Oscar était plongé dans son bureau à Versailles parmis les papiers à remplir à l’attention du roi décrivant la dernière « mission » rempli par ses hommes. Enfin parler de mission était un bien grand mot pour rapporter l’arrestation d’un pauvre bougre qui cherchait seulement à atteindre les cuisines pour obtenir un bout de pain. On frappa.
« Entrez » intima le colonel de sa voix ferme et sec habituelle.
Une jeune femme d’une vingtaine d’années entra dans la pièce mais à sa vue, elle s’interrompu surprise
« Je suis désolée, je crois que je me suis trompée de bureau » s’excusa la jeune femme, cachant son trouble manifeste
- Je peux peut-être vous aider, qui cherchez-vous ? demanda Oscar
- Je cherche…hésita la jeune femme, je cherche le lieutenant Girodelle.
- Je suis désolée mais il est occupé, il est en charge de l’entraînement de la garde. Il ne devrait cependant pas en avoir pour longtemps et il doit venir me faire son rapport après. Vous pouvez l’attendre ici.
- Merci beaucoup mais je ne voudrais pas vous déranger. Je ferais peut-être mieux de repartir.
- Non, vous ne me gêner pas et puis je vous le propose. Venez donc vous installer sur ce fauteuil, proposa Oscar en désignant un siège devant son bureau. Mais puis-je savoir qui vous êtes ? continua-t-elle. Vous êtes de la famille ?
- Oui, je suis sa femme, répondit la jeune femme
Oscar manqua de s’étouffer de surprise à cette réponse. Elle ignora que son second était marié
- Son épouse ? J’ignorais que Girodelle s’était marié. Je suppose que c’est assez récent, d’autant que vous me semblez très jeune.
- En réalité nous sommes mariés depuis 9 ans mais Victor ne m’a pas encore présenté à la cour. Je pensais toutefois que son entourage proche connaissait mon existence… expliqua la jeune femme. La dernière phrase avait été davantage prononcé sur un ton d’amertume et pour soi-même que pour Oscar. Celle-ci ressentit le trouble de la jeune femme et essaya d’enchaîner.
- Vous avez été marié très jeune alors. Et puis-je connaître la raison de votre présence ici ? Est-ce que vous allez être présenté au roi et vous installer à la cour ?
- J’ai été mariée à douze ans. Quand à ma présence ici, en réalité, Victor ne sait pas que je suis ici….
Elle n’eu pas le temps d’en dire plus. Au même moment on frappa et à peine Oscar autorisa-t-elle à la personne d’entré que Girodelle entra. Comme la jeune femme quelques minutes précédemment il s’arrêta interdit à la vue de sa femme
« Eliza que fait-tu ici ? Est-ce qu’il s’est passé quelque chose au château ? demanda-t-il inquiet
- non ne t’inquiète pas, en fait je voulais te voir »
Oscar toussota pour rappeler sa présence. Elle ne voulait pas rompre ces charmantes retrouvailles mais ce n’était ni le lieu, ni le moment. De plus, sa journée était presque finie et elle avait hâte de retrouver André et rentrer au château
« Excuser-moi Oscar, je vous présente Elizabeth, mon épouse. Eliza, il faut que tu repartes immédiatement, tu n’as rien à faire ici.
- Je voulais te parler et puis je ne peux pas repartir. J’ai dit au cocher de s’en aller. » répondit la jeune femme entêtée
- Mais tu ne peux pas rester ici. Je suis en service pendant toute la semaine et je reste à Versailles parmi le reste de la garde royale, je croyais pourtant te l’avoir déjà expliquer, répondit exaspéré Girodelle
- Alors qu’est-ce que je fais ? Je rentre à pied au château ? répondit d’un ton ironique Elizabeth.
Oscar décida d’intervenir, espérant ainsi couper court à la discussion plutôt vive du couple
« Je vous propose une solution provisoire. Votre femme peut s’installer chez moi pendant quelque jour, et puis de votre côté Girodelle il faut que vous demandiez une audience à la reine et voir avec elle quand introduire votre femme à la cour. Je crois qu’au bout de neuf ans, ça s’impose. Notre reine organise un bal samedi, c’est l’occasion ou jamais.
- bien sûr Colonel, c’est la meilleure solution en effet, répondit Girodelle du bout des lèvres, si cela ne vous gène pas.
- bien, la solution est trouvée alors» Oscar sortit de son bureau et appela André qui l’attendait pour partir.
« André, trouve un carrosse et amène Madame au château, elle va rester avec nous quelques temps alors assure toi qu’on lui prépare une chambre » lui ordonna Oscar. Elizabeth de Girodelle rejoignit alors André. De leur côté, Oscar et Girodelle s’installèrent dans le bureau pour terminer le travail. Mais la visite de la jeune femme avait troublé les deux soldats. Girodelle était perdu dans ses pensées. De son côté, Oscar s’interrogeait. Girodelle avait toujours été réservé sur sa vie privée, mais là ça battait des records. Ne tenant plus sa curiosité, elle posa la question qui lui brûlait les lèvres.
« Pourquoi n’avoir jamais dit que vous étiez marié ? Et pourquoi ne pas la faire venir à la cour et la tenir à l’écart ?
- Ma vie privée ne regarde que moi il me semble, et puis quand nous nous sommes mariées, j’ai pensé qu’Elizabeth était trop jeune pour vivre ici. Vous savez combien la vie à la Cour peut se révéler cruelle.
