« Laisse moi André, laisse moi je t’en prie » hurla Oscar en se débattant.
André venait de se jeter sur elle comme un animal sur sa proie. Cette fois, l’irréparable était commis.
« Mon Dieu Oscar ! Excuse moi, pardonne moi… Mais je ne peux plus garder en moi ce que mon cœur ne cesse de me hurler du fond de moi-même : je t’aime Oscar. Je t’aime depuis si longtemps, je suis resté toutes ses années à tes côtés sans jamais percevoir la moindre chance qui me permettrait de croire en un avenir ensemble. Non jamais aucune lueur… Si tu savais quels tourments j’ai enduré, je souffre tant… je t’aime, je t’aimerai toujours… »
Oscar n’osait plus bouger. Emmitouflée dans les draps de son lit, elle détourna le regard de celui d’André. Ses yeux versèrent des larmes qui l’entraînèrent dans une nuit agitée parsemée de cauchemar.
André l’écrasant par le poids de son corps, s’emparant de ses lèvres. Mais lorsque ses yeux s’ouvrirent ce fut l’horreur et la peur qui la gagnèrent. Ce rêve était bien réel.
Elle se leva, regardant inlassablement son reflet dans le miroir. Il lui renvoyait l’image d’une femme dont le visage était gonflé par les larmes et la chevelure ébouriffée.
La colère l’emporta et d’un coup de poing brisa le miroir. Le sang coulait de sa main et les larmes de ses yeux.
André passa sa nuit à errer dans les rues de Paris, le cœur et l’âme en peine. Une peine interminable, comme une blessure qui ne guérit jamais.
Sa tête n’avait cessé de lui rappeler son acte.
Il se repassait la scène, mais l’issue n’en changea pas.
L’expression qu’avait Oscar en le regardant, pétrifié, ses yeux écarquillés, ses larmes, hantait son esprit.
Il fallait à tout prix qu’il remédie à cette situation pour ne pas en supporter davantage les conséquences.
Rassemblant les dernières forces qui restaient encore en lui, il reprit tranquillement le chemin de la demeure des Jarjayes.
Grand-mère affairé à ses fourneaux eu un sursaut lorsqu’elle vit son petit fils surgir de nul part.
« André ! Ho ! Tu veux ma mort ! Quelle frayeur d’apparaître ainsi devant moi ! »
« Excuse moi Grand-mère »
« Je te cherchais partout mais ou étais tu donc passé ? »
« Je suis venu t’annoncer mon départ... » Fit André d’une voix sereine
« Comment ? Ton départ ? Quel départ ? Mais ou est ce que tu vas ? »
« Je ne sais pas, vers le sud de la France je pense, je n’y ai pas encore songé, mais tout ce que je sais c’est que je souhaite, c’est partir d’ici très vite. »
« Mais pourquoi ? Que ce passe t il donc ? Oscar aussi est parti plus vite que l’éclair et franchement je me fais beaucoup de soucis pour elle, elle paraissait tellement fatiguée et surtout si affaiblie. »
« Oui Grand-mère, je suis responsable de tout cela. Mais à présent tout va rentrer dans l’ordre. »
« J’ai du mal à croire que tu vas nous quitter, et tu penses que je vais me contenter de cela ? Tu vas m’expliquer à présent les raisons qui ont motivées ce départ si soudain. »
« Grand-mère cela ne servirait à rien ne te fais pas de mourons pour moi, tout va bien, je partirais demain matin à l’aube, c’est décidé. »
« Ha non mon petit garçon tu vas rester ici et me fournir quelque explications, crois tu vraiment que je vais te laisser t’enfuir comme ça sans rien faire ? »
« Ho Grand-mère si tu savais… Jamais mon cœur n’aura autant aimé que depuis que j’ai posé mes yeux sur elle… »
« Mais enfin de quoi parles tu ? »
« J’aime… J’aime Oscar Grand-mère… Je crois bien que je l’ai toujours aimé et que jusqu’à mon dernier souffle de vie je n’aimerai qu’elle. »
