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« Nul feu comme la passion, nul requin comme la haine. » (paroles de Çakya-Mouni (390-320 av. J.-C.), VIe siècle. av. J.-C)

Chapitre I : Où prendre le thé avec les cannibales est un doux rêve

« Non, non et NON ! C’est impensable ! On ne pouvait pas lui demander ÇA ! Ramer sur une galère, astiquer des pots de chambre, écouter des péronnelles s’extasier sur des robes dégoulinantes de fanfreluches...Bref, tout mais pas ÇA, bonté divine !!!»

Pourtant le visage du colonel Oscar François de Jarjayes demeurait stoïque et camouflait judicieusement son émoi intérieur. Réaction d’ailleurs tout à fait appropriée lorsque votre interlocutrice se trouvait à être la reine de France...même si cette dernière vous demandait l’inconcevable.

« Demander » : euphémisme poli puisque Marie-Antoinette n’avait qu’à claquer des doigts pour que sa moindre volonté soit exécutée. Mais parce que sa Majesté la reine appréciait bien ce colonel droit et intègre – elle se plaisait d’ailleurs à l’appeler « mon ami » –, elle présentait sa requête comme une simple faveur.

«Un caprice voilà ! » grommela plutôt le Colonel de la garde royale. « Un foutu caprice de bonne femme entichée ! »

– Plaît-il ? crut cependant préférable de répondre Oscar. Je ne suis pas sûre de saisir ce que Sa Majesté s’attend de l’humble serviteur que je suis...

La reine plissa imperceptiblement son nez mutin – signe de contrariété chez elle – et reformula lentement sa demande. Elle détestait perdre ces précieuses minutes en tergiversions inutiles : madame de Polignac et elle s’étaient promis de disputer une partie de cartes avec mesdames de Guéménée et de Brionne et la hâte de les retrouver pour s’adonner à cet innocent plaisir, rendait l’Autrichienne bien impatiente.

– Colonel, commença-t-elle en dardant ses immenses yeux bleus sur l’officier agenouillé au sol. Le comte de Fersen, comme vous avez sûrement dû l’entendre dans les couloirs de Versailles, envisage de s’embarquer pour les Amériques. J’ai eu beau tenter de l’en dissuader, le diable d’homme reste sourd à toutes mes suppliques. Ces soi-disant idéaux de liberté et de démocratie sont, semble-t-il, plus importants que l’inquiétude que son absence va me causer. Vous savez comme moi que ce cher Hans est loin d’avoir vos aptitudes militaires, Colonel. Certes, il a étudié l’art de la guerre en Allemagne, mais ce n’est toujours que de la théorie ! Ce n’est tout de même pas sur papier que vous apprenez à vous battre, n’êtes-vous point d’accord avec moi mon cher ?

La tête soumise se releva quelque peu et l’officier planta alors son regard d’acier dans les prunelles de la reine pour aussitôt baisser les paupières.

– Je ne peux que vous donner raison sur ce point, Majesté. Mais, si vous le permettez, j’ai cru ouïr que monsieur de Fersen serait placé sous le commandement du comte de Rochambeau et, fiez-vous à mon expérience, ce dernier est tout à fait compétent et se montrera digne de votre confiance. Ainsi, je doute fort que l’on ait besoin de moi pour...

– Suffit Colonel ! le coupa la Reine d’un ton péremptoire. Si je ne vous connaissais pas mieux, je jurerais que vous tentez de vous esquiver de cette mission !

Puis, elle ajouta, l’œil soudain mouillé :

– Ne pouvez-vous comprendre les tourments qui m’assaillent ? Vous êtes le seul qui connaissez mon secret et sachez qu’il m’en coûte d’éloigner un être de confiance tel que vous en Amérique. Mais c’est justement à cause de cette même confiance que je vous demande à vous Oscar, mon ami...

« Mon ami » !!! L’arme ultime ! La reine savait user de tout son charme – qui pourtant ne fonctionnait pas avec cet homme – et utilisait maintenant à grands renforts son amitié avec ce dernier pour le faire plier.

- ...de veiller sur monsieur de Fersen en sol américain et de vous assurer qu’il me revienne sain et sauf.

Oscar inclina davantage la tête pour marquer toute sa soumission à la souveraine – « car pour s’embarquer dans pareille aventure, il faut vraiment être soumis...ou sot ! » ne put s’empêcher de penser l’officier.

– Vous m’en voyez honorée de la confiance que Sa Majesté place en moi. Je tâcherai de me montrer à la hauteur de vos espérances.

Marie-Antoinette battit alors frénétiquement des mains telle une enfant à qui l’on venait d’offrir une sucrerie.

Un immense sourire fendait son visage poupin lorsqu’elle remercia Oscar.

– Oh Colonel ! Votre seule présence aux côtés de monsieur de Fersen saura calmer mes angoisses. Je profite de l’occasion pour vous souhaiter un bon voyage...

« Ha, ha, ha ! Un « bon voyage » ! Elle est bien bonne ! S’en serait un si on me demandait d’aller coloniser les îles Mouk-Mouk, ou d’aller prendre le thé avec les tribus cannibales en Océanie, mais supporter ce bibelot de la reine, ce coquin de Suédois, ne rime pas du tout avec ma conception d’un « bon voyage » ! »

–...et je prierai le Ciel pour qu’il vous protège, vous et mon cher Fersen. Prenez soin de vous, Oscar.

L’entretien terminé, le colonel se releva, salua une dernière fois cette souveraine qui, par amour, lui demandait d’avoir soin du comte de Fersen comme « de la prunelle de ses yeux ».

« Calembredaines de basse-cour ! Je suis un soldat et non une nourrice ! « Prenez soin de ce cher Fersen et gna gna gna », singea intérieurement une Oscar enragée. « Prions pour que ce conflit soit réglé illico ou je jure que c’est moi-même qui m’occuperai de ce cuistre de Fersen ! »

Le voyage s’annonçait long, interminable... Une véritable descente aux Enfers...
Review De tout mon coeur, je te déteste


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