les besoins de la fic, je reprends le dialogue d’une scène du manga que vous n’aurez pas de mal à situer, j’en suis persuadée.)

« Lâche-moi André !
_Non !
_Ah…
_Tu as peur de moi ? Crie si tu veux ! Appelle à l’aide ! Je me fiche d’être tué ! Je t’aime ! Oscar… Je ne sais depuis quand mais chaque fois que ta magnifique chevelure blonde danse au vent… Chaque fois que je croise ton regard qui, sous tes cils soyeux, reflètent la constellation d’Orion en hiver… Chaque fois que se déverse un souffle de tes lèvres interdites… Quelque chose de brûlant me remplit le corps et mon cœur ne peut trouver la paix… Oscar ! Ne bouge pas et écoute-moi ! Depuis plus de dix ans je n’ai toujours vu et aimé que toi… Je n’ai jamais accordé le moindre regard à une autre femme… Je sais que tu ne seras jamais mienne et que nous ne pourrons pas nous marier. Ah… Je préfèrerais encore être tué ici même par ton père que de te laisser à un autre homme ! Je t’en prie Oscar… Je ferai tout pour toi… Je te donnerai ma vie si tu le veux. Alors… Alors Oscar…
_Lâche-moi sinon je crie !
_Je t’aime ! Je t’aime ! Je t’aime !
_Nooon !
_Je t’aime ! »

Et le bruit angoissant d’une étoffe qui se déchire…
« A l’aide… A l’aide ! Fersen… »
S’en suivit un silence puis un murmure.
« Et que comptes-tu faire André ? »

André se figea et resta prostré, les yeux sur le tissu qu’il tenait serré dans sa main, qu’il venait de déchirer violemment. Sa vision se mit à tournoyer alors que la raison lui revenait. Sa respiration jusqu’alors rapide et affolée redevint calme tandis que son esprit se repassait ce qui venait de se produire. Il se tenait encore sur le lit d’Oscar, la recouvrant partiellement de son corps. Oscar… Qu’il venait de violenter. Lentement son visage se tourna vers cette ange qu’il avait failli déchoir. Elle avait détourné la tête et attendait sans bouger, acceptant de soumettre son corps à défaut de son âme (ndt : j’espère que l’auteur de cette phrase ne m’en voudra pas de la plagier un peu mais elle est trop jolie ^_^) sachant qu’elle ne pourrait lutter contre sa force d’homme. Il pouvait deviner les larmes qui inondaient ses joues pâles et la blessure qu’il venait de lui infliger en tentant de la forcer. Lui qui l’aimait plus que tout. Comment avait-il osé lui infliger pareille souffrance alors que son cœur saignait déjà tellement sous le joug d’un amour impossible ? Ses doigts s’ouvrirent et laissèrent tomber le tissu blanc de la chemise qui dévoilait depuis l’attaque cette fragile épaule. Il sentit les larmes lui monter aux yeux. Comment avait-il pu ?…

Ses yeux se fermèrent et son corps se fit si lourd qu’il ne parvint plus à le soutenir. Il s’allongea contre Oscar et enfouit sa tête dans son cou. Il se sentait si misérable. Mais il avait tellement mal. Plus encore à présent. Si seulement il pouvait lui faire comprendre. Sa voix, étouffée par ses sanglots, murmura contre l’oreille de la jeune femme qui n’esquissait toujours pas le moindre mouvement.

« Je t’aime tellement Oscar. Je n’ai jamais voulu qu’une seule chose, c’est ton bonheur. Et je viens pourtant de te faire souffrir aussi sûrement, si ce n’est plus, que les agissements de Fersen. La douleur qu’il t’inflige en ne voyant pas qui tu es, en ne comprenant pas l’immense chance qu’il a d’avoir ton amour. Il ne te donne rien en échange alors que moi je ferai n’importe quoi pour toi. Oui, n’importe quoi… J’aimerais tellement te montrer ce que l’on ressent lorsque l’on est étreint par une personne qui nous aime vraiment, te faire goûter à cette joie d’être dans les bras d’un homme aimant. Ce que Fersen se saura et ne pourra jamais t’offrir. Et moi je peux t’offrir cela. Et même plus. Mais tu ne m’aimes pas. Tu ne me vois pas. Et tout ce que je fais n’y change rien. J’ai si mal de te voir te languir d’un homme qui ne t’apportera rien d’autre que de la déconvenue. J’ai tant de fois été témoin de ta souffrance muette. Cette souffrance qui t’a éloignée de moi. Alors que je suis là si près de toi. Je t’en prie, crois-moi, je ne voulais pas. Je veux te voir heureuse. J’ai cette certitude en moi que je saurais faire ton bonheur si tu m’en donnais la chance. Ca n’excuse pas ma conduite, je le sais mais, Oscar… Cet amour que j’ai pour toi me ronge à petits feux et vient de me faire commettre la pire des infamies. Comprends-tu ce que je ressens ? Oscar… »