« HO ! En voilà un aveu des plus troublants. Je me doutais bien qu’il se passait quelque chose entre toi et Oscar mais de la à m’imaginer pareille chose… »
« Oui, c’est pour ça que je dois me résoudre à partir maintenant… »
« Pourquoi ? »
« Et bien, parce qu’en lui avouant mon amour, j’ai commis une erreur irréparable. J’ai réalisé à quel point ma personne ne signifiait rien pour elle. Je suis resté à côté d’elle durant toutes ses années à la protéger, à la secourir lorsqu’il le fallait, mais je suis comme un fantôme à ses yeux, je ne représente rien, je ne suis rien… »
« Mon petit, ce que tu me dis me fend le cœur. Je suis triste de te voir dans cet état. »
« J’ai décidé de mettre un terme à tout cela. Ma vie n’est plus ici, je dois partir, il le faut. »
« Reviendras tu un jour ? »
« Je ne pense pas… Je mènerai ma vie comme je l’entends … »
« Ho André, tu me fais de la peine, écris moi souvent pour me donner de tes nouvelles je t’en prie je n’y survivrai pas autrement… »
« J’essaierai Grand-mère j’essaierai… »
La vieille dame serra très fort André dans ses bras avant de le laisser s’en aller. Il passa la majeure partie de la journée à préparer ses bagages, puis il fit une longue ballade dans le parc qui entourait la demeure. Chaque pas qu’il faisait lui rappela tout les instants qu’il avait pu vivre avec Oscar durant leur enfance. Les larmes ne tardèrent pas à surgir de ses yeux…
« Oh Oscar ! Pourquoi ? Pourquoi ? Je t’aime tant Oscar. » Dit il en se laissant tomber sur le sol
La nuit tomba rapidement. En rentrant, Oscar croisa André dans le couloir ne daignant même pas lui adresser un seul regard, elle monta dans sa chambre. Les notes d’un menuet parvirent aux oreilles d’André qui l’écoutait avec mélancolie.
Au petit matin, avant le lever du soleil, André mit donc son projet à exécution et quitta doucement le château, non sans être allé une dernière fois s’imprégner du visage tranquille et endormie de sa bien aimée.
Oscar dormait à point fermé. André l’observait sans dire un mot. Il se pencha sur elle effleurant de ses lèvres son front, puis s’éclipsa.
Il éperonna son cheval et parti à vive allure…
Grand-mère n’avait pas fermé l’œil de la nuit, elle vit André disparaître à l’horizon derrière un rideau de brouillard.
Au premier rayon du soleil, Oscar se leva, prit son petit déjeuner, fit sa toilette comme tous les jours sans se soucier du moins du monde de l’endroit ou pouvait être André. Elle n’eut même pas remarqué la peine qui se lisait pourtant clairement sur le visage de la vieille gouvernante…
Une semaine. Une semaine s’était écoulée depuis le départ d’André. Rien ne semblait avoir changé dans la demeure des Jarjayes.
Le Général menait à bien ses affaires, s’occupant de ses terres en Normandie, consacrant le reste de son temps à sa vie militaire.
Oscar elle, occupait ses longues journées à travailler sans relâche au service de la Reine partant en mission parfois plusieurs jours. Lorsqu’elle ne battait pas la campagne, elle restait chez elle n’ayant pour seule distraction que la musique de son piano sur lequel elle jouait souvent.
Plus le temps passait, plus les jours mourraient les uns après les autres, plus la peine de grand-mère prenait de l’ampleur.
Elle se calfeutrait dans la cuisine à préparer le repas ou encore à faire des tâches ménagères.
Un matin, Oscar se prépara à partir pour Versailles. Avant de sortir de la demeure, ses yeux balayèrent le grand couloir.
