
Contempler.
Si contempler peut suffir à une vie, alors Rosalie avait atteint le but ultime de son existence et pouvait mourir l'âme en paix. Cependant après une défenestration du rez-de-chaussé ratée, elle avait choisi d'attendre gentiment que la mort vienne elle-même la chercher. Celà tombe bien nous avons encore besoin d'elle pour la suite.
Rosalie contemplait, oui, et le choix de son sujet de contemplation l'avait mené jusqu'au sommet de son art. Et vous l'aurez compris, ce sujet de contemplation n'était autre qu'Oscar. Ce regard d'acier pur, cette petite fossette sur ses joues pâles, ces lèvres découpées dans un coucher de soleil, ces vagues d'or fins qui flottaient autour de son visage, elle connaissait tous ces trésors de blonditude par coeur et celà échauffait sa rime au point d'en faire rougir Ronsard.
Aah contempler Oscar prendre son petit déjeuner, et Rosalie les yeux pleins d'amour vidait distraitement la moitié de la boîte à sucre dans son bol avant que Grand mère n'aie le temps d'intervenir. Contempler Oscar nettoyer son épée, la lame renvoyant sur son tranchant sa beauté irréelle qui faisait oublier à Rosalie qu'il restait encore trois marches à descendre avant la terrasse. Contempler Oscar méditer devant le feu dont la chaleur ne pouvait égaler celle du sang qui courrait dans les veines de Rosalie, surtout quand la douleur sur sa peau de la cire de la bougie qu'elle tenait à la main arriverait à se frayer un chemin jusqu'à son cerveau au milieu de toutes les images fantasmatiques qui surpeuplaient les sous basements de sa chevelure châtain clair. Contempler Oscar dormir comme les lecteurs de cette fic qui ont compris le topo merci.
Mais puisqu'elle ne pourrait pas mourir avant un petit bout de temps, Rosalie voulut jouer les perfectionnistes. Elle voulait contempler Oscar à n'importe quelle heure, dans n'importe quelle situation et dans n'importe quelle tenue (et de nouveaux fantasmes venaient augmenter le taux de densité de population de sa boîte cranienne).
Son premier but était le plus beau. Pouvoir contempler Oscar dans le plus simple appareil ( ce qui ne veut bien sûr pas signifier qu'Oscar avait revêtu un ouvre-boîte, d'ailleurs c'est très compliqué au contraire un ouvre-boîte ). Pouvoir jeter un coup d'oeil au dessus de ces remparts de vêtements pour découvrir sa Cité Interdite. Elle avait accepté qu'Oscar était femme et elle était prète désormais à la connaître toute entière comme jamais personne ne l'avait fait. La seule beauté de son visage avait suffi à l'envoûter, les cinq sixièmes restants de son corps seraient sûrement alors un tsunami de sensations qui ferait exploser sa démographie neuronale!
Ce fût en contemplant Oscar éternuer ( quelle grâce dans cet élancement du corps partant du nez et finissant sur une courbe sublime du bras qui tentait de lutter contre lui!) que Rosalie planifia ce merveilleux moment où enfin elle arracherait à cet uniforme cette silhouette désirée.
Au fond de la salle de bain jouxtant la chambre d'Oscar se trouvait un placard dont seule Grand mère avait la clef, car il contenait ce qu'il y a de plus précieux et de plus indispensable à toute forme de vie: la réserve de papier hygiènique. La vieille, farouchement jalouse qu'on lui prenne ce poste qui faisait d'elle la personne la plus importante de toute la maisonnée, ne lui aurait jamais prétée cette clef.
Rosalie hésitait entre empaler Grand mère avec une petite cuillère et arracher la clef de son cadavre ou profiter de sa sieste quotidienne pour la lui subtiliser. Bien que plus risquée elle opta pour la solution la moins salissante, la deuxième donc, et protégeant avec deux belles bottes de persil ses oreilles des ronflements prodigieux qui résonnaient dans sa bouche caverneuse, elle déroba la fin de son impatience au monstrueux pot d'échappement humain.
Elle approchait enfin de son but. Essayant de se caler le plus confortablement sur les rouleaux de papier rose, elle épiait par la fente de la porte l'arrivée de la fatale apparition. |