Il se tut alors, incapable d’ajouter autre chose. Mais que pouvait-il dire de plus pour sa défense ? Il était coupable sans l’ombre d’un doute. Et il lui avait fait peur. Il revoyait encore l’expression de son regard et ça lui vrilla le cœur. Il se devait de la rassurer, de lui montrer qu’il n’était pas un monstre même s’il s’en rapprochait. Il tourna lentement le visage et déposa un tendre baiser sur la peau de son cou. Un baiser rendu salé par ses propres larmes.


Oscar ne bougeait pas. Elle ne saurait dire combien de temps s’était écoulé depuis qu’il s’était jeté sur elle. Elle attendait, la tête tournée sur le côté, ne pouvant se résoudre à le regarder. Elle ne réalisait pas bien ce qui se passait. André… Son André si doux et si tendre… C’était pourtant bien lui qui l’avait plaquée sur son lit et avait déchiré sa chemise. Elle avait peur. Oui, peur de lui, de ce qu’il allait faire, de cette violence qu’elle n’avait jamais vu chez son compagnon de toujours. Son cerveau embrumé arrivait à peine à accepter l’évidence : il l’aimait. Pas de cet amour fraternel dont elle se targuait si bien mais d’un véritable amour. Ce n’était pas possible. Elle ne pouvait y croire. Et puis, tout à coup, elle sentit le poids d’André peser totalement sur elle alors qu’il s’effondrait, collant davantage son corps au sien. Son cœur s’affola. Alors il n’avait pas l’intention d’en rester là. Elle ferma les yeux, ne sentant plus ses larmes. Soit, elle resterait fière et forte jusqu’au bout. Mais à sa plus grande surprise, elle perçut le chuchotement plaintif de cette voix d’ordinaire si sûre d’elle suivi d’un chatouillement le long de son cou. Il pleurait silencieusement, comme elle.

Elle entendait ses mots à travers le bruit de cataracte de ses idées qui se mélangeaient. Elle comprit qu’il avait deviné pour Fersen malgré qu’elle ne se soit jamais confiée à lui. Et à nouveau des mots d’amour mais qui demeuraient si flous. Elle avait l’impression d’être prisonnière de sensations qui n’étaient pas les siennes et dont elle ne parvenait pas à s’échapper. Pourtant, quelque chose lui fit ouvrir grand les yeux bien plus que le déversement verbal d’André : un baiser délicat, presque un frôlement, contre la peau tendre de son cou.

« Pardon Oscar, je t’en prie, pardonne-moi. Ce que je ressens est si fort. Pardonne-moi de t’aimer et de ne pas avoir été assez fort pour me contenir. Pardon… »

Puis un second baiser aussi doux. Un trouble s’empara d’elle alors qu’elle sortait de sa léthargie. Elle n’esquissa toujours pas le moindre geste mais sa faculté de raisonner reprit quelque peu les commandes et comprit que quelque chose venait de changer. André ne bougeait plus. Sa peur baissa d’un palier pour remonter lorsqu’elle le sentit remuer. Il posa une troisième fois ses lèvres sur sa peau qui descendirent plus bas pour se poser sur le haut de sa poitrine découverte. Elle ferma les yeux, paniquée. Mais il se contenta de poser la tête sur sa poitrine.

« Je t’aime tellement que ça me fait mal. Je t’aime à en mourir. Pourquoi Oscar ? Pourquoi l’Amour fait-il souffrir alors qu’il devrait nous rendre heureux ?… »

Il n’avait plus rien à dire à présent. Il attendait la sentence au rythme des battements précipités du cœur de sa belle. Lui qui était devenu la bête…


Cette question la prit au dépourvu parce qu’elle ne savait pas quoi répondre. Etait-ce vraiment une question d’abord ? Elle en doutait. Il avait plutôt énoncé cela comme une évidence. Ses pensées se bousculèrent mais ses lèvres restèrent closes.

