Auteur : Rosy Hits : 773
Lady Oscar > Vignette > Fin >
Je regarde la porte se refermer.
La frontière entre le peuple libre et une reine prisonnière.
Seule, je parcoure, encore une fois, ma cellule du regard.
C’est une pièce sombre, avec un matelas, un miroir, une chaise et une toute petite fenêtre. Je ne distingue même pas le bout de ma prison, tellement il fait noir. Je suis comme dans un tunnel sans fin…
Rosalie, escortée par deux geôliers, vient de partir.
Depuis mon arrivée à la Conciergerie, il y a déjà quelques temps, à moins que ce ne soit la semaine dernière… Enfermée dans le noir, n’ayant rien pour me repérer, je perds la notion du temps… Donc, depuis mon arrivée, elle est ma « femme de chambre ». Ou plutôt, ma « dame de compagnie ».
Au début, je l’avoue, préoccupée par mon malheur et celui de ma famille, je ne prêtai guère attention à cette jeune femme discrète. Puis, j’ai commencé à la revoir… Il y a quelques années, vêtue d’une robe bleue, à Versailles… En compagnie d’Oscar de Jarjayes… Mon seul véritable ami… Ma seule, en vérité. Je ne pouvais pas croire que je côtoyais quelqu’un qui connaissait Oscar ! Une personne qui allait pouvoir me parler d’elle ! En réalité, je n’étais pas sûre que ce fût elle. Un jour, je lui demandai :
_Mais n’êtes-vous point cette jeune fille qu’un soir Oscar de Jarjayes a emmenée à la Cour ?
Elle m’a sourit.
_Si, c’est bien moi. Rosalie Lamorielle.
_Oh, je vous en supplie, parlez-moi d’Oscar ! l’avais-je suppliée.
Puis, à partir de là, chaque jour, elle me racontait la vie d’Oscar et d’André… Ces deux destins étant énormément liés…
Aujourd’hui, ce fut la dernière partie de l’histoire.
Elle me raconta la mort d’Oscar, devant la Bastille, et non derrière, comme je m’étais toujours plue à le croire…
Chère Oscar ! Pardonnez-moi ! Peut-être aurais-je dû vous écouter ? Si je l’avais fait, peut être aurais-je encore mon mari, mes enfants et mon cher Fersen… Cet homme si bon, vous l’avez connu et aimé aussi… Protégez-le, je vous en supplie !

Passant par ma petite fenêtre, les rayons du soleil viennent me réveiller.
Ils éclairent à peine ma cellule. Je ne sais pas quel jour on est, ni le mois, ni l’heure… Je sais juste que nous sommes en 1793… D’après le temps, nous devons être vers la fin de l’année… Pas Décembre… Novembre ou Octobre, sûrement…
La porte s’ouvre. Rosalie entre et la referme.
_Bonjour, Majesté, dit-elle en faisant une révérence.
Je lui souris. Après ces nouvelles « lois » de la Révolution, je crois bien qu’elle n’est plus obligée de me donner du « Majesté » mais cela me fait du bien… Cela me ramène à une vingtaine d’années en arrière… Temps prospères et bénis…
Je m’installe sur ma chaise, devant le miroir. Elle commence à brosser mes longs cheveux blancs, autrefois d’un blond cendré. Je regarde sur mon matelas, la rose de soie que j’ai confectionnée. Le dernier présent que j’offrirai.
Le silence devient lourd. Je sens les mains de Rosalie trembler, et dans le miroir, je la voie essuyer ses yeux. Je me lève et me tourne vers elle.
_C’est aujourd’hui ? dis-je simplement.
Une larme coula sur la joue de Rosalie.
_Je suis désolée, dit-elle. Mais, sans vouloir vous offenser, votre sort était déjà scellé… Vous n’avez eu un « procès » que par soucis d’égalité…
_Jusqu’au dernier instant, répondis-je, je resterai reine. On m’a appris à être fier de ce que l’on était… Je le suis et le resterai jusqu’au bout…
Je ne sais si ma voix est rassurante, mais Rosalie ébaucha un petit sourire.
Au même moment, la porte s’ouvre.
Mes gardiens de prison entrent.
_Deux minutes, je vous prie, messieurs, les implorai-je.
Je me précipite au matelas et me saisis de la rose. Symbole d’une personne chère à nos deux cœurs… Je la tends à ma dernière amie. Elle la prend dans ses doigts fins.
_Rosalie, suppliais-je, s’il vous plaît, faîtes que l’on se souvienne d’Oscar ! C’était quelqu’un de si juste ! Je l’admirais tant !
Puis, les hommes me lièrent les mains dans le dos. Je ne réplique pas et me laisse faire. C’est la fin.

Le trajet jusqu’à la mort se fait en charrette, sous les yeux, les exclamations, les insultes du peuple de Paris. Mon Dieu, il y a des années, lors de ma première visite à Paris, tout me souriait, tout était si différent… A l’époque.
Mes geôliers me tirent hors de la charrette et me poussent dans les escaliers.
Mon cœur battant, pour les dernières fois, de plus en plus fort, je m’approchais de ma mort.
Sur le côté, se tenait mon bourreau. On aurait dit un fantôme noir.
Sans ménagements, ils m’allongent, le ventre sur la planche de bois. Ils vérifient que mes mains soient bien liées. J’entends mes anciens gardiens parler au bourreau.
Seigneur, encore combien de temps ?
Avec l’impression qu’une seconde dure un siècle, j’entends les pas de Sanson se rapprocher. J’ai juré de rester fidèle à mon rang et à mon éducation, pourtant, je le sens bien, si j’avais pu, je crois bien j’aurai fuit. Attitude indigne d’une reine ? Je le sais bien, mais je suis aussi humaine. En tout cas, je garderai les yeux ouverts et secs. A quoi bon pleurer ? Cela ne changera rien.
Dans la foule, je sens un silence, une impatience palpable.
Ce sera bientôt fini… Bientôt… Une dernière fois, je pense à ceux que j’aime… Mes enfants… Oscar… Rosalie… Axel…
Leurs visages défilent devant moi. Lentement, se superposant.
Puis, un son de glissement.
Et plus rien. Le noir, le néant, l’infini…

FIN

Note : Alors, vous en pensez quoi ?
Review Fin


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