« Hé ! Attends-moi !
-Chut ! Si ton père nous entendait, on aurait une sacrée punition. On n’a pas le droit d’être là.
-Je sais qu’on n’a pas le droit. Mais je veux savoir ce qu’il cache dans ce grenier. »
André poussa la trappe au dessus de sa tête. Un nuage de poussière vola, manquant de le faire éternuer. Oscar pinça rapidement le nez d’André.
« Merci, dit-il en se frottant le nez, mais qu’est ce que tu peux être brute pour une fille.
-Prononce encore ce mot et je te passe au fil de mon épée »
Il secoua la tête. Pour Oscar, les mots fille ou femme étaient tabous. Ca faisait deux ans qu’il habitait chez les Jarjayes, et il ne comprenait pas tout.
« Tu viens, ou tu dissertes sur le bon usage de la force.
-J’arrive. J’espères que ça vaut le coup . »
Le grenier était très poussiéreux .
Un bric-à-brac digne de l’armurerie des Gardes Royales s’amoncelait jusqu’au plafond : Des épées, de la plus simple à celle incrustée de pierreries, des cartouches de toutes époques et de tous calibres dans leurs boîtes respectives, des mousquets, des fusils, des pièces détachées…
Une fenêtre laissait passer un rayon de soleil qui se posa sur un coffre d’acajou verni. Les enfants l’ouvrirent doucement. Les charnières grincèrent. Sur de vielles tenues du Général se trouvait un livre ancien, relié de cuir. Poussée par la curiosité, Oscar le prit et l’ouvrit.
Une écriture fine courrait sur les pages. Sur la première était écrit « Ascension des Jarjayes »
« Sûrement un livre sur mon père.
-Non, ce n’est pas son écriture
-Que crois tu que ce soit alors ?
-Lis, et on verra »
En 1504, Rainier, saigneur de Jarjayes s’engagea comme Capitaine dans les Gardes Françaises. En 1515, il fut appelé par le Roy François qui menait des conquêtes vers le Duché de Savoie. Cette année, l’armée s’appéter à passer par les Alpes, pour prendre l’adversaire par surprise.
Les soldats s’engagèrent dans un étroit défilé quand des flèches volèrent dans leur direction. Impossible de faire demi-tour, le passage était bloqué des deux côtés. Le Roy souffla dans son cor pour rassembler ses troupes encore sur pieds quand une flèche l’atteignit.
Aussitôt, le Capitaine de Jarjayes se porta à son secours
« Je connais un passage pour sortir le Roy, mais les soldats devront couvrir sa fuite
-D’accord dit un Général, guidez-nous, je fais passer l’ordre »
Le Capitaine de Jarjayes conduisit le Roy jusqu’à son village.
Sa majesté s’évanouit quand ils arrivèrent au pied du château. Il fut porté dans la chambre du maître.
Lorsqu’il se réveilla, le Capitaine de Jarjayes donnait des ordres pour le confort de Roy. Quand il s’aperçu que ce dernier avait repris connaissance, il s’approcha.
« Votre majesté désire quelque chose ?
-Non, rien pour l’instant… Sauf savoir vos nom et grade
-Rainier de Jarjayes, Capitaine des Gardes Françaises, dit-il en faisant le salut militaire.
-Et bien mon Capitaine, je vous dois certainement la vie . de plus, le Colonel des Gardes Royales Prégore est décédé au combat, j’aimerais que vous preniez sa place.
-Ce serait un grand honneur, majesté »
Quand le Roy fut parfaitement rétabli, les troupes reprirent la route vers Turin. Après une très courte bataille où s’illustra le Colonel de Jarjayes, les Français entrèrent dans la ville en vainqueurs et les Italiens craignait un saccage de la ville. Mais le Roy fut tellement ébahi des beautés que recelait la cité alpine qu’il interdit le pillage. Quand il demanda au Duc de Savoie d’où venaient tant de richesses, il fut étonné d’entendre parlé de Florence, cette ville qui était à la botte de Pise. La ville portuaire était sous contrôle d’une famille de notables très puissants, les Médicis.
Il décida d’y aller avec son armée
« Majesté, vous devriez y aller en ami et laisser les soldats se reposer ici
-Très bien. Vous m’accompagnerez, ainsi que mes généraux
-A vos ordres, je vais les prévenir »
La petite troupe française passa dans plusieurs petits villages, dont Vinci. Là, un grand homme avec de longs cheveux et une barbe blanche lui conférant l’aspect d’un vieux sage expliquait l’usage d’un costume permettant d’aller sous les océans
« Curieux bonhomme, remarqua le Roy. Nous aurions le temps, j’irais lui parler ; nous verrons au retour. »
A Florence, ils prirent pleine conscience de ce qui s’appelait la Renaissance. Des David, des Cènes sublimes…
«J’aimerais tellement rapporter la beauté de Florence en France, soupira le Roy.
-Invitez des artistes à venir en France et faites construire vos nouveaux château sur le modèle antique, suggéra le Clonel de Jarjayes »
Le Roy se retourna vers lui :
« J’ai des terres en Normandie, et je n’arrive plus à les gérer , avec mes fonctions de Roy ; je vous les confie »
Un bruit attira l’attention des deux enfants. André ferma vite le livre et le replaça. Il eut juste le temps de fermer le coffre avant que le Général apparaisse par la trappe
« Mais que faites vous ici ? »
Son expression changea quand il vit le coffre.
«Vous l’avez trouvé. Le livre est-il dedans ?
-Quel livre ? Fit Oscar faussement étonnée.
-Il y a dedans un livre racontant l’histoire des Jarjayes, on ne peut le lire qu’une fois et seuls les Jarjayes peuvent le faire. Maintenant, sortez, ce grenier est plein de poussière. »
Et il sortit.
« Oscar, ton père a dit que seuls les Jarjayes pouvait lire le livre, pourtant, je l’ai lu et je ne suis pas un Jarjayes.
-C’est des bêtises. La preuve, le livre est là dit Oscar en ouvrant le coffre »
Il n’y était plus. |