Pour toi ma rose de Noël.
Le carrosse avançait tranquillement en direction du théâtre. Oscar en compagnie d’André, profitait de ce répit pour fermer un bref instant les yeux et savourer ce moment de calme lorsque que l’attelage s’arrêta brusquement. Surprise, Oscar redressa la tête et observa autour d’elle se demandant la raison pour laquelle ils avaient stoppé leur route alors qu’ils n étaient pas arrivé à destination. Mais avant qu’elle n’ait pu s’enquérir plus précisément du problème, les vitres du carrosse volèrent en éclats et des mains puissantes, étaux de chaire et de sang forgés par la misère, la faim et la haine s’emparèrent violemment des occupants avant même que ceux-ci n’eurent le temps d’effectuer le moindre mouvement de défense. Tout un groupe d’hommes et de femmes armés de pic, de morceaux de bois scandaient, crachaient, hurlaient à l’unisson leur hargne contre la noblesse source de tous leurs malheurs.
- A mort les nobles ! A la potence ! Chiens de la royauté ! A MORT ! A MORT !
Le carrosse tanguait, les chevaux piaffaient et les occupants tels de vulgaires brindilles furent arrachés à la tranquillité de leur voiture. Oscar se débâtait, hurlait sentant son cœur se serrer d’effroi imaginant le sort réservé à son ami.
- Noonn pas André ! Non il n’est pas noble ! Laissez-le ! NNNNOOOOONNN !
Son cœur se noyait, suffoquait, inondé par ces larmes de sang provoquées par la plaie béante sur son crâne où une barre de fer était venue le caresser de son tranchant. La vue troublée par ce coup et les larmes, Oscar ne vit pas son ami le visage ensanglanté, les poings liés et la corde autour du cou, mais elle sentit deux bras puissants la soulever alors que la masse humaine voulant la tuer s’évaporait. Etait-elle déjà morte pour ne plus sentir ce poids sur son dos, ces coups sur son corps.
- Oscar ! Oscar ! Répondez-moi mon amie. Oscar !
Où était-elle ? Est cette voix qui était-ce ? Pourtant il lui semblait la connaitre, ce ton doux et ferme à la fois cette intonation qu’elle avait si souvent souhaité entendre par le passé. D’un coup la lumière refit surface dans la brume de son esprit. Fersen ! Elle ouvrit les yeux, elle n’était plus dans la rue mais à l’abri sous un pont et Fersen était devant elle, où une terrible inquiétude se peignait sur son visage.
- A mon amie vous revenez à vous. Je suis arrivé à temps dieu soit loué !
- André ? Où est André ? Avait-elle demandé alors qu’elle se relevait pour chercher son ami.
- Non Oscar restez là, ce n’est que trop dangereux. Ils sont trop nombreux on ne peut rien faire.
- Mais vous ne comprenez pas, André ils vont le tuer André !
Désespérément elle se débâtait et hurlait sa peur pour échapper à l’étau de son sauveur alors qu’elle venait d’être arrachée à celui de ses bourreaux.
- Lâchez moi Fersen, André mon André ils vont le tuer. NON !
Ces deux petits mots « mon André » et le regard larmoyant, implorant de cette jeune femme qui lui faisait face, le visage en sang, lui permirent de faire la lumière sur la véritable raison de cette folie, si ce n’est la folie elle-même mais cette folie qui vous enserre le cœur de chaleur, de bonheur et vous fait vivre plus que jamais. C’est avec un doux sourire au visage, une main rassurante sur l’épaule apeurée que le comte Axel de Fersen lui fit la promesse.
- Ne bougez pas Oscar, je vais vous le sauvez votre André, sur mon honneur je vous en fais le serment mon amie.
Sur ces paroles il partit, sauta sur la selle de son cheval et alla sauver l’homme qui faisait battre le cœur de son amie. Tandis qu’Oscar, les jambes tremblantes, hésitantes prenait conscience peu à peu de ses propres paroles et de cette vérité enfin avouée. Ce n’était plus des larmes de sang, de peur, d’angoisse ni d’agonie, mais de joie, de paix et de soulagement qui coulaient sur ses joues.
Elle entendit la foule hurler « c’est Fersen, l’amant de la reine ! A mort ! » Alors doucement elle sortit de son refuge provisoire pour aller retrouver l’homme qui la faisait vivre. Il était là, allongé sur le flan, les mains liées dans le dos, la corde toujours autour du cou. Spectre vivant, elle couru vers André, le plus rapidement que pu lui permettre ses jambes, son sang ayant quitté son corps dans la crainte que Fersen ne soit arrivé trop tard.
- André ? André ? Réponds moi je t’en prie. André.
