Chapitre 1
Deux semaines s’étaient écoulées depuis le fameux dîner. Deux semaines s’étaient écoulées depuis l’arrivée de Nicolas dans sa vie. Deux semaines … Déjà ! Que le temps a passé vite ! C’est étrange comme l’arrivée d’un nouveau membre dans une famille peut soudainement redonner un sens à une vie.
Pour permettre un rapprochement entre elle et le nouvel arrivant, Oscar avait décidé d’annuler sa tournée des fabricants d’armes et de la reporter à l’été. Elle les avait d’ailleurs informés par courrier.
Lucille, la mère biologique de l’enfant, avait décidé de s’installer quelques temps chez sa petite sœur pour favoriser l’adaptation du petit à son nouvel environnement. Les autres sœurs quant à elles étaient tour à tour repartit chez elles après quelques jours passés au château.
Que de bonheur au château Jarjayes depuis l’arrivée du bébé Nico ! Grand-mère se rappelait les bons souvenirs d’antan et n’hésitait pas à remarquer chaque similitude entre l’adorable poupon et les enfants Jarjayes qu’elle avait si soigneusement élevés jadis : son doux rire, son regard fougueux lorsqu’il désirait quelque chose et surtout sa grande curiosité qui l’amenait à vouloir toujours tout essayer. Ma foi, c’était bien un Jarjayes !
Depuis la venue de Nico, Madame de Jarjayes avait le cœur moins lourd. Son attitude de veuve attristée s’était peu à peu dissipée et elle ne manquait pas un moment se s’occuper du nouvel arrivant.
Contrairement au trois femmes qui cajolaient le bébé si ouvertement, Oscar tenait à rester une figure d’autorité dans la maison et s’empêchait de succomber ne serait - ce qu’un moment à ces éclats de tendresses qu’elle jugeait trop féminins.
Toutefois, lorsque tout le monde s’était couché, Grand-mère avait remarqué que ‘l’infaillible’ Oscar entrait dans la chambre de Nicolas et s’amusait à toutes sortes de petits jeux enfantins avec lui. Grand-mère n’avait jamais osé la confronter sur le sujet. De toute manière, elle aurait tout nié.
Deux semaines s’étaient bel et bien écoulées dans la joie et la gaieté. Mais comme toute bonne chose n’est pas éternelle, la période de deuil tirait à sa fin. Il était grand temps pour Oscar de retrouver la Garde.
La période des fêtes allait commencer. C’est une période toujours très achalandée à Versailles et bien entendu la présence du colonel de la Garde Royale serait requise pour veiller à la protection de la reine lors des nombreux bals donnés en cette saison.
Oscar s’était levée à contrecœur ce matin. Bien qu’elle s’était bien reposée durant son temps d’absence, elle n’avait pas très envie de retourner au travail. Victor serait là.
Depuis le fameux dîner, ils ne s’étaient pas parlés. Il n’était pas revenu au château; elle n’avait pas cherché à le voir. Les choses entre eux étaient restées ambiguës.
Ainsi, s’est avec appréhension que Oscar entama sa première journée de travail. Ses hommes, heureux de son retour, l’avaient accueillie très chaleureusement à son arrivée, et la journée s’était bien déroulée.
À son grand soulagement, Victor ne lui avait pas adressé la moindre parole sur leur soi-disant ‘fiançailles’. Elle ne lui avait d’ailleurs pas donné l’occasion. Durant toute la journée, elle s’était arrangée pour ne jamais être seule avec lui. Son plan avait fonctionné, ils ne s’étaient échangés que des mots relatifs à leur travail.
La journée terminée, Oscar était restée tard à son bureau histoire de se mettre à jour lorsqu’on cogna à sa porte.
- Entrez !
Oscar fut innocemment étonnée de voir Victor s’introduire dans son bureau. Elle avait espéré à tort qu’il avait tourné la page sur leur histoire mais sa présence devant elle en ce moment ne pouvait que lui confirmer le contraire.
Oscar ne pouvait plus l’éviter maintenant. Le temps était venu pour elle de rendre des comptes.
- Bonsoir lieutenant. Que puis-je faire pour vous ? Dit-elle en essayant de paraître calme.
- Voilà colonel, je désire être transféré à la Garde du Roi sous les ordres du général de Gentroie et j’aurai besoin de votre approbation.
Puis il lui remit un document officiel pour qu’elle y appose sa signature.
Oscar était bouche bée. Elle s’attendait à tout sauf à ça ! D’autant plus que le travail en question était celui de simple gendarme. Il s’agit là de toute une dégradation ! Inacceptable pour un homme de sa qualité ! Pourquoi n’attendait-il pas qu’un poste de plus haut niveau se libère ? Il y en aurait sûrement quelques-uns de disponible en janvier. Mais non, il préférait un transfert immédiat au lieu de passer quelques semaines avec elle.
« - Victor, se dit-elle, se peut-il que je vous ai fait tant souffrir ? Croyez-moi, je n’ai jamais voulu me jouer de vous. »
Voyant qu’Oscar prenait du temps à répondre, Girodelle demanda :
- Colonel, acceptez-vous ma démission ?
- Euh…Oui bien sur. Acquiesça-t-elle en signant le document. Bien qu’il m’attriste de perdre un partenaire de si grand talent, je respecte votre décision lieutenant et j’accepte votre transfert.
Girodelle pris le document et était sur le point de s’en aller lorsque Oscar l’interpella.
- Victor ! Le général de Gentroie est un ancien ami de mon père. J’irai le voir personnellement et je tâcherai à ce que vous obteniez un poste de direction.
- C’est trop d’honneur, répondit-il.
Puis il sortit du bureau sans même jeter un dernier coup d’œil sur cette femme qui depuis des années n’avait cessé de troubler son sommeil. |