Prologue
La matinée était déjà bien avancée, le gouverneur mettait une touche finale au discours qu’il préparait pour la venue de son invité. Il couchait soigneusement de sa plume les mots sur le papier, chaque terme était important, cette mission que lui avait confié le représentant du Roi était d’une importance capitale pour sa carrière, et au delà pour l’avenir de sa famille.
Lui, gouverneur modeste de Fort-de-France, pourrait peut-être prétendre à un poste d’Ambassadeur sur le vieux continent. La Martinique et les îles qui l’entouraient étaient splendides, des merveilles de la nature, parcelles verdoyantes serties dans un écrin azur…Mais les hommes…Ces luttes incessantes, ces pillages, ces rapines. Aucun lieu n’était sûr.
Tout récemment d’ailleurs, la ville de San Juan, pourtant une des places fortes les mieux défendues des espagnols, avait été saccagée par le pirate anglais Francis Drake.
Comme si cela ne suffisait pas, il y avait ce nouveau venu dans le cercle très fermé des corsaires dont le simple nom provoquait la peur : « Le frère de la mort », c‘est ainsi qu’on l’appelait dans les tavernes de l’île. Le gouverneur n’y avait jamais mis les pieds mais il avait ses sources…Les tavernes étaient le cœur de la ville, le lieu où tout se savait, il était vital pour le gouverneur d’avoir des fidèles à l’écoute des discussions de comptoir.
Le gouverneur jeta un œil inquiet sur l’horloge : déjà onze heure trente, et toujours pas de nouvelle de la frégate « La Farouche » qui amenait le colonel…Pourtant le temps était calme et ensoleillé et la dernière tempête remontait au mois dernier…
On frappa à la porte :
Gouverneur : Entrez
Messager : Monsieur le gouverneur, la vigie du fort a aperçu une frégate battant pavillon français dans la baie, à l’heure où je vous parle elle a du amarrer dans le port .
Gouverneur : Bien notre invité sera bientôt là. Puis-je vous demander une faveur mon brave
Messager : Je suis votre serviteur
Gouverneur :Veuillez prévenir la gouvernante que notre invité arrive, et faites lui part de ma volonté que ma fille assiste à notre entrevue, parée de sa plus belle tenue. Un homme de son rang serait un honneur pour notre famille.
Vous pouvez disposer mon brave.
Messager : Gouverneur
Le messager salua le gouverneur et quitta la pièce pour exécuter au plus vite la requête du gouverneur.
Le gouverneur ne resta pas longtemps à son bureau, il prit d’un des tiroirs une longue vue, et sortit dans le jardin attenant. Là il avait fait aménagé un poste d’observation qui lui permettait d’observer toute la ville et plus particulièrement le port.
Comme souvent, l’agitation y régnait à cet heure de la journée, mais il y avait quelque chose d’inhabituel dans ce paysage si familier : la silhouette majestueuse de « La Farouche » . Trois mats, trente deux canons, cent cinquante hommes à bords, une poupe richement sculptée et somptueusement décorée, point de doute, le Roi avait mit les grands moyens pour mettre fin aux agissements de ce pirate…
Gouverneur(en pensée) : J’espère que vous serez à la hauteur de tous les espoirs que vous suscitez, Monsieur… |