AMOUR
La neige tombait à gros flocons. Un brouillard épais régnait dans les immenses jardins. On ne voyait pas à deux mètres devant soi. La nuit était noire et aucune étoile n’était visible tellement les nuages étaient abondants. Le vent glacial soufflait dans les branches des arbres sans feuille faisant tournoyer les rameaux comme des bras étranges. La vie semblait avoir disparu depuis longtemps. Le seul bruit audible étant celui de la tempête qui faisait rage.
La neige étalait son long manteau immaculé. Pourtant, des traces évidentes étaient marquées sur le blanc parfait.
Quelque chose avait rampé là.
Quelque chose ou quelqu’un…
Oscar avançait péniblement à travers les jardins méconnaissables. Elle ne voyait rien et ses jambes, engourdies par le froid glacial de l’hiver, l’avaient abandonnée depuis longtemps déjà. Elle rampait avec la seule force de ses bras.
Sa peau était aussi blanche que les flocons célestes et ses lèvres bleues de froid ne pouvaient prononcer aucun mot.
Elle progressait lentement. Les larmes qui avaient tantôt coulé sur son visage avaient creusé des galeries sombres sur ses joues. Ses yeux, rouges et humides, tenaient à peine ouverts.
Elle était épuisée. Sa vie n’avait plus de sens…
André. André avait disparu.
Depuis si peu et pourtant si longtemps. Elle ne pouvait pas vivre sans lui. Elle avançait dans le froid. Mais elle n’avait plus qu’une idée en tête... Mourir.
André était parti quelques jours plus tôt à travers les immenses jardins de Jarjayes. Il était tard et la nuit était déjà tombée. Le froid, comme ce jour-ci, était abominable.
André n’était pas revenu.
Oscar avait compris. André était… Mort…
Mort. Mort de froid dans cet univers de glace et de ténèbres… Mort dans cette unité de blanc… Mort dans la pureté immaculée qu’est la neige.
Oscar n’avait même plus la force de pleurer.
Un cri.
Un gémissement.
Un hurlement qui n’avait rien d’humain.
Un hurlement qui n’avait rien d’animal.
Oscar se figea complètement. Complètement pétrifiée.
Face à elle, se tenait une bête. Un loup. Non… Bien plus gros qu’un loup.
Un lycanthrope.
La bête s’avança doucement vers Oscar. Elle se figea à quelques mètres de la jeune femme. Stupéfaite, Oscar souleva à peine la tête. Sa fatigue avait été remplacée par la peur. Elle releva un peu plus la tête et s’assit difficilement. La bête ne bougea pas.
Alors, avec dieu seul sait pourquoi, une force mystérieuse la poussa à se lever entièrement. Elle plia les genoux et se mit debout avec peine.
La bête n’avait toujours pas bougé.
Oscar était debout. À quelques mètres du lycanthrope.
Elle avança d’un pas, la bête ne bougea toujours pas. Oscar fixait ses yeux. Ses yeux si étranges… Qui s’étaient allumées de milles feux dès qu’elle s’était levée. Des yeux brillants et lumineux.
Des yeux d’un vert éclatant.
Des yeux étrangement humains…
« André ? »
Oscar avait encore avancé. La bête…. Non, c’était impossible… Cela ne pouvait pas être…
« André ? C’est toi ? »
Oscar tendit la main vers la fourrure noire de la bête. Puis ses yeux se plissèrent. Une éclatante lumière venait d’apparaître. Elle tenta de garder les yeux ouverts, mais la lumière blanche était trop violente.
Pourtant, elle jura avoir vu une larme couler le long du museau de la bête.
Oscar rouvrit les yeux difficilement. La lumière avait cessé. L’obscurité avait repris sa place.
Elle était étendue dans la neige. Contre un corps chaud et haletant.
André.
Oscar regarda André se relever. Il lui sourit, une larme bien visible le long de sa joue. Oscar bondit sur lui et le serra de toutes ses forces.
André était là.
Vivant.
Son André était là.
Ils s’enlacèrent tendrement. Et ne se relâchèrent plus. Ils s’étaient trouvés.
C’était le 14 Février 1787.
Des milliers d’étoiles recouvraient le ciel.
FIN |