- Je comprend, votre épouse m’a dit qu’elle n’avait que douze ans quand elle vous a épousé. Finalement, c’est l’âge qu’avait Charlotte de Polignac lorsqu’elle s’est suicidée parce que sa mère voulait la marier de force »
Un silence pesant s’établit dans la pièce. Girodelle avait bien compris le sous-entendu d’Oscar et sa critique
« Elizabeth a tout ce qu’elle souhaite et je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour la rendre heureuse, répondit Girodelle, tentant une veine justification. Et puis je n’avais, moi même que 21 ans, c’était un mariage arrangé. Ma famille avait besoin d’argent et sa famille était riche… » termina-t-il.
« bien sûr…Et pourquoi avoir maintenant tant tarder. Votre épouse n’a plus douze ans il me semble
- en effet, elle en a vingt et un. Et il n’y a aucune raison pour ne pas l’avoir fait venir. Je crois simplement que j’ai laissé faire les choses…
- bien, je crois que nous avons fini les dossiers d’aujourd’hui. Je vais donc rentrer. Ne vous faites pas de souci pour votre femme, elle est entre de bonnes mains et puis vous pourrez la voir dès que vous serez libre ».
- d’accord, merci Oscar pour tout. »
Oscar allait partir quand Girodelle interrompis son mouvement
« vous savez Oscar, je n’ai jamais profiter de la situation, Elizabeth a eu tout le temps de continuer de vieillir.
- Vous n’avez pas à vous justifier Girodelle, mais j’en suis heureuse pour elle » répondit Oscar face à une telle confidence si surprenante de la part de son lieutenant.
Lorsque Oscar rentra au château, il était tard et la nuit était déjà tomber. Comme à l’habitude, André l’attendait.
« Alors, comment va notre invité ? demanda Oscar
- elle s’est endormie presque aussitôt son installation dans la chambre bleue. Elle a dû faire un long trajet.
- Je l’ignore, je ne sais même pas où elle habite.
- Elle n’a pas été très causante avec moi, je ne sais pas ce qui s’est passé mais elle avait l’air furieuse. Au fait, peux-tu enfin me dire de qui il s’agit ?
- il s’agit de la femme de Girodelle
- Comment ??? s’écria vivement André, ce brave lieutenant est marié, ironisa-t-il, pourtant il n’est pas le dernier à profiter des avantages de la cour….
- Je l’ignorais aussi, et je crois que la fureur d’Elizabeth vient de là. Elle ne savait pas que Girodelle cachait son existence.
- Ca n’a rien d’étonnant qu’il l’ait caché, ça pourrait choquer les quelques dévotes qui restent à Versailles, continua André sur le ton de l’ironie.
Au même instant, Elizabeth de Girodelle apparut en haut des escaliers.
- Ne vous interrompez-pas pour moi surtout
André se sentit mal à l’aise, comme Oscar. La jeune femme avait-elle entendu les dernières paroles acerbes d’André ? Oscar préféra esquiver le problème
- Nous allions passer à table. Allons donc nous installer »
Quelques minutes plus tard, ils étaient tous les trois installés autour de la table et entamaient un repas préparé avec attention par Grand-Mère qui s’était mise en quatre sachant qu’il y avait une invité. André avait hésité, ne sachant quelle attitude adopté : devait-il aller en cuisine comme c’était l’habitude lorsque Oscar avait des invités ou même si les parents d’Oscar étaient là ? Mais Oscar lui fit comprendre d’une geste qu’elle souhaitait qu’il reste.
« Pendant les quelques jours que vous serez ici, Madame, André vous tiendra compagnie et sera à votre service.
- merci Colonel mais je ne voudrais pas abuser de votre hospitalité.
- Ne faite donc pas de manière, et puis appeler-moi Oscar
- à condition que vous m’appeliez par mon prénom aussi.
- bien Elizabeth. D’où veniez-vous aujourd’hui ? Où habitez-vous ?
- Victor a une maison de famille non loin de la ville de Troyes, je ne sais pas si vous connaissez. J’y suis installé depuis notre mariage et Victor m’y rejoint lorsque son service lui permet.
- et puis-je me permettre une question : pourquoi être venu ici ?
- Je voulais retrouver Victor, répondit simplement la jeune femme sans plus d’explication.
Le repas se passa dans une ambiance plutôt calme. Elizabeth parlait peu et elle semblait perdu dans ses pensées. C’est avec peine qu’Oscar cherchait à la faire participer à la conversation en lui posant des questions. Finalement elle renonça et préféra demander à André comment s’était passé sa journée. Enfin le repas s’acheva et Elizabeth en profita aussitôt pour prendre congé et retourna dans sa chambre. Oscar rejoignit aussi la sienne mais auparavant demanda à André de venir la rejoindre avec du chocolat chaud. Elle aimait ces moments tranquilles qu’elle partageait avec son ami et la présence d’Elizabeth ne lui avait pas permis d’avoir ce moment d’intimité. Ils finirent ainsi la soirée à parler de tout et de rien. André ne chercha pas à savoir ce qui avait pousser Oscar à accueillir cette Elizabeth. En tout cas, André était heureux de savoir que Girodelle était marié. Cela permettait de l’éloigner encore plus de son Oscar. |