« Oui, tu as raison. Moi non plus je ne comprends pas pourquoi l’amour fait souffrir alors qu’il devrait alléger nos cœurs. Cela fait des années que je me pose la même question, vois-tu. Et j’enrage de ne trouver la réponse ! J’enrage de me demander sans cesse pourquoi je n’ai pas le droit à un peu de bonheur moi aussi ! Mon destin ne m’aura rien épargné. Ce destin que je n’ai pas choisi même si j’y ai consenti. Mais après tout, avais-je le choix ? Non, je ne l’avais pas. Je devais obéir à mon père. Et devenir ce que la nature n’avait pas voulu faire de moi. Mais à quel prix ! Je suis sans cesse torturée par ces sentiments que je n’arrive pas à endiguer. Et à qui la faute revient-elle vraiment, dis-moi ? Est-ce la mienne de ne pas voir été suffisamment forte pour changer cela et dire non ? Ou est-ce celle de mon père qui n’a pas songé aux conséquences que sa décision pourrait avoir sur ma vie, ne songeant qu’à son propre désir ? Si Fersen m’avait connue femme, aurais-je eu la chance de lui montrer ce qui brûle en moi ? Aurais-je pu rivaliser avec la reine si j’avais pu être sur le même pied d’égalité ? Je ne sais pas. Je ne sais plus. Oh, André, je me sens si perdue… »

Et les paroles jusque là confuses d’André pénétrèrent son cerveau embrouillé la laissant dans un profond désarroi.

« Je ne me doutais pas que tu te posais les mêmes questions. Et que tu souffrais au moins autant que moi. L’idée que tu puisses aimer toi aussi ne m’avait même jamais effleuré l’esprit. Comme si j’étais la seule à pouvoir souffrir et aimer. Pourquoi n’ai-je jamais envisagé cette possibilité ? Tu as un cœur et des sentiments toi aussi. Quelle ironie ! Tu te trouves dans le même gouffre sentimental que moi. Et j’en suis responsable. Je t’inflige les mêmes tourments que Fersen provoque en moi ! Alors je comprends parfaitement ce que tu ressens. Oui, mais maintenant ? Que dois-je faire ? Que dois-je te dire ? Y a t-il seulement quelque chose à dire ou à faire ? Il s’agit tout de même de toi André ! »

Son cœur se serra. Son compagnon de toujours qu’elle ne reconnaissait pas…

« Oui, il s’agit bien de toi. Pourtant, je ne connais pas cette facette de ta personnalité. Je ne l’aurais même jamais soupçonnée. Cet homme-là m’est inconnue. Ce n’est pas toi André. Toi qui es toujours tendre, doux, attentif même dans les pires moments. Pourtant, je ne peux nier l’évidence. C’était bien toi qui viens de… Que comptes-tu faire à présent ? Seigneur, aidez-moi ! »

Son cœur battait la chamade. Pour la première fois de sa vie, elle avait peur de lui…

Sa frayeur retomba soudain. Après avoir embrassé le haut de sa poitrine, il s’était allongé sur elle. Dès lors, il ne bougea plus. Qu’est-ce que cela signifiait ? Qu’il ne lui ferait rien de plus ? Ca la rassura un peu bien qu’elle fut incapable du moindre mouvement. Comment devait-elle interpréter la tendresse qu’elle avait senti dans ses derniers baisers ? Ne se trompait-elle pas ? S’agissait-il bien de tendresse ? Etait-ce la preuve qu’il s’était repris, que l’homme qu’elle avait toujours connu était de retour ? Qu’elle n’avait plus rien à craindre de lui ? Oui, il ne pouvait s’agir que de cela. Il venait sans doute de réaliser ce qu’il avait fait et devait être horrifié par son geste.

« L’amour que tu éprouves pour moi t’a donc dicté cette folie. Mais un homme a t-il le droit de toucher une femme si elle ne le souhaite pas même par amour ? Est-ce un passe droit ? Une excuse ? L’amour doit-il être une circonstance atténuante à tous les actes qu’il engendre ? »

Elle fut tenter de hurler « non ». Et puis, une cruelle vérité refit surface.

