****************************************************
L’orage gronde et le ciel pleut des averses en plein été. Le poète lit de la colère et des pleurs d’un cœur meurtri, le peintre voit un croquis immortalisé dans une toile en aquarelle, le musicien écoute la mélodie de l’hiver, le sans abri ressent une menace face à laquelle il doit s’abriter, l’amoureux imagine sa moitié à ses côtés bien au chaud, le solitaire partage ses sentiments avec le temps, le pauvre espère un meilleur toit pour ses enfants, le riche peste de ne pouvoir nager dans sa piscine, l’agriculteur se soulage pour ses terres arides, l’enfant s’émerveille les yeux rivés sur les flaques d’eau, le conducteur concentre sa vigilance… et le commun des mortels navigue sur le net, presque totalement indifférent à ce qui l’entoure… un seul évènement soulève tant d’aspects… et ce même évènement peut être bon et mauvais à la fois… Il en est de même pour chaque manifestation de la vie, qui tantôt réunie les âmes, tantôt les sépare… mais si les visions, les points de vues et les avis divergent par nature des hommes, les cœurs doivent pouvoir converger vers le pilier du bien : l’humanisme. Hélas, l’aveuglement et l’ignorance des uns, forts nombreux, sèment le trouble à travers les continents, divisent les races, et mêmes les individus, et ainsi font perdre la force bienfaitrice qui sommeille en chacun de nous.
Dans un monde idéal, on peut imaginer le riche qui s’ennuie avec toute sa fortune qui fera vivre des générations entières après lui, prit soudain d’une idée folle mais au combien humaine. Il s’engage à bâtir un grand jardin d’hiver, où les gens puissent se retrouver quel que soit le temps qu’il fait. Il engage les agriculteurs et les jardiniers pour la plantation végétale, les vitriers pour le montage, les peintres pour décorer les grandes vitres, il peut même y ajouter une piscine d’intérieur si ça lui chante, un havre de paix où chaque contribution est une créativité différente de la routine habituelle, les musiciens et autres artistes animeront les fêtes improvisées et partagent leur talent, les gens partagent de la nourriture et feront gouter leur délices, les pauvres se feront aidés par une collecte, les rencontres se feront en dehors du virtuel, les enfants grandiront dans un entourage très humain et conviviale, où les barrières sociales et individuelles n’existeront plus.
Mais dans le meilleur des mondes, il n’y a pas de place pour la générosité et le partage, c’est chacun pour soi. Il n’y a pas de place pour la créativité, c’est le sophistiqué et le superficiel uniforme qui priment. Il n’y a pas de place pour les rencontres, si ce n’est les sombres fêtes de nuit alcoolisées pour les plans d’un soir. Il n’y a pas de place pour le talent individuel sous les projecteurs, il n y’a que les icones de stars du show business qui dominent. Dans ce meilleur des mondes, si tu ne signes pas un pacte avec les ténèbres, tu demeureras à jamais coincé dans les bas étages.
- Pauline !
- Oui maman !
- Le diner est prêt, descends !
- J’arrive…
Tirée de mes réflexions, je quitte ma fenêtre pour rejoindre la table. Mes deux frères ne sont toujours pas descendus, en dépit des appels répétitifs de ma mère, sans doute absorbés par Facebook. Mon père vient comme d’habitude grignoter ce qu’il peut et retourne se coucher épuisé. Et ma mère qui fait son possible pour surmonter la routine des corvées ménagères, se sent frustrée de la situation. Le souvenir d’un repas en famille bien heureux et réuni remonte à tellement loin…
De retour dans ma chambre, je n’arrive point à fermer l’œil. Je me demande ce que serait ma vie, si je n’avais jamais su ce qui se trame au-delà de ce que l’on voit. Je me sens comme tiraillée entre deux mondes opposés bien confondus. J’ignore si j’aurais préféré ne jamais rien découvrir. Que font ces autres qui se retrouvent comme moi face à ces deux pilules de la matrix ?
*************************************************** |