Agenouillée près du corps, la voix venant mourir au fond de sa gorge elle défit les liens et le retourna doucement vers elle.
- Oscar. Oscar c’est toi ? Tu n’as rien ?
Son cœur explosa de joie. Son André était vivant, blessé, usé, malmené mais bien vivant et ses premières pensées étaient pour elle. Son cœur se gonfla à nouveau de sève brulante berceau de vie et des larmes de joies ruisselèrent sur le visage fin, auréolé de soleil.
Doucement elle le ramena contre elle, contre son torse pour le bercer de cet amour qu’elle s’était enfin avoué.
- Chut, je suis là, tout va bien à présent, je suis là mon amour.
Les yeux clos, André se laissa aller dans ce cocon de bras au rythme doux, apaisant, au son réconfortant et aux paroles promesses d’un futur heureux.
C’est un groupe de soldats venant s’assurer que le calme était revenu, qui les trouva là, tous deux à même le sol, l’un enlaçant l’autre. Bien que la vue de ces deux hommes put paraitre pour le moins anodine, ils ne cherchèrent pas à comprendre ni même à savoir, s’imaginant seulement par quel enfer ils venaient de passer. Le plus respectueusement, ils aidèrent Oscar et André à se lever et les reconduire chez eux.
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Par la fenêtre Oscar regardait les feuilles tournoyer dans les airs, ballet aux couleurs de carmin, d’ocre jaune et de brun se mouvant sur la mélodie du vent d’automne. Trois jours lui avaient été nécessaires pour pouvoir se lever de nouveau, sans ressentir enfin le moindre vertige, la moindre défaillance. Sa première destination après cet alitement prolongé fut pour cet homme qui à présent occupait toutes ses pensées. Même s’il était là, toujours allongé dans ce lit avec des blessures pas encore cicatrisées, Oscar ne voyait pas dans ce tableau, de la peine et de la douleur mais de l’espoir, l’espoir d’un avenir plus doux, d’un avenir fait de bonheur.
- Tu pleures ?
André avait choisi cet instant précis pour se réveiller. Moment qu’avait choisi également Oscar pour laisser libre cours à ses émotions.
- Je pleure oui, mais ce sont des larmes de liesses.
Elle s’était approchée du lit et doucement avait entrelacé ses doits à ceux de son cœur.
- Je t’aime.
Ce n’était qu’un murmure, un chuchotement mais pour Oscar, ces petits mots étaient semblables à un hurlement de vie, une renaissance.
Les yeux brillant et le large sourire de l’homme de son cœur l’encouragèrent à se pencher doucement tout doucement pour venir effleurer pareille à la douceur d’une plume ces lèvres tant désirées. Caresse qui se transforma en un baiser doux, sensuel et tendre.
- Je t’aime Oscar, je t’aime de tout mon cœur.
La main dans la chevelure blonde, soleil qui illuminait ses nuits, André ne pouvait retenir le flot d’émotion qui le submergeait venant laver et s’envoler toutes ces années à attendre en silence dans sa propre souffrance qu’un jour elle le regarde.
Front contre front ils ne pouvaient se lâcher. Ce besoin d’être près de l’autre, de le serrer dans ses bras en devenait vital, comme l’eau source de toute vie, ils venaient de trouver leur oasis.
- Pardonne-moi, pardonne-moi d’avoir mis si longtemps à m’avouer mes sentiments pour toi. Il aura fallu que tu risques d’être tué pour qu’enfin mon esprit crie haut et fort ce que mon cœur me dit depuis des années. Je…
- Chut Oscar, chut….
De l’écrin de ses mains il tenait ce visage où des perles de pluie venaient rouler sur les joues rosies par l’émotion et vint les cueillir de ses pouces.
- Chut Oscar, nous nous aimons c’est ce qui compte.
Et comme pour sceller ces douces paroles il l’embrassa tendrement.
Oscar se redressa légèrement et de sa main gauche elle caressait le visage de son futur amant comme pour imprégner en elle chaque trait, chaque courbe, puis souleva doucement cette mèche qui recouvrait l’œil non valide d’André.
- Oscar je..
- Laisse moi André, laisse moi regarder tes deux yeux briller. Ils sont si beaux et la douceur que je pouvais y lire par le passé me manque tellement André. Ne te cache pas à moi je t’en prie, pas maintenant que nous sommes réunis.
Alors André la laissa faire et sentit ses fins doigts caresser sa cicatrice, faire le contour de son œil puis venir finir leur course sur ses lèvres.
En cet instant dans la solitude de cette chambre se liait par un serment d’amour silencieux deux êtres qu’un étrange destin avait placés sur une route chaotique pour les réunir sur un chemin ou une lanterne guidait enfin leurs pas. |