« Peut-être bien que oui après tout », pensa t-elle avec lassitude. « N’ai-je pas moi aussi agi stupidement et sans le moindre discernement par amour ? Combien de fois me suis-je retenue d’hurler mon amour à Fersen ? Puisant à chaque fois en moi la force de me taire jusqu’à me sentir parfois mentalement épuisée de devoir cacher mes sentiments. Que tu as su deviner finalement. Me connais-tu donc si bien ? Mais moi ? Est-ce que je te connais aussi bien ? Suis-je autant attentive à ton sort ? J’en doute. La preuve en est que je n’ai même jamais remarqué ce que tu éprouves pour moi. Tellement enfermée dans ma douleur que je n’ai su voir la tienne. Et tout comme moi, tu as tu cet amour que tu n’avais pas le droit d’exprimer. Et qui a fini par exploser pour… Pour quoi en fait ? Pour tenter de me montrer que tu étais là ? »

Oscar sentit comme un étau se resserrer autour d’elle. Ce petit retour forcé sur son ami et sur elle-même l’obligeait à voir certaines choses sous un jour nouveau. La logique voudrait qu’elle en veuille à André. Mais elle n’y arrivait pas. N’avait-elle pas agi de la même manière que lui après tout ? Même si le contexte était différent, n’avait-elle pas elle aussi fait certaines choses qu’elle regrettait ? L’amertume la gagna alors que sa raison, ne semblant pas décidée à lui donner de répit, poursuivait sa désagréable analyse.

« N’ai-je pas fait la même chose ce soir de bal où, pour la première fois de ma vie, j’ai revêtu une robe dans l’espoir fou et vain de séduire un homme qui ne voit en moi qu’une fidèle amie mais surtout une alliée à ses amours malheureuses ? Un homme qui ne voit pas la femme que je suis. Oh oui, il me respecte en tant que personne, admire mon courage et ma détermination à vivre la vie que je mène. Mais il sait si peu de moi ! Suis-je si différente de toi André ? Ou de Fersen qui fait tant de sacrifices pour la reine ? J’ai moi-même alimenté par amour une chimère qui m’a tant coûtée : cette fierté de femme enfouie au fond de moi et que j’ignorais posséder jusqu’alors, mon honneur de militaire qui a chancelé sous cette faiblesse que je n’ai su étouffer. Alors qu’un militaire ne doit jamais se laisser aveugler par ses sentiments ! Et ce soir le prix est encore plus cher à payer : je vais te perdre André… »

Comme il devait sans doute penser lui aussi qu’il venait de la perdre à jamais de par les gestes qu’il venait d’avoir envers elle…

De nouvelles larmes silencieuses s’échappèrent de ses yeux clos à cette douloureuse constatation.

« Et qui blâmer pour cela ? Toi ? Ou moi ? Qui est responsable de ce désastre ? Est-ce toi André qui m’a perdue au profit de Fersen qui n’a su me voir ? Ou m’as-tu perdue en raison du déferlement de tes sentiments pour moi que tu n’as su contenir ? »

Toutes ces interrogations bouillonnaient dans sa tête. C’était trop ! Elle en supportait trop depuis quelques jours. Elle en avait assez ! Pourquoi André ? Pourquoi elle ? La vie ne pouvait-elle pas s’écouler comme avant ? Comme lorsqu’ils étaient enfants et que tout était si simple ? Elle ne voulait pas que les choses changent même si elle savait parfaitement qu’il était trop tard. Tout avait changé. Aussi bien pour André que pour elle.

Une évidence la frappa alors comme la foudre. C’était comme s’ils ne pouvaient rien faire l’un sans l’autre. Quoi qu’il advienne, toujours de concert. Liés quoi qu’ils fassent, où qu’ils soient. Même séparés. Comme si la vie prenait un malin plaisir à placer les mêmes obstacles, les mêmes choix sur leur chemin.

« Les mêmes choix ? Non, assurément non. Il s’agit plutôt de mes choix mais que tu acceptes de suivre. Mes choix devenant ainsi, par la force des choses, les tiens. Je ne le réalise que maintenant. Même si tu ne partages pas mes avis, tu demeures malgré tout à mes côtés. Bien qu’il m’en coûte de l’admettre, je suis suffisamment honnête envers moi-même pour avouer que je n’aurais pu accomplir certains desseins sans ton aide. Même dans mes pires choix, même dans mes mauvais choix, tu restes pour veiller sur moi. Toutes ces preuves d’amour que je n’ai pas su voir… »

Son cœur se broya douloureusement au plus proche souvenir de cette dévotion qu’il lui portait. Parce qu’il s’agissait bien de cela . Elle ne s’en rendait compte que maintenant. Et ce qu’il lui avait dit peu après l’incident. Ca l’avait tellement bouleversée et pourtant, elle n’avait pas compris : « Je suis heureux que ce soit moi qui aies perdu un œil ».

