Auteur : Lionne Hits : 944
Lady Oscar > Portnaouak > Miaou >
Oscar grogna en ouvrant un œil. Assommée par la chaleur de cet été torride, harassée d’avoir surveillé le bon déroulement du bal royal jusqu’au petit matin, elle souhaitait plus que tout bénéficier de la journée de repos accordée généreusement par la reine. Aussi goûta-t-elle modérément le fait d’être réveillée par le gloussement d’une soubrette de Jarjayes.

- Mais qu’a-t-elle donc à caqueter de la sorte ? marmonna-t-elle en replongeant son visage dans l’oreiller moelleux.

Peine perdue ! Le sommeil la fuyait. Elle se retourna brusquement sur le dos, énervée, et s’étira longuement. Soudain, elle aperçut son reflet dans la psyché et ses joues se colorèrent. Elle était si fatiguée, si écrasée par la chaleur malgré la fraîcheur de la nuit, qu’elle s’était endormie dans sa chemise de fin coton. Elle jeta un coup d’œil courroucé à la chemise de nuit qui traînait mollement au bout du lit. Elle se leva et s’aspergea le visage d’eau claire, soupirant d’aise.

- Miaou ?... Miaouuuuuuuu
- Mais…qu’est-ce que c’est que ça encore ?! laissa échapper Oscar, à la fois surprise et agacée.

La colonelle se dirigea promptement jusqu’à la porte de ses appartements, qu’elle ouvrit à la volée. Une petite servante poussa un petit cri de frayeur en se figeant. Le jeune maître paraissait fâché. Pourtant, elle n’avait rien fait de mal. Elle essayait juste de faire le ménage comme grand-mère le lui avait appris.

- Je vous ai réveillé monsieur ? comprit-elle devant les cheveux en bataille d’Oscar et sa mise quelque peu négligée. Oh je suis désolée ! Je vous prie de m’excuser…
- Que fais-tu ? demanda abruptement Oscar.
- Je… Je fais le ménage dans le couloir.

Oscar plissa les yeux, cherchant dans sa mémoire le nom de cette enfant. Diantre ! Elle n’avait pourtant bu qu’une coupe de vin durant le bal.

- Je viens d’être engagée, monsieur, lui apprit la jeune fille, mal à l’aise sous le regard scrutateur du maître. Je m’appelle Charlotte.
- Eh bien Charlotte, dis-moi pourquoi tu t’amuses à miauler de la sorte ? questionna Oscar en croisant les bras.
- Ce n’est pas moi monsieur, je vous assure !
- Miaou ???? entendit-on au même instant.

Oscar se retourna d’un bloc. Elle allait s’élancer à la recherche de la coupable lorsqu’elle avisa sa tenue débraillée. Avec un grognement de rage, elle retourna dans sa chambre pour s’habiller. Lorsqu’elle en sortit, la petite Charlotte avait disparu, ayant probablement cherché refuge auprès de grand-mère.

- Voilà maintenant que tu fais peur aux enfants mon pauvre Oscar, grommela la colonelle entre ses deux, mi navrée, mi amusée.

Arrivée au milieu de l’escalier, elle balaya les pièces du regard. Elle remarqua une soubrette qui semblait chercher quelque chose, plutôt que de travailler. Elle s’approcha vivement.

- Miaou ? Allez, montre-toi…
- Depuis quand avons-nous un chat ? demanda soudain Oscar.

Francine se releva brusquement, rougit, pâlit et s’apprêta à sortir de la pièce après une rapide révérence.

- Arrêtez ! Est-ce vous qui miauliez dans le couloir à l’étage, tout à l’heure ?
- Oh non ! Pour sûr, chuis pas montée moi ! J’travaille aux cuisines.
- Et vous cherchez un chat dans le salon, appuya Oscar.
- Ben, c’est-à-dire…
- Miaou ! Miaou ! Où es-tu ? Miaou !
- Mais ce n’est pas vrai ! rugit Oscar en se retournant. C’est une épidémie ou quoi ?

La colonelle se précipita dans le vestibule et se retrouva face à Mariette, une autre soubrette.

« Mais elles sont toutes devenues folles !!! »

Les deux domestiques se lancèrent un regard noir, tout en se tenant coites devant le jeune maître qui, visiblement, n’était pas d’humeur patiente.

- Ha, Oscar…
- Grand-mère, pourrais-tu m’expliquer, par le plus grand des hasards, pourquoi les soubrettes de Jarjayes se promènent partout en miaulant ?
- Quoi ? s’étonna grand-mère en remontant ses lunettes, tout en fronçant les sourcils.

La gouvernante toisa les deux jeunes femmes qui n’en menèrent pas large. Depuis quand le personnel féminin se permettait de telles excentricités ?!

