Auteur : Binta Hits : 2331
Lady Oscar > Mystère > Crois en tes rêves >
Printemps 1761.

"Oscar ! Oscar ! Oscar, où es-tu ? On va être en retard pour le cours d'histoire ! Oscar !"

André, du haut de ses 7 ans, s'époumonait à travers tout le château des Jarjayes pour trouver son amie. Mais nulle part, au rez-de-chaussée, il n'entendit de réponse. Il décida donc de monter à l'étage et de poursuivre ses recherches sans cesser de s'égosiller. Lorsqu'il parvint dans le couloir principal, il se mit à courir aussi vite que le lui permettaient ses jambes car ils étaient déjà quasiment en retard pour ledit cours d'histoire, alors autant le diminuer le plus possible ! Complètement absorbé par ses pensées, il ne vit pas l'imposante paire de bottes cirées qui se tenaient devant lui et contre lesquelles il vint brutalement se cogner avant de retomber les fesses par terre, tout étourdi par le choc.

"Voyons, André, tu pourrais faire attention ! Quelle mouche te pique donc de courir comme un cerf ayant une meute de chiens à ses trousses ?!?
_...Excusez-moi, Général. Je...
_Suffit ! Et d'ailleurs que fais-tu là ? Ne devrais-tu pas être en cours d'histoire avec Oscar ?"

André, toujours par-terre, sentit son cerveau réfléchir à une vitesse phénoménale ! S'il répondait qu'il cherchait Oscar pour s'y rendre, le Général ne manquerait pas de faire subir ses foudres de colère à sa fille, qu'il appelait stupidement son fils. Mentir n'était pas non plus la meilleure solution, le Général ne serait pas dupe...Et encore fallait-il le trouver, ce mensonge ! Non, vraiment, le plus sage était sans doute de ne rien répondre du tout.

"André ! J'exige une réponse !
_...
_André, si tu ne me réponds pas immédiatement, je ferai en sorte que tu sois puni sévèrement !"

André savait que le Général ne plaisantait pas. L'aura de violence latente qui se dégageait de cet homme le lui le prouvait. Il leva les yeux pour dévisager son interlocuteur. Les yeux du père d'Oscar flamboyaient. Le jeune garçon ne savait que faire. S'il trahissait Oscar de la sorte, elle ne le lui pardonnerait jamais ! Du moins le pensait-il. Ce qu'il ne savait pas, c'est qu'Oscar le cherchait également. A l'aube, elle s'était levée et était allée admirer l'étang où elle se rendait si souvent avec André. Sur le chemin du retour, elle avait croisé leur professeur d'histoire, M. de Cornill, un homme d'un âge respectable mais dont les yeux pétillaient d'une leur joyeuse, ravi de voir sa jeune élève de si bon matin. Elle s'était donc rendue directement dans la salle où le professeur leur dispensait ses cours, pendant que lui bavardait avec Grand-mère, et fut surprise de ne pas y trouver son jeune compagnon. Lorsque M. de Cornill la rejoignit, il fut également très étonné. Ce n'était pas dans les habitudes du jeune garçon d'être en retard, lui qui aimait tant apprendre ! Il proposa donc à Oscar de chercher André ensemble.

Oscar accepta sans un mot, juste d'un regard, et tous deux commencèrent à arpenter le château. Quelques minutes plus tard, ils entendirent le Général hurler de colère. Oscar prit peur lorsqu'elle comprit qu'André était la cible de ces cris, parce qu'il cherchait à la protéger. Elle se mit à courir, M. de Cornill sur ses talons. Arrivés à l'étage, ils furent stupéfaits de la scène qui se déroulait sous leurs yeux incrédules. Le jeune André Grandier, d'un air malicieux, avait demandé au Général de lui expliquer la signification du blason des Jarjayes conformément à la demande de M. de Cornill, ce qui n'était pas foncièrement faux, vu qu'Oscar et lui avaient appris à déchiffrer les blasons de différentes grandes familles de France lors de leur dernier cours. Et ce qui faisait hurler le Général n'était pas le comportement d'André, mais le fait qu'il était manifestement incapable de répondre à sa question. Oscar se retint de rire en comprenant la situation. Décidément, André la surprendrait toujours ! M. de Cornill, lui, était très amusé, aussi bien par la scène à laquelle ils assistaient que par la vivacité d'esprit du jeune garçon. Il décida de prendre les choses en main.