Ses pleurs silencieux redoublèrent. Elle entendait encore l’intonation de sa voix, ce murmure pénible et pourtant soulagé d’être allongé dans ce lit à sa place. Et qu’avait-il ajouté ? Qu’il serait toujours prêt à perdre un œil pour elle ? Cette phrase avait sonné comme un glas en elle.

« C’est de ma faute si tu es aujourd’hui borgne. Bien qu’en désaccord avec moi et approuvant dans une certaine mesure les agissements de Bernard, tu as accepté de m’aider. Je t’ai une fois de plus forcé la main mais si tu t’y étais opposé, j’aurais probablement abandonné. Quoique ?… Non, je n’aurais pas abandonné et tu le savais parfaitement alors tu n’as protesté que pour la forme, cédant bien vite à mon désir. Ou plutôt à mon ordre. Te soumettant une nouvelle et énième fois à mes caprices. Et tous nous connaissons le résultat de cette brillante idée. Jamais plus ton œil gauche ne verra la lumière. Mais tu ne le regrettes pas imbécile ! Tu me l’as plusieurs fois répété. Peut-on vraiment aimer au point de s’en oublier soi-même ? Jusqu’à se perdre ?… Se perdre au point d’agir avec violence et sans discernement ?… »

Se perdre… Une vive émotion monta en elle alors qu’un autre souvenir plus ancien, remontait à la surface. Souvenir qui inversait pour une fois leurs rôles.

La Dauphine, un cheval, une chute, une condamnation à mort. Les évènements repassaient en accéléré dans son esprit déjà bien malmené. Et une réaction instinctive, irréfléchie, qui s’était imposée à son… cœur. Elle avait demandé au Roi le privilège de son nom et son droit d’être punie à la place de son valet dont elle était le maître. Et par conséquent responsable. Parce qu’il lui était intolérable qu’il perde la vie de cette manière, à cause d’un stupide accident. Qu’il perde la vie tout simplement. Vivre sans lui qui était son point d’ancrage depuis toujours ? Non. Plutôt mourir que d’avoir à supporter une existence déjà tellement difficile sans lui. Elle ne concevait pas sa vie sans lui.

Et quelque chose d’enfouie rejaillit. Des évènements qui semblaient effacés de sa mémoire alors qu’ils ne faisaient que dormir au fond d’elle resurgirent brutalement à la surface. Grand-mère… Il y avait fort longtemps alors qu’André et elle n’étaient que de jeunes enfants qui ne cessaient de la rendre chèvre. Après une bêtise, elle s’était mise à les chercher pour les châtier comme les garnements qu’ils étaient mais ils s’étaient cachés masquant autant que possible leurs gloussements de rire espiègles. Elle pestait contre eux et avait dit à peu de choses près ces quelques mots : « Il n’y en a pas un pour rattraper l’autre ! Les bêtises vont de paire ! Décidément, il n’y a pas d’Oscar sans André ni d’André sans Oscar ! Et ça ne risque pas de s’arranger avec le temps ! »

« Comme grand-mère avait raison, n’est-ce pas André ? Je ne suis rien sans toi et tu n’es rien sans moi. Tu n’hésites pas à risquer ta vie pour moi. Je sais à présent que c’est par amour. Et je comprends seulement maintenant que moi aussi je n’hésiterais pas à risquer ma vie pour sauver la tienne. Et non par devoir. Mais parce que mon cœur me le dicterait… »

Que devait-elle réellement penser de cette terrible constatation ?…


André ne bougeait pas. Jamais il n’avait été aussi proche d’elle. Il savait qu’à partir du moment où il quitterait la chaleur de son corps, ce serait la fin. Il ne pouvait s’y résoudre. Comme il lui était difficile de résister à cet appel ! Pourtant, il allait devoir quitter cette chambre. Cela faisait des minutes et des minutes qu’ils étaient inertes. Il avait naïvement cru que ses paroles auraient fait réagir la jeune femme. Mais il n’en avait rien été. Il avait dû profondément la choquer pour la laisser ainsi sans réaction. Un faible soupir s’échappa de ses lèvres. Mu par une force incontrôlable, et bien qu’il savait que c’était une mauvaise idée, il descendit ses mains jusqu’alors placées de chaque côté de la tête d’Oscar pour les placer sur les épaules de la jeune femme puis tourna un peu le visage pour l’embrasser une fois de plus. Il serait bientôt châtié de toute façon alors un peu plus ou un peu moins… Qu’il garde au moins la sensation de cette peau veloutée contre ses lèvres avant de mourir...


