Auteur : Elelya Hits : 4541
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Chapitre 1 Naissances

L’hiver s’installait sur la France. Non pas un hiver blanc de neige, mais mordant d’un vent et de pluies glaciales. Une nuit d’un bleu outremer recouvrit la terre de France, tranchant avec le gris sombre où le noir de jais des précédents jours. Puis de lourds nuages s’amoncelèrent dans le ciel, promesses d’un violent orage.

Un homme se tenait devant sa fenêtre. Un militaire sans doute car, même en civile, son maintient et sa stature trahissaient son autorité naturelle et l’habitude qu’il avait à prendre des décisions. Il y n’y avait aucune lumière dans la pièce, seule une lueur qui jaillissait par la fenêtre et venait colorer de bleu le parquet du bureau. Cet homme ne faisait plus les cents pas. Il n’entendait plus les cris de femme et le bruit sourd des femmes de chambre qui s’agitaient dans la pièce voisine. Toute son attention était portée sur le parc du château, sombre et sinistre.

Soudain un éclair déchira le ciel.
Soudain, un cri de nouveau-né ébranla les murs de la vieille de demeure.

Enfin…

L’homme sortit brutalement de sa torpeur et courut dans la chambre de sa femme. Celle-ci, épuisée par l’effort qu’elle avait fait, s’était endormie. A son chevet se tenait la nourrice, avec un paquet de lange dans les bras.

« Un garçon ! s’écria l’homme. Cette fois-ci c’est sûrement un garçon. »

La gouvernante hocha la tête.

« Non monseigneur ! C’est une merveilleuse petite fille ! Regardez comme ses traits sont fins ! Elle sera très belle ! »

Déception. Encore une fois. Le yeux du père regardaient autour de lui, rebondissant sur chaque meuble et chaque angle de mur. Une nouvelle déception. Celle ci, plus que toutes celles auparavant lui fendait le cœur ! Après cinq autres filles, toujours pas de garçon pour perpétué son nom ! Pas de garçon à élever lui même ! Pas de garçon a qui confier à son tour son éducation ! Pas de garçon dont le regard et les bêtises lui rappelleraient son propre regard, ses propres bêtises, sa propre enfance.

Et Affliction et Déception, se changèrent en Colère et en Folie ! Il se retourna vers la petite fille. Malgré sa très petite vie, sa voix était déjà claire, ferme, presque grave et transcendait l’air en pleurs presque mélodieux.

« Elle pleure aussi fort qu’un garçon… »murmura l’homme, d’une voix sourde et dans un regard vide qui ne demandait qu’à s’enflammer.

La nourrice regarda son maître avec inquiétude. Depuis le temps qu’elle travaillait pour lui, elle s’était habituée à ses sautes d’humeur et avait même appris à lui tenir tête. Mais elle tenait une chose si précieuse et si fragile. Qui sait ce que pouvait inventer le général ? Il était capable de tout sous l’emprise de la fureur, y compris l’aller noyer son propre enfant. ET ça elle ne le permettrait jamais ! Son instinct maternel lui interdisait de laisser faire une chose pareille, mais elle sentait aussi qu’il y avait une autre raison. Elle savait qu’elle aimerait cette enfant comme la sienne, encore plus que toutes ses sœurs aînées qu’elle avait élever. Cette certitude inconsciente lui aurait donner n’importe qu’elle force, n’importe que pouvoir pour protéger son précieux fardeau.

Les yeux du général s’embrasèrent, comme elle l’avait pressentit, et elle serra plus étroitement le bébé contre elle. Mais se fut vain, car le général la lui arracha des bras.

« Qu’est ce que vous allez faire d’elle Monsieur ! s’écria-t-elle, affolée. »

Le général tint le bébé au niveau de son visage, le détailla encore un instant, et un large sourire inquiétant fendit son visage.

« C’est décidé ! J’ai décidé que tu t’appellerais Oscar et que tu serais mon fils ! »

La pauvre nourrice ne s’attendait sûrement pas à ça. Cela dépassait ses mœurs, sa conception de la vie, son imagination…

« Mais c’est impossible monsieur ! Enfin… »

Elle imagina alors un instant ce que pourrait être la vie de cette petite fille si on l’obligeait à se travestir pour la vie. Habillée en homme, recevant la dure éducation militaire, n’ayant, bien sûr, ni la joie de pouvoir connaître son premier bal, son premier amour, son mariage, ses enfants…

Mais le général ne l’entendait pas de cet avis. Il semblait déterminé à poursuivre son idée, comme s’il s’agissait de la plus grande idée qu’il ait jamais eut.

« Suffit Grand-Mère ! ( car tel était le surnom que ses filles avaient donné à leur nourrice, et qui avait été adopté par tous. ) Oscar est mon fils !
- Mais enfin Monsieur ! Avez vous seulement songé à madame ! s’exclama-t-elle en montrant la jeune femme évanouie ; Comment pensez vous qu’elle…
- Elle a déjà cinq filles à élever. Une de plus ou une de moins ne fait pas la différence ! Moi je n’ai qu’un fils. »

Le général claqua la porte derrière lui, emmenant le bébé avec lui. La gouvernante resta immobile au milieu de la chambre, comme paralysée, incapable de bouger, incapable de parler. Elle jeta un regard à sa maîtresse qui dormait dans son lit. Elle s’était endormie avant de connaître le sexe de son enfant. Le choc ne serait pas trop dur. Mais il faudrait lui dire la vérité. Une nuée de domestiques s’était groupée autour du lit. La jeune mère n’avait plus besoin de l’aide de la vieille nourrice. En revanche, cette enfant qui venait de naître aurait besoin d’aide. Grand-mère se précipita dans sa chambre, s’agenouilla devant son lit, et joignit les mains. Cette enfant aurait besoin de l’aide la plus puissante qui soit, l’aide de Dieu.

« Mon Dieu, pria la vieille femme, pourvu qu’il change d’avis ! »


Grand-mère ne parvint pas à trouvé le sommeil cette nuit là. Elle repassait la scène dans sa tête encore, et encore, et encore…La déception du général… Oh non…Une naissance, ce n’était pas ça ! Ce n’était pas ça !

Un étrange souvenir remonta alors dans sa mémoire. Elle savait ce qu’était une vraie naissance.

Elle se souvint de ce jour. Ce jour d’été de l’année précédente. Il avait été si différent de celui-là. Il faisait démesurément chaud. Elle allait prendre son service au Château lorsqu’un domestique essoufflé l’interpella :

« Grand-mère ! Grand-mère ! Venez vite !
- Quoi ? Qu’y a t il ?
- Vôtre… belle fille…
- Elle va…
- Oui ! Elle va accoucher ! »

La gouvernante avait alors laisser tomber louche et tablier et s’était jetée dehors.

Je me souviens de ce jour ! J’ai courus ! Courus ! J’ai croisé la charrette d’un paysan qui a bien voulut m’emmener. Je ne suis arrivée qu’en fin d’après-midi. Je me rappelle être entrée dans la maison de mon fils. Il était à genoux devant le lit de sa femme qui avait déjà accouché et qui tenait leur fils dans ses bras. Elle disait :
« Regarde mon amour ! Regarde nôtre bébé ! Nôtre petit bébé ! »

Et père et mère avaient les larmes aux yeux. Ça, c’était une naissance.

( A SUIVRE...)
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