Auteur : Iria Hits : 2332
Lady Oscar > Mystère > Le Mythe >
La chaleur étouffante écrasait les rues de Paris en ce 14 Juillet 1789. Dix ans déjà. Dix ans que la Bastille avait été prise, qu’elle était morte pour la France. Mais qui s’en souvenait encore ? Ceux qui l’avaient connu, qui avait été brûlés par son aura, mais ils étaient de moins en moins nombreux. Quand à ceux pour lesquels elle s’était battu… Les yeux tournés vers le nouveau siècle qui se levait, ils en oubliaient toutes les beautés du passé.

Un homme marchait dans les rues inondées de soleil. Beau encore, malgré sa quarantaine, on lui aurait volontiers prêté un air aristocratique si cette simple pensée n’avait pas été blasphématoire. Mais il faut avouer que cet homme avait quelque chose de noble. Il était grand, bien bâti, et ses cheveux châtain striés de blanc étaient retenus sur ses épaules, à l’ancienne mode, par un ruban de velours. Une immense tristesse émanait de lui, et son regard lavande ne s’éclaira que lorsqu’il parvint à la place de la Bastille. On pu alors le voir se diriger sans hésiter vers un autre homme, sans nul doute de son age et de sa condition. Plus beau encore que le marcheur solitaire, il irradiait d’une tranquilité sans age. Son regard gris croisa le regard lavande et les deux hommes s’étreignirent avec force avant même de parler.

« Fersen ! Ainsi vous êtes venus. Mon ami, les ans n’ont pas d’emprise sur vous »

Le comte suédois eu un sourire nostalgique, et haussa les épaules

« Vous savez, je lui devais bien ça au moins. Dites moi plutôt qui nous attendons encore
-Bernard se trouve déjà à l’auberge. Quand à Alain… Le voilà qui arrive. ? »

En effet, un homme se dirigeait vers eux en courant. Il ne leur ressemblait pas, son visage était plus rude, sa peu plus bronzée, ses vêtements moins coûteux. Mais dans le regard pailleté d’or, on pouvait lire la même nostalgie que celle qui avait traversé les prunelles de Fersen quelques minutes auparavant. Arrivé à leur hauteur, il s’arrêta brusquement et leur serra la main. Puis tous trois se mirent en marche, se dirigeant vers l’auberge du ‘Chat Tigré’. La, en extérieur, une table entourée de quatre sièges les attendait. Une seule était occupée lorsqu’ils arrivèrent, et l’homme qui était assis se leva et vint à leur rencontre. Il connaissait ces trois hommes depuis de nombreuses années, mais ce qui les liait avant tout était les sentiments qu’ils avaient éprouvés pour une même personne. Dans un silence tendu, ils s’assirent autour de la table, puis Bernard commanda un pichet de vin, lequel arriva alors que le silence régnait toujours entre eux. Finalement, Alain les servit, puis il posa ses pieds sur le rebord de bois et se balança sur la sa chaise.

« Alors, Mr de Girodelle, pourquoi avoir organisé cette charmante rencontre ? Pour que de vieux combattants pleurent sur leurs blessures ? »

Cette remarque acerbe lui valu un regard empli de colère de la part de Fersen, mais Girodelle se contenta d’en sourire

« Appelez moi Victor, vous êtes bien placés pour savoir qu’il n’y a plus de nobles à présent. Quelles qu’aient été mes convictions auparavant, il a bien fallu que je m’adapte à cette nouvelle société. Quand à votre question… Je sais que vous en connaissez la raison. Voilà 10 ans qu’Oscar François de Jarjayes est morte. Je crois qu’elle méritait un dernier hommage de ses amis les plus fidèles. »

Le bruit cassant de pieds de chais heurtant durement le sol fut la seule réponse. Il n’y avait plus aucun signe de nonchalance dans l’attitude de l’ancien Garde Française. Silencieux, il attrapa son verre et le leva haut vers le ciel avant de dire

« Au Colonel Oscar, le meilleur meneur d’homme que j’ai jamais connu »