Oscar sentit la chaleur des paumes d’André sur ses épaules, surtout sur celle qui n’était plus protégée par le vêtement déchiré. Puis la chaleur des lèvres sur sa peau. Encore. Elle fut plus que surprise car, au lieu de ressentir cette atroce peur, un étrange frisson lui parcourut l’échine. Et cette sensation n’était pas déplaisante. Elle n’avait jamais ressenti pareil sentiment. Pas même en présence de Fersen. Et ça l’effraya au plus haut point parce qu’elle ne comprenait pas ce qui lui arrivait.

Fersen… Elle se sentait émotive face à lui mais il ne l’avait jamais faite frissonner. Même lorsqu’elle avait dansé avec lui, contre son corps. Elle avait certes senti son cœur s’emballer comme un cheval fou mais rien de plus. Pourquoi alors qu’elle l’aimait ?

« L’amour aurait dû me faire éprouver ce vertige. Il y a quelque chose qui m’échappe. Pourquoi ton baiser me fait-il frémir ?… »

Comme sa peau était douce sous ses lèvres. Il vivait un véritable supplice depuis qu’il était entré dans cette chambre. Il devait se montrer fort et y mettre un terme. Il n’y avait rien d’autre à faire, il le savait bien.

« Juste un dernier baiser », se promit-il, « et je quitterai à jamais ta vie… »

Délicatement, il reposa sa bouche sur la fine peau de son cou s’y attardant plus que de raison pour imprégner éternellement ses papilles de son goût. Il perçut alors un faible gémissement. De surprise, il prit appui sur le lit et se redressa pour l’observer. Avait-il rêvé ? Non, elle avait gémit, il en était sûr. C’était la première fois qu’elle réagissait après de longues minutes d’inaction. Elle n’avait toujours pas bougé, son visage était toujours tourné mais il était certain de lui. Comment devait-il interpréter cette réaction ? Dégoût ? Ultime marque de rejet ? Son cœur cogna soudainement dans sa poitrine face à l’incertitude. Oui, comment interpréter ? Il n’y avait pas 36 000 façons de le savoir. Il se pencha à nouveau vers elle…


Oscar tressaillit malgré elle en sentant le nouveau baiser qui venait de l’effleurer avec légèreté au moment où ce mot traversait son esprit : l’amour… Son père l’avait élevée dans l’optique de servir fidèlement la royauté et de vivre dans l’honneur qu’imposait le nom des Jarjayes. Mais la réalité était toute autre pour elle. Toutes ses actions n’avaient été guidées que par une seule motivation : l’amour. L’amour qu’elle vouait à son père qu’elle voulait rendre fier, l’amour qu’elle portait à la reine qui l’avait poussée à la protéger même d’elle-même, l’amour qu’elle avait pour André qui lui avait imposée de mourir à sa place. Sa bouche s’entrouvrit légèrement de surprise quand le mot franchit les barrières de sa conscience.

« L’amour ?… Est-ce possible ? Est-ce la raison pour laquelle tes baisers me font trembler ? Mais j’aurais dû m’en apercevoir il y a longtemps déjà ! On ne peut pas aimer sans le savoir… »

Sa conscience ne le savait pas mais en était-il de même pour son cœur ? N’avait-elle pas voulu donner sa vie en échange de la sienne sans réfléchir paniquée à l’idée de le voir mourir ? Quel autre sentiment que l’amour pouvait faire agir de la sorte ? Elle avait passé toute sa vie près de lui. Mieux : elle n’était vraiment elle-même qu’avec lui. Il n’y avait jamais eu de faux semblants entre eux. Il savait parfaitement QUI elle était. Et malgré cela, il était là, à l’embrasser, à lui dire qu’il l’aimait.

