Auteur : ray Hits : 2860
Lady Oscar > Mystère > From the darkness >
Le Général de Jarjayes attendait dans l'ombre. Le rendez-vous avait été fixé à minuit, place Louis XV.
Il frissonna. Etait-ce donc l'odeur de la colère du peuple qui courait ainsi dans ces lieux, donnant à Paris ce visage malfaisant, quand sous la lumière de la lune les silhouettes des toits mordent le ciel?
Il n'avait croisé personne alors qu'en ces temps troublés se mouvaient dans le noir crimes et complots. Tout semblait mort comme si une oreille maléfique avait entendu ses craintes et plongé de sa main invisible Paris dans un sommeil obscur et silencieux.
Enfin, des pas brisèrent ce sortilège. Entièrement dissimulé sous une large cape, le Général de Bouillé s'approcha. Il échangea un bref hochement de tête avec le Général de Jarjayes et lui dit:

"J'espère que vous êtes prêt à faire tout ce qui est en votre pouvoir pour nous aider à sauver la royauté. Venez, suivez-moi."

Il l'entraîna dans une ruelle que le Général de Jarjayes ne se souvenait pas avoir déjà remarquée de jour. Elle semblait s'être ouverte dans les Ténèbres, mystérieuse et inquiétante.
C'était une impasse. Elle finissait sa course sur le parvis d'une église sinistre. La lune voilée par un nuage ne permettait pas au Général de Jarjayes de la distinguer précisément, mais il lui sembla que l'on en avait volontairement détruit tous les vitraux et bas-reliefs saints. Le Général de Bouillé le fît entrer dans la nef au plafond à demi écroulé et commença à lui exposer les raisons de cette rencontre.

"Je suppose que vous n'ignorez pas le vent de révolte qui souffle sur cette ville, Jarjayes. Le peuple s'agite et le Parlement refuse le nouvel emprunt à 2 millions 400 mille livres et de faire passer un impôt de plus. Nous sommes en pleine décadence, mais le pire est encore à venir... Nous avons consulté les augures. Si nous ne faisons rien, nous courons à la mort.

Pardonnez-moi, mais vous avez bien parlé d'augures, ces devins barbares qui lisent l'avenir dans les entrailles d'animaux sacrifiés?

C'est cela, Jarjayes, et leurs prédictions sont aussi vraies que celles de l'oracle de Delphes. Seriez-vous géné que nous ayons fait appel à eux?

J'avoue sans vouloir vous offenser que je considère ces pratiques comme contraire à la religion.

La religion, nous y voilà! Je ne croit pas que vous soyez janséniste, Jarjayes?

Effectivement, non.

Qu'importe, cela n'a guère d'importance, après tout. La seule chose qu'il faut que vous vous mettiez en tête, c'est que ce n'est pas Dieu qui empêchera la royauté de tomber."

Ils venaient de parcourir l'allée centrale et atteignaient l'autel saccagé. Le Général de Bouillé était toujours couvert de sa cape.

"On a beau lui ériger des cathédrales, le prier chaque seconde et lui rendre gloire, Dieu est toujours absent et nombreux sont ceux que la grâce oublie.

S'il faut défendre le roi, il est certain que nos épées seront plus utiles que des prières…

Vous n'avez pas l'air de saisir ce que j'essaie de vous dire, Jarjayes, ou bien vous avez peur de ne trop me comprendre. Seule une puissance supérieure peut encore nous sauver contre ce qui se prépare."

Il saisit un crucifix mutilé qui pendait lamentablement sur le mur et le tira. Aussitôt une trappe s'ouvrit derrière l'autel, laissant voir un escalier rongé par le temps et l'humidité. Le Général de Bouillé s'engagea dans le passage souterrain qui s'enfonçait profondément. Il n'était éclairé que par la lumière qui filtrait entre les battants de la porte qui obstruait son autre extrémité. Le Général de Jarjayes commençait à s'inquiéter de l'attitude et des propos de son supérieur. Mais quand la porte fût poussée et que ce qu'elle cachait cessa de se dérober à ses yeux, son angoisse se changea en horreur. La salle, où se tenaient réunies des dizaines de personnes encapuchonnées comme le Général de Bouillé, avaient la forme d'un pentagrame dont les rayons étaient tracés sur le sol et le plafond. Des gouttières de pierre déversaient en cascade le métal en fusion vomi par les gueules rougies des gargouilles qui soutenaient la voûte. Au centre de la pièce se trouvait une énorme dalle ronde, sur laquelle étaient dessinés des runes sataniques, et qui portait une idole noire.

"Mais c'est… c'est l'antre du diable!

En effet mon cher ami. Vous êtes ici chez Satan. Notre dernier recours.

Général de Bouillé, quelle folie êtes-vous en train de commettre?

Appelez cela une folie s'il vous sied de le faire, Jarjayes, mais sachez qu'elle seule peut nous préserver du chaos. Une révolution, voilà ce qui nous attend, l'anéantissement de la monarchie et de toutes nos valeurs et l'exil pour ceux qui ne mourront pas! Nous nous devons de protéger nos familles et notre honneur. Rien ne doit bouleverser l'ordre établi. L'ange déchu détruira cette étincelle qui veut enflammer la France. Il peut rendre à notre pays sa prospérité et son prestige, comme au glorieux temps du Roi Soleil. Il calmera le peuple et tuera les ennemis de la royauté. Vous ne pouvez le renier, Jarjayes, vous vous rendez compte de ce qui est en jeu? Tout ce que nous demande Satan en retour, c'est de lui donner un descendant. Il a besoin de la fille encore vierge de l'un de ses fidèles pour mettre au monde son fils. C'est pour cela que je vous ai amené ici…"

Pour la première fois de la nuit le Général de Bouillé retira sa capuche pour fixer le Général de Jarjayes. Les rougeoiments de la lave métallique mettaient des éclairs infernaux dans ses prunelles.

"Jarjayes, donnez-nous Oscar!"
Review From the darkness


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