"Bonjour, Général de Jarjayes.
_...Oh ! Bonjour, M. de Cornill. Peut-être pourriez-vous m'expliquer en quoi la signification du blason de ma famille est nécessaire à vos cours ?
_André ne vous a pas menti. Je lui ai effectivement demandé de venir vous poser cette question, par rapport au fait que nous avons étudié les blasons lors de notre dernier cours. Il m'a semblé intéressant qu'ils connaissent le sens de celui sous lequel ils vivent.
_Je vois. Eh bien, expliquez-le leur ! Je n'ai pas que cela à faire !"

Sans un mot, le Général leur tourna les talons et s'engouffra à l'intérieur de son bureau avant d'en claquer violemment la porte. André ne parvenait pas à croire que M. de Cornill s'était pris à la comédie sans sourciller, et même de façon complice ! Il leva des yeux pleins de reconnaissance vers le vieil homme, qui se contenta de lui sourire d'un air tendre. Oscar s'approcha d'André et le remercia de ne pas avoir avoué au Général qu'il la cherchait. Tous trois redescendirent au rez-de-chaussée, la mine joyeuse, et entrèrent dans leur salle de "cours". Là, M. de Cornill les fit asseoir devant lui. Il s'approcha du fauteuil qui lui était réservé, s'y installa et sortit un vieux livre de son manteau. Les deux enfants peinaient à retenir leur curiosité.

"Qu'allons-nous faire aujourd'hui, monsieur ?" demanda Oscar.

Le vieil homme regarda ses deux élèves et se pencha vers eux, pour leur parler sur le ton de la confidence.

"Aujourd'hui, nous n'allons pas étudier une époque historique. Oui, je sais que cela peut vous paraître étrange de la part d'un homme censé vous enseigner l'Histoire, ajouta-t-il en voyant la mine étonnée des deux enfants, mais il faut parfois...changer de registre. Aujourd'hui nous allons faire travailler votre imagination. Quels animaux fantastiques connaissez-vous ?
_...
_Le dragon ?
_Oui, Oscar, le dragon en fait partie. Que savez-vous des dragons ?
_...Euh...Je sais que ce sont des créatures légendaires...Indépendants, rusés, aux pouvoirs maléfiques ou bienfaisants, ils sont souvent reliés aux 4 éléments. Personne ne connaît réellement leur origine.
_Exactement. Et savez-vous pourquoi ? Parce que ces créatures peuplent depuis des temps ancestraux l’imaginaire de plusieurs peuples. Occidentaux, orientaux, asiatiques…Tous ont déjà imaginé des contes et des légendes autour de ces animaux. Le dragon est sans nul doute la créature fantastique la plus répandue de par le monde. Et toi, André ? Connais-tu un autre animal fantastique ?
_Oui...Ma maman m'a parlé d'un animal, une fois...
_Lequel ?
_La licorne."

Le vieil homme sourit, attendri par l'émotion avec laquelle André évoquait ce souvenir laissé par sa mère disparue. Oscar le remarqua aussi, et prit la main d'André dans la sienne pour le réconforter.

"Que sais-tu des licornes, André ?
_Symbole de pureté, la licorne est un cheval, généralement blanc, portant une longue corne en spirale, souvent en or, au milieu du front, qui possède certaines propriétés magiques et est une arme redoutable. La licorne est une créature généralement solitaire, si rapide et intelligente qu'il est quasiment impossible de l'attirer dans des pièges. Maman disait aussi que les âmes de certains humains, après leur mort, prennent corps sous la forme d'une licorne."

M. de Cornill fut impressionné par l'explication d'André. Il décida de n'en rien laisser paraître, et donna quelques précisions.

"La licorne est un animal fabuleux jouant un rôle très important dans la symbolique antique et médiévale. C'est sans doute l'historien grec Ctésias (vers 400 av-jc) qui donna naissance au mythe en rapportant l'existence d'un cheval sauvage dont la corne possédait des propriétés médicinales. Avec le phénix, la licorne est l'un des animaux mythiques les plus bénéfiques. Quant à ce que t'a raconté ta mère, André, je ne suis pas capable de te dire si cela est vrai, mais rien n'interdit de le croire.
_Ma maman ne m'a jamais menti !"

André n'avait pas pu se retenir. Sa phrase avait jailli de ses lèvres, presque violemment. Lorsqu'il s'en rendit compte, il demanda pardon à son professeur, qui le lui accorda bien évidemment. Lorsque le cours prit fin, et qu'ils eurent appris une foule de choses passionnantes sur les animaux fantastiques, M. de Cornill se leva et repartit du château des Jarjayes, laissant ses deux jeunes élèves rêver à ce qu'ils venaient de découvrir. Cette nuit-là, André rêva d'une magnifique licorne dont les yeux émeraude étaient les siens, et ceux de sa mère.
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