« Tu m’aimes malgré ce que je suis… Ou ne suis pas… »

Elle sentit alors le corps d’André s’éloigner du sien et un froid glacial envahit son être. Il allait partir, la laisser seule face à son désarroi et à cette vérité qui venait de lui éclater en plein visage. Bientôt il ne serait plus là pour l’aider à porter les difficultés de sa vie. Et ce serait de sa faute, comme toujours. Elle ne pourrait que se blâmer elle-même de l’avoir perdu…


Le cœur battant d’anxiété, André reporta son attention sur ce cou gracile. Se décidant, il se pencha à nouveau et choisit de déposer ses lèvres dans le creux de son oreille. Un espoir fou avait malgré lui assailli son cœur. Ce gémissement n’était peut-être pas du dégoût. Il savait que c’était chimérique de se raccrocher à une telle idée. Mais c’était tout ce qui lui restait : l’espoir…

Et contre toute attente, les lèvres d’André se posèrent encore une fois sur elle. Elle ne put réprimer un nouveau gémissement plus fort que le précédent et qui fut accompagné d’un long frisson. Sa peau se fit chair de poule alors qu’une étrange chaleur montait en elle. Elle ne parvenait plus à raisonner clairement. Tout ce qu’elle savait, c’est qu’elle ne voulait pas que cette sensation la quitte. Qu’elle ne voulait pas qu’André la quitte.

« Mais si je reste sans bouger, il partira. Si je ne lui donne pas une raison de rester près de moi, il me laissera. Et plus jamais je ne ressentirais cet émoi… »

C’est presque malgré elle que ses bras se levèrent et que ses mains s’enfouirent dans la chevelure ébène du jeune homme pour le presser davantage contre elle. La réaction ne se fit pas attendre : il figea son geste et se recula prestement mais ne put réellement s’éloigner du fait de sa prise sur sa nuque. Elle l’entendit murmurer son prénom. Sa voix la sortit des limbes dans lesquelles elle se trouvait plongée. Elle ressentit le besoin de le regarder. Elle ouvrit les yeux et rencontra un regard vert totalement voilé par l’étonnement.


Le son envoûtant d’un second gémissement emplit les oreilles d’André ce qui embrasa ses sens bien qu’il ne savait toujours pas ce qu’il devait en penser. Et puis, sous ses lèvres, la peau fraîche se fit frisson. Qu’il aimerait croire que c’était de plaisir. Mais elle restait aussi immobile qu’une statue. Il chercha à puiser au fond de lui la force nécessaire pour quitter ce lieu de torture. Mais il n’en n’eut pas le temps que deux mains glissèrent dans ses cheveux. Ce fut à son tour d’être parcouru de part en part par un frémissement. Pourtant, il s’écarta brusquement d’elle mais ne put véritablement s’éloigner car elle le retenait. Il ne comprenait plus rien.

« Oscar », murmura t-il la voix rauque, totalement stupéfait par ce revirement de situation. Elle l’avait clairement rejeté, appelant Fersen à l’aide, et maintenant elle se laissait embrasser, l’incitant même à rester presser contre elle. Il l’observait toujours et, soudainement, elle tourna la tête pour lui faire face et ses yeux jusqu’alors clos s’ouvrirent sur l’océan de ses prunelles. Ses pupilles brillaient d’un éclat qu’il ne lui avait jamais vu. Du moins, un éclat qui ne lui avait jamais été destiné auparavant. Et il n’osait croire ce qu’il pouvait y lire. Il ouvrit la bouche et ébaucha le « o » de Oscar mais le mot mourut sur ses lèvres, étouffé par la bouche de la jeune femme qui se posa avidement sur la sienne…


Elle ne voulait pas parler. Parler était inutile. L’amour… Il n’y avait que cette maxime qui emplissait son esprit, le martelant sans cesse afin de bien imprégner tout son être. Les lèvres d’André étaient moelleuses et savoureuses. Comment ne s’en était-elle pas aperçue lorsqu’il l’avait embrassé un peu plus tôt ? Elles épousaient parfaitement les siennes. Mais malgré cette plénitude qui s’insinuait dans ses veines, elle sentait que quelque chose n’allait pas : André ne répondait pas à son geste. Pourquoi ? Il semblait pourtant n’attendre que cela…


Ses yeux s’écarquillèrent et son souffle se brisa. Il n’arrivait pas à y croire ! Elle l’embrassait ! Il pouvait sentir les lèvres interdites et ô combien désirées glisser sur les siennes. Mais la surprise était telle qu’il se sentait presque apathique. Quelle était la cause de ce soudain revirement ? Pourquoi se donnait-elle à lui ? Etait-ce l’orgueil qui la poussait à conserver la maîtrise des choses même si c’était contre sa volonté ? Ou bien le dépit ? Le besoin de se sentir désirer en tant que femme après avoir été rejetée ? Il ne savait plus quoi penser. Mais cette flamme dans le fond de son regard, il ne l’avait pourtant pas rêvé ?…


