Auteur : Iria Hits : 3006
Lady Oscar > Fersen Addict > La chemise ensanglantée >
(à titre d'information. J'ai déjà posté sur ce forum sour le nom de Kero.. Mais j'ai oublié mon password -__-'
Bonne lecture)

1788.
Il en est des années comme des nouvelles : Certaines sont des promesses d’avenirs radieux alors que d’autres n’ont à offrir que souffrance et mort. En l’espace de 12 mois Oscar de Jarjayes avait vu s’envoler le mirage d’un amour trop longtemps chéri avant de sentir s’ébranler les fondations d’une amitié qu’elle pensait solidement enracinée. Suite à ces tourments le colonel aux cheveux d’or avait changé de commandement, se voyant affectée au régiment le plus dur qu’il soit, celui des gardes Françaises.
Pour survivre son âme s’était alors endurcie, refoulant toute trace de féminité. Mais le temps se vengeait sur son corps, et en cette année qui aurait mérité d’être maudite, Oscar allait payer un tribu bien lourd. Mais elle ne s’en rendrait compte que plus tard, lorsque le sang de la mort lui brûlerait la gorge.

13 Décembre 1788. Durant toute la journée des larmes de pluie s’étaient abattues sur les toits de la capitale et il avait fallu attendre la fin de l’après midi pour que cessent de tomber les gouttes d’eau. Alors une grisaille brumeuse avait envahit les rues, tellement lourde, poisseuse, que même le léger vent qui s’était levé n’arrivait pas à la dissoudre. Dans ce brouillard cotonneux qui devançait la nuit pour assombrir le ciel Parisien, les clameurs de la ville semblaient comme assourdi par une ouate grise. Les passants murmuraient entre eux, les bruits de leurs pas étaient le seul témoin de leur présence dans cette brume persistante. Seuls quelques gamins riaient, sautant dans les flaques de boue… Oubliant ainsi pour quelques instants la faim qui leur tenaillait le ventre. Au loin on pouvait encore entendre le sourd roulement des roues d’un carrosse sur les pavés mouillés ou les sabots d’un cheval s’enfonçant avec un bruit de succion dans la terre détrempée, qui, par ces temps de pluie, reprenait ses droits au cœur même de Paris.
Dans les coins les plus sombres des ruelles, des hommes se réunissaient, parlant à voix basse. Mais qui aurait pu les remarquer ? Certainement pas les deux cavaliers qui se frayaient un passage au travers du brouillard.

A leur uniforme on reconnaissait des soldats de la garde Française, mais au lieu d’aller fièrement, leurs montures avançaient d’un pas fourbu. Eux même ne semblaient pas en meilleur état avec leurs têtes basses, leurs épaules affaissées, leurs uniformes crottés.
Celui qui venait en tête, un beau soldat blond, très pâle, semblait être le plus exténué des deux et ne tenait plus sur sa monture que par un miracle de volonté. Le visage baissé sur l’encolure du cheval blanc qu’il montait, celui que son uniforme désignait comme colonel paraissait à bout de force. Son camarade, un homme brun aux larges épaules était presque aussi harassé.
Il suivait le soldat blond et ce ne fut qu’après un long moment de silence qu’il leva la tête et regarda autour de lui. Fronçant les sourcils dans une expression réprobatrice le grenadier talonna légèrement sa monture et se porta au niveau de son colonel. Si tout dans son attitude maintenant l’illusion d’un subordonné face à son supérieur hiérarchique ses paroles, elles, étaient bien différentes.

« Oscar, que fais tu ? Ce n’est pas la route qui mène au domaine de ton père »

L’interpellée réagit à la voix familière et tourna la tête de façon à ce que son regard puisse se poser sur son ami. C’était un océan bien houleux qui se dessinait dans les iris si limpides, empli de désespoir, d’appel au secours. En bruit de fond se percevait le ressac d’une lassitude née d’un sentiment d’impuissance abyssal.
Oscar cilla alors et le miroir de ses yeux ne fut plus que le reflet d’une profonde fatigue. De sa voix de contre alto, si chaude, elle répondit à son ami.

« Je n’ai pas envie de rentrer chez nous pour l’instant. Auparavant je veux passer quelques heures dans un estaminet de la capitale.
- Mais voyons Oscar, ce n’est pas sérieux. La semaine dernière tu tenais à peine debout sous l’emprise de la fièvre que t’a donné cette grippe et tu traînes encore cette vilaine toux qui…
- Suffit André ! Je suis assez grande pour ne plus avoir besoin d’un chaperon qui me dicte ma conduite. Si tu veux rentrer, je ne te retiens pas, tu es en permission ce soir »

La réponse avait claquée, sèche, sans appel. Depuis ce moment inacceptable ou André avait porté la main sur Oscar, leurs relations étaient tendues. Elle lui avait pardonné, certes, et déjà entre eux renaissaient ces regards complices qui les unissaient depuis l’enfance, cette intimité ou les mots étaient inutiles que personne, même pas eux, n’étaient parvenus à briser. Mais il suffisait d’un instant, d’une parole, pour qu’un mur invisible se dresse entre eux et crée une barrière les éloignant l’un de l’autre quelques temps.
Avec un haussement d’épaule résigné, André ramena à lui les rênes de sa monture avant de se réinstaller plus confortablement en selle.

« Oh, et puis après tout un verre ne peut pas me faire de mal »

Dit il d’un ton léger, tout en détournant la tête pour qu’elle ne puisse pas lire ses sentiments sur son visage
*Et puis, il faut bien que je t’accompagne. Tu es incapable de veiller sur toi. Que feras tu si quelqu’un remarque tes insignes de colonel ? Au moins ne seras tu pas seule à combattre*

Tous deux avaient parcourus les derniers mètres sans un mot et ils s’apprêtaient à démonter devant l’établissement de « La chopine éraflée » lorsqu’un cri glaça le sang dans les veines d’Oscar.

« L’amant de la reine ! Venez vite, cette fois il ne peut pas nous échapper ! »

Oscar fit volter sa monture sans réfléchir alors qu’André effectuait lui aussi ce geste à la même seconde, ayant deviné les intentions de son amie. Sans même se concerter ils se mirent à galoper en direction des cris et arrivèrent finalement à une petite place. Sous les yeux de l’héritier des Jarjayes apparu alors une scène qui la suivrait jusqu’à sa mort. Une cercle avait été formé par une trentaine d’hommes menaçants : certains portaient des torches, d’autres brandissaient des fourches ou encore des coutelas. Dans tous les regards, concentrés en un seul point, une même haine. Ce point, c’était un homme au centre du cercle. Sans doute avait il été vêtu avec goût, mais ses vêtements étaient à présent déchiquetés. Seule sa chemise semblait encore intacte. Le ruban maintenant en place ses cheveux châtains s’était à moitié dénoué, des égratignures recouvraient le visage ainsi que les mains de l’homme. A sa jambe droite une profonde coupure avait imbibée de sang le tissu de son pantalon blanc.

« Axel de Fersen »

Murmura Oscar, livide.
Tout à leur fureur, les émeutiers n’avaient pas remarqué l’arrivée des deux cavaliers. C’est alors que les choses se précipitèrent. Tandis qu’un homme hurlait :

« A mort le Suédois ! »
Fersen, à bout de force, s’effondrait.
Alors Oscar, n’écoutant que son courage sortit son arme au clair et chargea, brisant le cercle humain. André la suivit juste avant que la marée humaine en forme de piège ne se referme sur eux trois.

A suivre
Review La chemise ensanglantée


Disclaimer .:: géré par Storyline v1.8.0 © IO Designs 2002 ::. Design adapté par korr