CHAPITRE 1 : La mission
Il était encore tôt ce matin au Château de Versailles, rien ne venait troubler en apparence la quiétude des lieux. Alors que le soleil se levait timidement pour réchauffer de ses rayons la nature encore endormie d’un hiver passé, des pas se firent entendre dans les couloirs du château. Nettes, réguliers, pour s’arrêter devant les appartements du Roi.
- « Veuillez prévenir sa majesté de ma présence, il m’attend »
Sous le ton péremptoire employé, le domestique courba l’échine et se dépêcha de prévenir le roi.
- « Majesté, le colonel de Jarjayes est arrivé. »
- « Bien, faite le entrer et veiller à ce que l’on ne nous dérange pas»
Le domestique s’inclina et introduisit le colonel dans les appartements royaux. Celui-ci, le port altier le regard droit, s’avança jusqu’à la hauteur du roi pour s’incliner, genou à terre en signe d’allégeance.
- « Colonel de Jarjayes Majesté, vous m’avez demandé »
- « Relevez-vous Colonel. Je sais que vous étiez de garde au bal la nuit passée, mais l’affaire dont je dois vous entretenir est de la plus haute importance »
- « Majesté, mon devoir est de vous servir et ce quelque soit l’heure »
Un demi-sourire s’afficha sur le visage du monarque. Il l’a regardait avec une telle intensité qu’Oscar en éprouva de la gène. Etait ce de l’admiration, mêlée à de la compassion. Pourquoi ? Pourquoi ce regard insistant posé sur elle ? Qu’avait elle encore fait ou qu’allait elle devoir faire ? Tout à ses réflexions, elle ne ce rendit pas tout de suite compte que le roi avait changé de place. Il se tenait à présent devant la fenêtre, mains dans le dos, absorbé dans la contemplation de moineaux s’afférant sur les pelouses encore blanches du givre matinal.
- « Savez-vous qui est Charles de Beaumont Colonel ? »
A cette phrase, Oscar eu un mouvement de surprise qu’elle réprima très vite.
-« Oui Majesté, il était un des agents secrets de feu Louis XV, plus communément appelé le Chevalier d’Eon. Il à reçu la distinction de l’ordre royal et militaire de Saint Louis. De physique androgyne, il a toujours laissé planer le doute quand à sa vraie nature, il apparaissait d’ailleurs le plus souvent sous des atours féminins. A ma connaissance il vivrait toujours en Angleterre. »
- « Savez-vous pourquoi ? »
- « Et bien il était ministre pour l’ambassade de France en Angleterre, puis secrétaire à l’arrivé du nouvel ambassadeur. Une mésentente naquis entre les deux hommes ce qui à poussé Louis XV à extradé Beaumont, extradition refusée par l’Angleterre si je ne m’abuse. »
- « C’est exacte colonel, en tout cas pour ce qui est des grandes lignes. Mais à présent qu’il est redevenu simple particulier Beaumont prend plaisir à divulguer certains secrets d’Etats. Il y a quelques mois maintenant, il nous a menacé de dévoiler la correspondance échangée avec mon aïeul et de ce fait, le projet de débarquement contre l’Angleterre qu’ils avaient élaboré. En saisissez-vous les conséquences Oscar ? »Fit-il en se retournant pour la fixer du regard.
Oscar opina du chef. Sur ces entrefaites le comte de Broglie fit son apparition par l’une des portes dissimulées, l’air grave et soucieux. Oscar remarqua qu’il portait toujours ses habits de soirée, il était donc arrivé quelque chose cette nuit. Il se dirigea vers le monarque, tenant dans sa main droite une sacoche de cuir, il ne prit même pas la peine de saluer Oscar. Elle fulmina, toujours aussi aimable celui là, pensa-t –elle. Louis XVI s’adressa à De Broglie.
- « Tous est arrangé ? »Le comte acquiesça, « Bien, (s’adressant de nouveau à Oscar) il y a 7 mois nous avons envoyé Monsieur De Beaumarchais en Angleterre, afin de négocier avec Beaumont et cette nuit nous avons reçu une missive par coursier, celle-ci ne présume rien de bon, aucun accord n’a pu être trouvé pour le moment.
Le roi marqua une pose, il semblait chercher ses mots ou hésitait, Oscar n’aurait su le dire.
-« Vous allez donc partir pour l’Angleterre, porter main forte à Beaumarchais. Au vu de vos… humm secrets similaires, en plus de votre dévouement à la couronne, nous pensons que vous saurez vous rapprocher suffisamment de lui et finir par le faire plier. » Sur cette phrase les deux hommes eurent un regard de connivence, ce qui n’échappa pas à Oscar et qui ne lui plu pas.
- « Quand dois-je partir ? » De Broglie prit alors la parole.
- « Un bateau en partance de Londres lève l’encre demain à 8h00 au port de calais. Un carrosse viendra vous prendre à Jarjayes à 9h00, vous avez donc 3 heures pour vous préparer. Bien entendu vous partez seule et bien sûr pas un mot à quiconque. »
- « Cela va de soit Monsieur » répondit Oscar, les poings serrés, le regard glacial. Il la prenait vraiment pour une novice et cela l’exaspérait au plus haut point.
- « Tenez, (le comte lui tendit la sacoche) vous y trouverez les laissez-passer et indications nécessaires. » Il marqua une pose puis repris.
- « Monsieur votre père vous tient en très grande estime, Oscar, à vous de prouver que vous la méritez. Ne revenez qu’avec ces correspondances. Si vous n’avez pas de questions vous pouvez disposer. »
Oscar salua et prit congé. Elle rageait, quel maraud, comment osait-il ? Plus elle côtoyait cet homme et plus elle en ressentait de l’aversion. S’il ne dirigeait pas le cabinet noir elle l’aurait volontiers passé au fil de son épée. La porte se referma laissant les deux hommes seuls.
- « Vous pensez qu’il était préférable de lui taire ? fit Louis XVI, se redirigeant vers la fenêtre, la mine contrariée, « Oscar est fière et n’a pour directive que son honneur. »
- « Comme vous le dite Majesté, son honneur. Pensez vous qu’elle aurait accepté si non ? Une fois là- bas elle avisera et son honneur lui interdira de revenir sans cette correspondance. C’est le sort de la France qui se joue. »
-« Certes, vous avez raison Monsieur, mais je considère Oscar comme une amie et cela me peine ». |