Non ! Elle ne voulait pas que tout s’arrête alors qu’elle prenait seulement conscience de ses sentiments. Elle devait lui faire comprendre qu’elle savait, qu’elle avait enfin compris, qu’il lui avait ouvert les yeux. Qu’elle avançait en aveugle depuis presque toujours mais qu’aujourd’hui c’était terminé car elle savait. Elle cessa de l’embrasser et se replongea dans l’émeraude de son œil. Elle avait tant de choses à lui dire.

« André… »

Ce fut hélas tout ce qu’elle parvint à prononcer. Mais toute l’intensité de son amour était passé dans ce seul mot. Il la regardait toujours cherchant à décrypter le fond de son âme pour déchiffrer ses tourments. Lui qui savait lire en elle comme dans un livre ouvert. Elle n’arrivait pas à parler alors peut-être devinerait-il ce qu’elle ne savait lui dire…

« Oh André… Toute mon existence on m’a prise pour un homme. Même ceux qui connaissaient ma véritable nature ne m’ont jamais considérée comme telle. Que ce soit la reine ou Fersen, ou même mon père. Et cela a induit tant de souffrance en moi. Et je pensais qu’aucun homme ne le comprendrait. Mais j’avais tort. Toi, tu es là. Je suis une femme qui vit la vie d’un homme pourtant je suis dans les bras d’un homme qui me considère comme une femme. Comment ai-je pu être aussi aveugle ?… C’est comme si je voyais clair pour la première fois de ma vie… »


André avait plongé dans l’azur des iris d’Oscar. Elle avait prononcé son prénom avec une si forte intensité qu’il en avait été bouleversé. Il s’était suspendu à ses lèvres, croyant qu’elle lui parlerait enfin. Mais elle s’était tue. Mais ses yeux avait parlé pour elle. Pour la première fois depuis longtemps elle lui avait autorisé l’accès à ses abysses bleutés sans mettre de barrière. Le voile s’était déchiré. Elle avait enfin réalisé. Son cœur explosa de bonheur. Oui, ce n’était ni du dépit ni de l’orgueil. C’était bien plus simple et plus merveilleux. C’était un rêve qui devenait réalité. Et une voix cristalline et légèrement éraillée envahit le silence de la chambre.

« Mon ombre, mon contraire, ma lumière… Pourquoi ne t’ai-je pas vu plus tôt ?… »

Les larmes brouillèrent sa vue. Le fardeau si lourd à porter tomba de ses épaules et une allégresse sans borne l’envahit. Il ne saisissait toujours pas les raisons de ce revirement mais à présent il s’en moquait. Quelle importance dans le fond ? Elle avait enfin réalisé l’évidence dans laquelle il baignait depuis leur enfance : ils étaient faits l’un pour l’autre, ils n’étaient rien l’un sans l’autre. Elle était le soleil et il était la lune…

Oscar vit les différentes émotions transparaître sur le beau visage d’André. Le soulagement la saisit : il n’allait pas s’en aller, il resterait pour toujours à ses côtés. Elle oublia tout le reste : son père, la reine, Fersen, son devoir, le chagrin qui était son compagnon depuis des années. La douleur s’était envolée. Il n’y avait plus qu’elle et lui, un homme et une femme qui s’aimaient.

Leurs lèvres se rencontrèrent pour un premier baiser réellement échangé et consenti. Leurs souffles se mélangèrent, leurs corps se rapprochèrent. Les doigts d’Oscar s’enfoncèrent plus loin dans l’épaisseur des cheveux de son Amour tandis qu’André l’enlaçait pesant finalement de tout son poids sur elle. Mais il n’était pas encore assez proche d’elle. Elle enroula ses jambes autour des siennes. Les respirations se saccadèrent…


« J’avais perdu cette étincelle qui me faisait avancer. J’étais comme enfermée dans un cachot sombre. J’ai enfin retrouvé la lumière… »

« Je suis né pour être ton ombre et vivre dans ta lumière… »


Les soupirs de volupté eurent raison de leurs pensées qui se turent pour laisser la place au plus ancien des langages…
Review J'ai retrouvé la lumière


Disclaimer .:: géré par Storyline v1.8.0 © IO Designs 2002 ::. Design adapté par korr