« Tu cherches quelque chose Oscar ? » demanda soudainement Grand-mère
« Oui. André ou est il ? Tu sais cela fais plusieurs jours que je ne l’ai pas vu, alors je me demandais ou il était. »
« Hé bien Oscar pour tout te dire, il est parti… »
« Parti ? Mais où ça ? »
« Il s’est en allé pour de bon Oscar il ne reviendra jamais… » Fit Grand-mère avec des sanglots dans la voix
« Parti pour toujours ? Et sans rien me dire ? On s’est brouillé lui et moi, mais je ne savais pas que notre dispute l’inciterai à plier bagages…. »
« Oui, c’est ainsi Oscar c’est ainsi… » Fit la gouvernante en s’éloignant.
Oscar resta un instant le regard plongé dans le vide.
« Peut être est ce mieux ainsi… » Fit elle doucement
André, pendant ce temps avait parcouru bien des kilomètres depuis Paris.
Il se trouvait maintenant dans le milieu de la france.
N’ayant pas beaucoup d’argent il dormait le plus clair du temps là où le vent l’emportait. Il passait par bon nombre de village et à chaque fois, la même scène de tristesse et de désolation, la misère avait gagné du terrain maintenant elle touchait bon nombre de citoyen.
Bien que son périple lui permit de rencontrer plusieurs personnes, de voir des paysages nouveaux, un seul regard porté au médaillon qui pendait autour de son cou, et toutes ses pensées s’assombrissaient en un instant.
Seul le visage d’Oscar lui apparaissait alors, déclanchant un torrent de larme contre lequel il ne pouvait lutter.
Si sa vie il l’avait laissé derrière lui, son amour, s’accrochait obstinément dans son cœur.
Grand-mère s’asseyait presque tous les jours devant la fenêtre, scrutant l’horizon dans l’espoir de voir revenir son petit fils, mais en vain. Pas la moindre nouvelle de lui depuis son départ.
Un matin, un coursier vint déposer une lettre adressée à Grand-mère.
Décachetant l’enveloppe précipitamment, l’expression de son visage s’obscurcit à la lecture de cette nouvelle.
Un drame venait d’avoir lieu. Cette lettre provenait d’un petit village non loin de Paris. L’écriture était celle de Marie. Marie est l’épouse du seul et unique frère d’André. La misère et la famine les avaient gagnés eux aussi.
Ils ne possédaient plus rien. Pas un sou. Les taxes trop fortes infligées par la Reine, a permis à la petite famille de sombrer doucement dans la pauvreté la plus totale. Marie et Quentin n’avaient qu’un seul enfant à ce jour, Michel âgé de huit ans. Si Marie écrivit à grand-mère c’est parce qu’elle savait que son train de vie pouvait permettre à son enfant de pouvoir survivre dans un monde ou la disette fait rage et qu’il avait une chance de pouvoir modifier le cour de son destin.
C’est ainsi que Grand-mère accepta de garder Michel à l’insu du Général ainsi que d’Oscar, personne ne devait connaître l’existence de cet enfant.
Grand-mère accueilla chaleureusement le garçonnet.
« Allons ne sois pas timide Michel, approche. Fais comme chez toi, tu es ici dans ta maison, je prendrais soin de toi désormais, c’est moi qui veillerai à ton éducation. »
« Merci Madame » répondit modestement Michel
« Appelle moi Grand-mère »
« Oui grand-mère »
« Mon garçon, il faut avant toute chose que je te parle. C’est important. Ta présence ici ne doit pour l’instant pas être connue. Tu dois te faire le plus discret possible. Il faudra user de subterfuge pour demeurer caché. »
« J’ai compris Grand-mère je ferais attention. »
« Oui, je ne voudrais pas que le Général ou Oscar apprenne que je t’ai recueillis »
En rentrant le soir, Oscar comme à l’accoutumée attacha son cheval dans les écuries. Soudain elle sentit au fond d’elle un vide qui se creusait doucement. Son regard s’attarda sur les marques faites au mur. On pouvait y lire OSCAR et ANDRE.
Ils avaient gravé leurs noms et faits des marques dessous pour voir qui des deux grandiraient le plus vite.
Cela fit sourire Oscar l’espace d’un instant se remémorant ses souvenirs de jeunesse. Elle regardait à présent l’écurie. Comme elle était grande si grande à présent, sans le cheval d’André, sans lui.