- De quoi voulais-tu me parler grand-mère ?
- Je voulais… Ah oui ! Oscar, vous avez effrayé la pauvre Charlotte. C’est une nouvelle domestique que je voulais vous présenter aujourd’hui mais, ma foi, vous avez déjà fait sa connaissance.
- Je suis désolée de l’avoir effrayée grand-mère. Etre réveillé en sursaut par des miaulements intempestifs n’est pas pour me mettre de bonne humeur. J’irai discuter avec elle tout à l’heure. Pour l’instant, je voudrais surtout résoudre l’énigme de cette curieuse épidémie.
- Oui moi aussi ! renchérit grand-mère en se tournant vers les deux femmes. Francine, tu devrais être en cuisine en train de préparer le déjeuner de monsieur Oscar. Quant à toi Mariette, tu devrais faire la poussière dans la salle de réception. Alors ?
- Miaouuuuuuuuu ???! Où tu es mon minou ? Miiiiiiiiiiiaouuuuuuuuu !
- Et celle-ci, elle est sensée faire quoi ? demanda Oscar en se tournant vers grand-mère.
- La lessive, gronda celle-ci. Sidonie !!! Venez ici tout de suite !!!

La jeune femme interpelée sursauta, se tourna vers le salon et pâlit à la vue du maître et de grand-mère.

« Aïe, le glaçon et l’ancêtre d’un seul coup ! Pas de chance… »

- Allez vous enfin me dire ce qui se passe mesdemoiselles ?!! s’impatienta grand-mère. Ou bien faudra-t-il que je renouvelle le personnel de la demeure !
- Eh ben, on est des souris…, commença Mariette avec gêne.
- Des souris ? Et vous miaulez !
- C’est que, expliqua Francine avec un sourire gourmand qu’elle ne réussit guère à dissimuler, s’il nous attrape, le minet va devoir nous manger.
- Et quel est ce minet en question ??
- …
- Eh bien, j’attends ! commanda grand-mère avec autorité.
- C’est André, avoua Sidonie du bout des lèvres.

Oscar écarquilla les yeux, statufiée de surprise. A l’inverse de la gouvernante, qui semblait pleine de vie et d’énergie…

- André ! rugit grand-mère. Ah il va m’entendre ! promit-elle en brandissant une louche qu’elle semblait toujours emporter avec elle. Je vais lui faire passer l’envie de se prendre pour un matou !........ André !!!

Le jeune homme arrivait tranquillement après être allé couper du bois dans un coin tranquille, pour échapper aux souris qui commençaient à pulluler à Jarjayes.

- Miaou mon minet, je t’ai attrapé ! A toi de me manger maintenant ! cria sans vergogne une femme mure et plantureuse en lui sautant dessus, profitant de son immobilité à la vue de sa grand-mère agitant sa louche fétiche.
- Annie !!!

Ladite Annie ainsi interpelée sursauta et se retourna. Voyant la gouvernante et le jeune maître des lieux, elle préféra prendre ses jambes à son cou sans demander son reste. Elle ne faisait même pas partie de la domesticité de Jarjayes, elle ne faisait que livrer les légumes. Dommage ! Pour une fois qu’elle arrivait à attraper l’insaisissable matou…

- André Grandier, viens ici !
- Mais grand-mère, je n’y suis pour rien ! se défendit-il, catastrophé d’apercevoir Oscar en arrière plan.
- Tu ne t’en tireras pas comme ça ! riposta l’aïeule en se précipitant vers lui.

Les domestiques et le colonel regardèrent s’enfuir un André protestant de son innocence, poursuivie par une grand-mère toute en vélocité, malgré le poids des ans. Devant le spectacle inusité, Oscar eut soudain envie de pouffer. Elle se contint néanmoins, en se mordant la lèvre inférieure, et tourna vers les « souris » un regard hautain, les toisant d’un mécontentement qu’elle retrouva bien vite devant la lueur de regret qui luisait dans leurs prunelles attachées au jeune homme. Cette lueur s’éteignit néanmoins devant l’attitude du jeune maître. Elles baissèrent la tête, sentant l’affolement commencer à les gagner.

- Ce sera tout ! Je laisserai grand-mère statuer sur votre sort, laissa tomber Oscar.

Francine grimaça. Elles tombaient de Charybde en Scylla. Superbe et indifférent, le colonel passa devant elles sans plus leur accorder d’attention. Oscar allait sortir de la pièce, elle s’arrêta un instant.

- Vous n’arrivez pas à vous faire attraper par le chat n’est-ce pas ? demanda-t-elle avec une pointe de moquerie dans la voix. Mais c’est normal, ajouta-t-elle en glissant un regard derrière elle. André n’est pas un minet, c’est un dragon* !

Sur ce, le colonel remonta l’escalier, un sourire aux lèvres, pour jouir tout à son aise d’un spectacle fort plaisant : un jeune homme brun courant pour échapper à une petite furie au bonnet blanc et à la louche rutilante.


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* Référence au Conte de Noël 2009, d’Hermès.
Review Miaou


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