Chapitre 1 : La mort au détour d’un chemin
Il avait pu la voir quelques minutes dans un de ses boudoirs. Il avait attendu avec impatience cet instant depuis son retour de Suède, pourtant Marie Antoinette avait du respecter l’étiquette et s’était montrée distante avec lui. Il comprit une nouvelle fois que son idylle avec la Reine de France était à la limite de l’impossible. Il n’y avait guère d’espoir.
Le comte suédois avait alors quitté Versailles pour regagner son hôtel privé et chevauchait seul dans les rues de Paris, alors que le jour commençait à s’estomper. Ses pensées le ramenèrent quelques semaines plus tôt quand il était encore dans son pays : la venue d’Oscar de Jarjayes et de son ami André ; sa rencontre avec celui qui était devenu comme un frère, Alain de Soisson, l’époux de sa jeune sœur Sofia.
La solitude l’envahissant, il décida de prendre un verre dans une des tavernes du quartier ; il rabattit son large chapeau sur son visage, remonta le col de sa cape pour voiler de son mieux ses traits « d’amant de l’autrichienne ». Tous le croyaient mais peu connaissaient la vérité. Oui il aimait sa reine plus fort que tout mais cet amour n’existait que dans un monde invisible et jamais il ne pourrait se voir réalisé. C’était un amour puissant, incommensurable… mais platonique !
Son visage, même parmi les gens du peuple, pouvait lui valoir bien des problèmes, aussi préféra-t-il se faire le plus discret possible parmi les gens de petite condition. Il prit le temps de se restaurer et de boire mais ne s’attarda pas dans ce lieu plus que nécessaire. Dès qu’il sortit, il récupéra sa monture et commença à rejoindre ses quartiers.
La pénombre prit petit à petit possession de la ville, les passants se firent plus rares tandis que le « Paris nocturne » s’éveillait. Les coupe-gorge ne tarderaient pas à faire leur apparition s’il restait dans les parages. Fersen éperonna alors sa monture pour l’inciter à accélérer, au bout de quelques mètres, son cheval s’immobilisa, il venait de heurter quelque chose. Il descendit aussitôt, la main sur la garde de son épée, méfiant.
Une fois pied à terre, il vit une femme allongée au sol, ses habits étaient tâchés de sang mais elle était vivante… elle pleurait… elle semblait pleurer toutes les larmes de son corps.
FERSEN s’approchant inquiet : Mademoiselle, Mademoiselle ?
Mais elle ne bougeait pas. En dehors des secousses qui animaient ses épaules, elle restait immobile, inconsciente des blessures qu’elle avait pu subir. Le comte s’agenouilla près d’elle pour se rendre compte de son état : elle semblait avoir reçu un violent coup du à l’impact mais, mis à part quelques plaies, ne semblait pas montrer de blessures profondes.
FERSEN en tentant de la relever : Mademoiselle, il ne faut pas rester ainsi, je vous en prie…
Rien, absolument rien ne se passait. N’ayant pas d’autre choix, Fersen glissa ses mains sous le corps affaibli et la prit dans ses bras. La jeune femme s’en rendit compte et se crispa aussitôt. « Laissez-moi mourir » hurla-t-elle dans un dernier souffle. |