Poussant un léger soupir, elle chassa ses pensées de son esprit et partie.
Assise à son piano, elle en effleura les touches, mais le referma brusquement. Ce soir rien de bon n’en sortirait.
Elle prit un livre dans la bibliothèque s’assis dans son fauteuil et en lu les premières lignes. Mais décidemment son esprit était troublé.
Jetant le livre à terre, ses poings se crispèrent et elle fini par parler à voix haute.
« Pourquoi André ? Pourquoi ? Tu es parti tel un voleur dans la nuit, tu es un lâche, un lâche, tu n’as même pas pris le temps de me dire au revoir de m’informer des raisons qui t’ont poussé à partir si vite… Ho André pourquoi ? Après tout c’est sa faute, je dois m’efforcer de vivre ma vie sans lui à présent et c’est tout. »
André quitta le milieu de la France pour se diriger au sud. Il voulait se rendre à Marseille, il avait entendu dire qu’on recherchait de la main d’œuvre dans les ports. C’était un bon moyen de pouvoir recommencer une nouvelle vie et de gagner un peu d’argent.
C’est par un matin d’automne qu’il arriva dans la ville. Il en fit le tour et se rendit au port.
Un bateau de marchandise venait de jeter l’ancre et des hommes en déchargeaient le contenu.
André regardait cette foule immense qui se bousculait autour de lui.
« Monsieur excusez moi, j’ai entendu dire que je pourrais trouver du travail par ici est ce vrai ? »
« Comment mon brave ? Tu t’adresses à la mauvaise personne, tu vois le type là bas, c’est lui qui s’occupe de ça. »
« Merci »
André s’approcha de l’homme en question. Il était grand, le visage hâlé, et les yeux sévères.
Son imposante stature l’impressionnait.
« Bonjour monsieur, j’ai entendu dire que l’on embauchait ici ? »
« Oui, tu cherches tu travail ? »
« Oui, je suis prêt à faire n’importe quoi... »
« Et bien si tu travailles ici, faut que tu sois là à l’aube, et j’veux pas de retard. Faudra que tu décharges la marchandise et que tu les charges sur les charrettes. »
« Quelle genre de marchandise déchargez vous des bateaux ? »
« Et bien un peu de tout, de la nourriture, des tissus, il faut travailler dur par ici. Alors mon gars t’est toujours intéressé ? »
« Oui et comment ! Vous m’embauchez ? »
« Oui c’est bon tu feras l’affaire. Mais laisse moi me présenter, je m’appelle Martin Saulnier. »
« Moi c’est André Grandier »
« Alors André vient avec moi, je t’emmène dans une taverne ou nous pourrons discuter un peu, tu me plais bien toi, tu sors de l’ordinaire... »
Les deux hommes quittèrent le port et marchèrent un moment dans la vieille ville pour arriver dans un estaminet à l’enseigne suivante : “la taverne du port“
Ils s’assirent à une table. André assaillis par la fatigue et la faim, fut bien aisé de pouvoir se reposer un peu. Ses lèvres trempèrent bien vite dans la choppe de bière qu’il avala d’un seul trait.
« Hé bien l’ami t’avais soif toi ! Alors raconte un peu d’où tu viens ? »
« De Paris. »
« De Paris ? T’en a fais un long chemin dis moi. Mais pourquoi partir d’une aussi jolie ville pour venir chez nous ? »
« Je voulais tout quitter, j’avais envie de tenter ma chance ailleurs. »
« Ha je vois, tu changes de vie en quelque sorte ? »
« Oui »
« Tu n’es pas bavard l’ami ? C’est une qualité car trop parler n’est pas toujours bon. »
« Merci pour le verre, maintenant je vais aller me reposer, je vous dis donc à demain. »
« A demain, aux aurores n’oublie pas... »
André pris une chambre dans une auberge pittoresque. Couché dans son lit, il faisait pendre le médaillon entre ses doigts. Le visage d’Oscar se planta là, devant ses yeux comme une lumière éblouissante.
