Ce mois de juin était étonnamment chaud pour la saison, obligeant les hommes comme les bêtes à ralentir le rythme.
L’activité militaire s’était vue aménagée et la journée de ce fait fut raccourcie, permettant une rentrée prématurée sur Jarjayes.
Oscar n'était pas de service ce soir auprès de Sa Majesté, le Roi était à une réunion d’état-major, et la Reine lui avait donné congé, souhaitant passer sa soirée seule.
Mais sur le point de quitter Versailles, la rumeur était parvenue jusqu’à leurs oreilles : IL était revenu ! Le congé providentiel n’avait donc comme excuse réelle qu’une rencontre secrète entre les deux amants !
André avait jeté un regard en biais à Oscar, remarquant tout juste l’ébauche de sourire puis la faible et fugace crispation du visage qui la seconde suivante était redevenu le masque froid et imperturbable du Colonel.
Il en était là de ses pensées, les mains occupées à étriller et baigner les chevaux dans le bassin situé au pied du château. Cela ne faisait pas partie de ses corvées, finies depuis longtemps, mais il se plaisait à accorder ce rafraîchissement aux bêtes qui le lui rendaient bien d’ailleurs s’ébrouant joyeusement.
Il se tenait lui-même au centre de la pièce d’eau, la fraîcheur de l’onde lui léchant les mollets, son pantalon retroussé jusqu’aux genoux, la chemise largement ouverte.
Chiffon en main, il allait s’occuper de la monture d’Oscar quand il l’entendit. La mélodie !
Stoppant net sa tâche, il se tourna vers le bâtiment, élevant son regard vers le premier étage : la fenêtre était largement ouverte, laissant la musique se diffuser !
Il imagina les doigts fins et blancs se plaquant sur les touches d’ivoire du clavecin, spectacle captivant dont il avait été si souvent l’auditeur privilégié. Et le sourire mélancolique qui devait accompagner ce ballet, régit par les seules envies de la jeune femme, blonde magicienne !
Et tout cela pour lui. Son retour ! La tristesse et la nostalgie des airs d’hier remplacées par l’allégresse et le bonheur des notes déversées ce jour dans l’atmosphère !
« Tu vas encore souffrir Oscar : Car il n’est pas revenu pour toi : admets cette évidence. La Reine ! Elle et elle seule compte pour lui. Eveille en lui ce sentiment que tu voudrais voir naître en son cœur pour toi ! A ton évocation ! Par ta présence !
Mais je suis là moi. Moi qui t’aime depuis si longtemps. Qui ne te demande presque rien. Me contentant de ce que tu consens à me donner :
Un petit peu de toi
pour échapper
à la solitude
Quand tu n'es pas là
un peu de toi
pour moins de blessures
Un peu de toi pour réchauffer
mon regard privé de son soleil
un peu de toi pour retrouver
un peu de tes nuits dans mon sommeil
Un peu de ta voix
pour me guider
quand je ne vois plus
Un petit peu de toi
qui m'attendras
quand je suis perdu
Un peu de toi pour réchauffer
mon regard privé de son soleil
un peu de toi pour retrouver
un peu de tes nuits dans mon sommeil
Un peu de toi pour inventer
le déluge au milieu du désert
Un peu de toi
pour éloigner
le vide absolu
L'amour est la foi
un peu d'espoir
traverse les murs
Un peu de toi pour réchauffer
mon regard privé de son soleil
un peu de toi pour retrouver
un peu de tes nuits dans mon sommeil
Un peu de toi pour te garder
près de moi même quand tu n'es pas là
Un peu de toi pour supporter
les jours où tu es si loin »
Le tissu humide fut étreint de rage dans le poing du jeune homme qui finalement sortit de son amère méditation.
Sortant de l’eau, il se rechaussa, prit les longes des chevaux les ramenant dans leurs boxes respectifs.
Refermant la porte de l’écurie sur les bêtes et lui-même.
Tandis que la musique résonnait toujours, hymne à la joie, transperçant les planches de bois.
Un petit peu de toi de David Hallyday album Un paradis/Un enfer |