Mais les mots pensés étaient autres
*A Oscar, cont la beauté et le charisme m’ont fait sombrer dans les tourments de l’amour*

Fersen leva à son tour le verre empli de liquide pourpre

« A Oscar, la meilleure amie que j’ai eu en cette terre de France »
*A Oscar, celle pour qui mon amour s’est déclaré trop tard*

Puis ce fut au tour de Bernard

« A Oscar, une femme d’honneur qui m’a redonné confiance en la parole donnée »
*A Oscar, à qui je dois mon bonheur, moi qui aurai tant voulu la sauver*

Girodelle fut le dernier à parler, et son regard s’éclaira d’une étrange manière

« A Oscar, femme et colonel, être épris de liberté et de vie »
*A Oscar, qui fut et sera toujours mon seul amour*

Dans le silence qui suivit, les quatre verres s’entrechoquèrent. Puis quatre voix masculines, légèrement tremblantes, s’exclamèrent d’une seule voix

« A Oscar !!! »

Alors le temps se figea, comme il sait le faire parfois, lorsque les secondes se cristallisent en éternité. C’est à cet instant qu’une femme passa devant leur table, accompagnée d’un garçonnet d’une dizaine d’années. L’enfant aux boucles de soleil et aux yeux d’émeraude sourit joyeusement aux quatre hommes, tout en trottinant aux côtés de sa mère, serrant la main blanche dans sa menotte.

Mais les trois soldats et l’homme de lettre n’avaient d’yeux que pour la femme. Un instant, ils eurent l’impression de faire face à Oscar, avant que l’illusion ne se dissipe. Oui, si Oscar avait vécu, elle aurait pu lui ressembler. Cette femme était un miracle de grâce et de finesse. Malgré sa mise simple, la noblesse irradiait de son être. Un noblesse de cœur, car elle venait sans nul doute du peuple pour marcher avec autant d’assurance. Quelques fils d’argent se mêlaient à la luxuriante chevelure de blé mûr, laquelle cascadait librement dans son dos. Mais c’est son regard qui les poignarda, lorsqu’il se posa un instant sur eux. Deux saphirs brillaient dans le visage aux traits finement ciselés… Deux gouttes d’océans, dont rien ne pouvait altérer la beauté. Mais les fines rides d’expression, qui devaient se plisser lorsqu’elle riait, ajoutaient au charme de l’inconnue.
Sans se rendre compte de l’attention dont elle faisait l’objet, la femme alla s’installer deux tables plus loin. Elle commanda un repas pour le garçonnet, et un thé pour elle. Les quatre hommes ne pouvaient détacher leur regard d’elle. Ils la virent sourire aux facéties de son enfant, l’embrasser rapidement avant d’éclater de rire, puis sombrer dans une soudaine rêverie. Appuyant son menton sur ses mains, elle ferma les yeux et offrit son visage au soleil. Un ange hors du temps, réincarnation parfaite de celle qui avait été la rose de Versailles.

Fersen fut le premier à réagir. Buvant son verre en trois gorgées, sans la quitter des yeux, il soupira ce que tous pensaient

« C’est vrai qu’elle lui ressemble.. »

Subitement ramenés au présent, à la mort d’Oscar, Ils acquiescèrent tous. Alain regarda Bernard, cligna malicieusement de l’œil, puis murmura

« Elle a traversé nos vies comme un éclair. Et pourtant, son souvenir restera à jamais gravé en nous, n’est ce pas ? »

Ce fut Girodelle qui répondit

« En auriez vous jamais douté ? Allons, racontez moi un peu ce que vous êtes devenus »

Fersen avait été le dernier à détacher son regard de l’inconnue. Finalement, il se resservit, but une gorgée de vin nouveau, piquant, et reprit la parole.

« Commençons par moi, mes amis, car l’histoire sera courte. Vous la connaissez, non ? »

Hans Axel Von Fersen commença alors à raconter d’une voix triste les dix dernières années de sa vie.


A suivre…
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