Il pensait à elle à chaque instant. Pas un moment depuis son départ de Paris n’était passé sans qu’elle n’hante la moindre de ses pensées. A chaque fois que son doux visage souriant comme un ange lui apparaissait, les larmes coulaient de ses yeux inlassablement, tout doucement…
Il s’endormit le cœur lourd et les paupières mouillées…
Le jour se leva laissant pénétrer les rayons du soleil dans la chambre d’Oscar.
La nuit avait été mauvaise. Son corps reflétait à lui seul l’agitation d’un sommeil inexistant qui lui avait valu de beaux cernes sous les yeux.
Elle partie rapidement pour prendre son service auprès de la Reine.
Sa maigreur faisait peine à voir. Cela faisait quelque semaine qu’Oscar avait subi une perte sévère de poids, refusant de s’alimenter correctement, prétextant n’avoir pas de temps suffisant pour une collation digne de ce nom.
Sa mauvaise mine fut bien vite remarqué de tous y compris de la Reine..
« Colonel ! Etes vous souffrant ? Je m’inquiète à votre sujet. Vous êtes si pâle et il me semble que votre taille s’est affinée depuis quelques temps ? »
« Que votre majesté ne prête pas attention à cela, je suis un peu fatigué, c’est tout. »
« Ha mon ami, il n’est point question que vous vous tuez à la tâche, je vous sommes de prendre quelques jours de repos et ainsi vous me reviendrez en pleine forme. »
« Mais votre majesté ?... »
« Il n’y a pas de mais Colonel, allez, allez vous reposer... »
« Bien, votre majesté, permettez que je me retire... »
Oscar rentra donc au château. Après avoir pris un bain, elle s’observa devant le miroir de sa chambre.
La femme qui se dessinait devant elle semblait sortir d’un conte d’épouvante. Sa peau laissait entrevoir ses os. Son visage creusé par la fatigue ne manqua pas de souligner les cernes sous ses yeux. Elle regardait son image avec le dégoût le plus total. Elle s’était métamorphosée. Elle réalisa que son état n’avait cessé d’empirer depuis qu’André était parti.
« Non, se disait elle, Non ce n’est pas à cause de lui que je suis devenue ainsi, tu es fatigué Oscar, tu es fatigué... » Se força elle à répéter.
Mais l’image provenant du miroir ne fit qu’accentuer un chagrin bien présent en elle, ses yeux versent d’innombrables larmes.
« Que m’arrive il ? Pourquoi est ce que je m’effondre ainsi ? Il n’y a pas de place pour la faiblesse dans le monde ou je vis. Non il n’y a pas de place pour cet instant de vulnérabilité »
Elle plongea dans les draps s’en recouvrant jusqu’à la tête comme pour cacher ce corps dont elle avait honte.
Les battements de son cœur s’accélérèrent s’harmonisant aux larmes qui roulaient sur sa joue. Pourquoi tant de tristesse ? Pourquoi le chagrin enfouie au fond d’elle resurgit il si violemment ? Elle ne comprenait pas d’où pouvait provenir sa soudaine déprime, son naufrage dans un gouffre duquel elle n’entrevoyait aucune sortie. L’image d’André vint soudain éclairer ses pensées.
« André ! André tu me manques tant ! » Fini elle par avouer en s’endormant.
Les mois s’écoulèrent et décembre se profilait bientôt.
Oscar continuait tant bien que mal à assurer son service auprès de Marie Antoinette.
Grand-mère s’occupait de Michel qui lui accaparait beaucoup de temps.
Toutes ses heures qu’elle consacrait au petit garçon ne suffisait pas à l’empêcher de penser à André. Pas de nouvelle, rien...
Un matin, une lettre arriva enfin. Grand-mère la prit dans ses mains et en regardant l’écriture elle reconnu celle de son petit fils.
Elle alla rapidement s’enfermer dans la cuisine pour être au calme. Les battements de son cœur se mirent à s’accélérer.
