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Clet ou le souvenir d’Abélard Grandier.



- Adieu, chère Rosalie, tu étais pour nous tous un rayon de soleil. Puisses-tu continuer de rayonner malgré l’obscurité vers laquelle ces chevaux t’emportent. Garde confiance, garde courage et surtout n’oublie jamais quelle sorte de flamme brûle au fond de toi !
- haha !

André émit un rire amusé derrière son dos. Accablée par un chagrin qui lui serait long à apaiser, Oscar se retourna et le toisa sans la moindre aménité.

- Tu trouves quelque chose de drôle à la situation, André ?
- Non, absolument pas, Oscar, je regrette si tu as cru que je t’offensais. C’est juste que, en t’écoutant, soudain, j’ai cru entendre mon père…

Le bandage qui retenait comprimée la poitrine d’Oscar sembla subitement se resserrer jusqu’à l’étouffement. André ne remarqua rien de cela, Oscar n’avait pas cillé, son souffle s’était à peine modifié, le valet continua de discuter en toute légèreté :

- Tu ne t’en es pas rendue compte et, après tout, comment le pourrais-tu ? C’est vrai que tu ne l’as jamais connu… Mais t’entendre parler comme lui alors qu’il était si différent de toi… ça a quelque chose de cocasse…

André acheva sa tasse de café avec un sourire aussi nostalgique que mélancolique. Oscar l’observa en silence.

- Tu n’en veux pas ? interrogea –t-il en désignant la tasse d’Oscar qui ne fumait déjà plus.
- Non, tu peux redescendre le plateau.

Comprenant l’ordre de congé, André obéit avec docilité. Tandis qu’il s’affairait à ranger la vaisselle, Oscar reporta son regard sur le carrosse. On le distinguait encore au loin, tâche sombre sur le chemin de terre qui sillonnait la campagne des Yvelines.

Soudain, elle fut prise de doutes.
Clet…
Elle avait agi sans vraiment réfléchir… Avait-elle eu raison ?

Le bruit de l’argenterie qu’on rassemble cessa et l’odeur camphrée de son compagnon se dissipa quand il gagna le pallier.

- Ne t’en fais pas pour Rosalie, dit André depuis le pas de la porte. Elle ira bien. Ce médaillon sera un talisman pour elle.

Oscar se retourna une nouvelle fois. Elle rencontra son œil perçant qui la fixait avec gravité. Avait-elle l’air aussi inquiet pour qu’André devinât l’angoisse qui commençait tordre son estomac ?
Elle tenta de sourire bravement à ces émeraudes qui, sur le moment, lui renvoyaient de tendres reflets topazes. Il essayait de la rassurer, comme l’ami loyal qu’il était, mais ses mots douloureux annihilaient la douceur apaisante que lui adressait son regard.

Bien sûr que le médaillon aiderait Rosalie, c’est dans ce but qu’Oscar le lui avait légué. Mais, privée elle-même du soutien de ce collier, quelle aide lui restait-t-il ? Toutes ces années écoulées l’avaient-elles rendue plus forte ? Avait-elle exaucé le vœu de Clet ? Non, elle avait été une mauvaise élève, elle n’avait pas réussi à faire ce qu’il lui avait demandé.

Incapable de feindre une confiance qu’elle ne possédait pas, Oscar, malgré toute sa bonne volonté, sentit ses lèvres s’étirer en quelque moue piteuse ou grimace désespérée.
Cela ne convaincrait pas André, tant pis. S’il faisait le moindre commentaire, elle lui lancerait à la figure le vase le plus proche pour qu’il quitte cette pièce.

Mais il n’en fut rien.

- Je vais être occupé à la cuisine un petit moment avec tout ça, dit-il en désignant du menton le plateau qui ne contenait pourtant pas beaucoup de vaisselle.... à plus tard.

Sans attendre de réponse, André referma la porte derrière lui et Oscar se retrouva seule au milieu de la véranda, vaste pièce de marbre noir et de miroirs, d’étain et d’or blanc. Parfaite pour les réceptions, parfaite pour l’apparât... Mais si vide malgré la surcharge de son ameublement. Mais si lugubre malgré la luminosité dont le soleil la baignait… Vide et lugubre sans aucune âme assise dans un fauteuil ou accoudée à la cheminée pour la faire vivre. Vide et lugubre comme le corps d’Oscar sans son cœur accroché autour de son cou…

Elle n’y arriverait pas !

Sans crier gare, la jeune femme se retourna sur la fenêtre et l’ouvrit violemment, prête à hurler au carrosse de s’arrêter. Mais la berline des Polignac avait maintenant totalement disparu sur la ligne confuse de l’horizon.
Plaquant sa main sur sa poitrine pour contenir le trou béant que le médaillon avait tenu comble durant toutes ces années, ses doigts se crispèrent à en blanchir les jointures comme sa gorge laissait échapper les gémissements annonciateurs des premiers sanglots.

- Oh, Clet, Clet ! appela-telle horrifiée. Qu’est-ce que je viens de faire ? Reviens-moi, je crois que j’ai encore besoin de toi !


à suivre
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