[...]Tout cela ne vaut pas le poison qui découle
De tes yeux, de tes yeux verts,
Lacs où mon âme tremble et se voit à l'envers...
Mes songes viennent en foule
Pour se désaltérer à ces gouffres amers.
Tout cela ne vaut pas le terrible prodige
De ta salive qui mord,
Qui plonge dans l'oubli mon âme sans remords,
Et, charriant le vertige,
La roule défaillante aux rives de la mort!
Charles Baudelaire, Le Poison
J'ai rêvé de toi pour la dernière fois. Je ne te laisserais à personne maintenant Oscar. Je veux rester pour toujours le seul qui t'aie assez aimé pour accepter de te perdre à jamais contre quelques secondes dans tes bras.
Le seul qui goûtera sur tes lèvres tes derniers soupirs.
L'amour. La mort. Personne ne pourra te donner autant que ce que je vais t'offrir. Ce poison, ce sont mes larmes qui ont distillé ton reflet dans mes yeux comme perdu dans l'espace.
Tu ne souffira pas. Il glacera tes veines sans bruit. Tu verras le soleil derrière tes paupières comme un astre rouge et je soufflerai dessus pour l'éteindre.
J'écraserai ton coeur contre le mien pour que tu n'aie pas peur et je te bercerai doucement comme si tu flottais sur l'écume de mon amour infini.
Je te serrerai jusqu'à ce que ton corps devienne plus froid que la neige. Tu auras toujours ce sourire même quand ton corps et le mien seront livrés au sablier du temps et que nos âmes en poussière s'écouleront en lui. Et c'est sur ce sourire que je boirais à mon tour la rosée du poison.
Et puis... et puis je ne te reverrais plus. Je glisserai dans les ténèbres, rongé par le feu que tu as fait naître dans mon coeur.
Je veux que tu connaisse l'amour, Oscar. C'est pour toi que je me vend aux enfers. Si je pouvais m'accrocher à tes ailes si frèles peut-être que tu tomberais avec moi, et tu me pardonnerais. Oscar tu as fait de moi un monstre plus humain que tous ceux qui t'entourent. Je ne laisserais pas leur mensonges détruire tes espoirs et te fâner. Tu viendrais errer à mes côtés dans l'obscurité. Il y a des cauchemars qui valent plus la peine d'être vécus que la vie.
La réponse est dans tes yeux que nul ne souillera plus, et qui suivent le miroitement de la lune dans cette coupe sombre. Tu es du même cristal qu'elle, Oscar, de celui qui se brisera, vide, sur le sol.
FIN |