« Ho André enfin ! Enfin tu me donnes de tes nouvelles... » Fit Grand-mère dans un soulagement
Elle décacheta l’enveloppe.
Ma Chère Grand-mère,
Comme promis, je t’envoie cette lettre afin de te rassurer sur mon sort.
Je vais bien et suis libre à présent de faire ce que bon me semble.
J’ai parcouru bon nombre de kilomètre et je me trouve à présent dans le centre de la France.
Tu ne peux pas t’imaginer comme la misère qui y règne est grande.
Les gens meurent de faim, se battent pour un bout de pain...
Il me faut à présent bâtir une nouvelle vie. Je m’efforce de trouver du travail mais les temps sont durs.
Je n’hésiterai pas à repartir d’où je suis pour parvenir à mes fins.
Tu t’en doutes bien je ne souhaites pas que tu parles de cette lettre à Oscar, elle n’a sans doute que faire de mon devenir... J’espère simplement qu’elle se porte bien et qu’elle est heureuse...
Prends soin de toi, je t’embrasse Grand-mère et je t’écrirai bientôt...
Ton Petit Fils qui pense fort à toi,
André Grandier
Les yeux humides de larmes Grand-mère sembla soulagée de constater que son petit fils allait bien.
Un matin alors qu’Oscar était de repos, elle décida pour se changer les idées d’aller se promener dans la forêt qu’elle et André avaient l’habitude d’emprunter lorsqu’ils étaient enfant.
Marchant jusqu’au vieux chêne elle s’assis à son pied les genoux recroquevillés son menton reposant dessus. Elle songeait. Son esprit vagabondait au temps ou André et elle était enfant. C’est près de ce vieux chêne qu’ils avaient faillis se blesser très gravement au cours d’un duel à l’épée.
En un instant ses yeux se baissèrent regardant le sol.
Une main se posa brusquement sur son épaule.
« Vous êtes triste ? » lui demanda un petit garçon pas plus haut que trois pommes, aux cheveux bruns courts.
« Oui, je suis triste petit... » Répondit Oscar dans un soupir
« Ma grand-mère aussi est triste... »
« Ca arrive souvent que l’on soit peiné tu sais petit... »
« Oui, Moi j’ai du chagrin, mon oncle est parti, il n’a pas donné de nouvelle à Grand-mère... »
« Oui, moi aussi j’ai perdu un être cher qui n’a pas non plus donné de nouvelle... »
« Grand-mère a repris courage, elle a reçue une lettre ce matin... »
« C’est bien elle doit être heureuse... »
« Oui, mais elle pleure tout le temps parce qu’elle voudrait qu’il revienne... »
« Je sais, moi aussi je voudrais qu’André revienne, oui qu’il revienne... »
« André ? Mon Oncle aussi il s’appelle André... »
« En voilà une drôle de coïncidence... »
« Il se fait tard je dois rentrer à présent, à bientôt... »
Le petit garçon s’éloigna sous les yeux tristes d’Oscar dont la peine augmentait de jour en jour.
L’image d’André était gravée au fond de son cœur, de son âme… Elle se résigna à rentrer au château.
Fixant ses yeux par la fenêtre, elle réalisa soudain que le sentiment qui l’animait depuis quelques temps, n’était autre que de l’amour.
Un amour sans limite, qu’elle portait à André.
Cet amour qu’elle a pris soin d’étouffer sans jamais daigner montrer le plus petit sentiment à l’homme qui lui a voué sa vie…
Ce mal qui la rongeait restait prisonnier tout au fond de son cœur, et maintenant qu’elle avait enfin ouvert les yeux, il était trop tard…
« Ho André pardonne moi, pardonne moi, j’étais aveugle, aimer sans le savoir est une forme de trahison… Je n’ai jamais lu dans tes yeux tout l’amour que tu voulais me donner, ce sentiment fort qui petit à petit t’a consumé, et moi, moi j’ai détruis tout sur mon passage… Ho André, pourras tu un jour me le pardonner ? »
Cet aveu, ne lui valu qu’une nuit entière à pleurer seule au fond de son lit, désespérée… |