Auteur : Lionne Hits : 4881
Lady Oscar > Alternate Universe > Un secret peut en cacher un autre >
- Viens ici tout de suite ! ordonna une voix irritée.
- Non grand-mère, je vais voir le général ! On verra bien ce qu’il va dire !!! répondit une petite voix catégorique.
- Quoi ?!!!.... Je te dis… Viens ici ! Tout de suite !!!


Trop tard !


Le général vit la porte de son bureau s’ouvrir à la volée, tandis qu’une frimousse joviale sous ses boucles brunes le regardait sans crainte. Il attendit, assis derrière son bureau, d’un calme surprenant…qui trahissait un certain amusement. Peu de temps après, la gouvernante arriva, essoufflée.


- Pardonnez-moi général, cela ne se reproduira plus, dit grand-mère en essayant de traîner l’enfant à sa suite.
- Non ! Je suis sûr que le général me donnera raison je te dis ! Général, si Oscar est un garçon, alors j’en suis un aussi n’est-ce pas ?
- Andrée ! se fâcha grand-mère. Veux-tu bien me suivre jeune fille !


Estomaqué par la question de l’enfant, le général était resté silencieux. Comment cette gamine aurait-elle pu comprendre… ?


- Non, s’entêta Andrée. Je veux être un garçon moi aussi !
- Tu es AndréE ! la morigéna grand-mère. Que cela te plaise ou non ! Maintenant suis-moi. Tu as suffisamment embêté le général. D’ailleurs, je te prie de t’excuser pour le dérangement…


La petite fille s’approcha du maître des lieux et leva vers lui ses magnifiques prunelles de jade. Elle semblait soumise à l’autorité de sa grand-mère, gouvernante des enfants Jarjayes, mais dans ce regard, le général lisait une forte détermination.


- Pardonnez-moi de vous avoir dérangé général, dit-elle d’une voix claire… mais je veux être un homme !


Le général hoqueta de surprise. Décidément, cette petite n’était pas comme les autres. Il l’observa attentivement, pendant que grand-mère la tançait sévèrement. Elle était arrivée à Jarjayes depuis une semaine. Elle avait sept ans, un an de plus qu’Oscar. La comtesse avait proposé à la gouvernante de recueillir l’enfant, à la suite du décès tragique de ses parents.
Elle était arrivée, les yeux rougis et le visage triste. Mais on sentait une grande force de vie en elle. Les deux enfants s’étaient très bien entendues. Ce qui avait étonné le général, car Oscar était plutôt sauvage de nature, et l’avait contrarié aussi, car il voulait éviter à son « fils » toute influence féminine.
La comtesse l’avait convaincu de les laisser jouer ensemble, pour l’instant. Il ne s’agissait que d’enfant. Quelle influence néfaste pourrait avoir la petite Andrée en jouant à cache-cache avec Oscar ?


- Grand-mère, attends ! l’arrêta le général alors que la gouvernante avait saisi vigoureusement le bras de sa petite-fille pour l’entraîner hors de la pièce.
- Général ? attendit grand-mère, qui craignait une sévère punition pour sa petite-fille.
- Ainsi, tu veux être un garçon ? demanda-t-il à l’enfant.
- Oui.
- Pourquoi ?
- Pour être l’ami d’Oscar. Si je reste une fille, je ne pourrai plus jouer avec elle, plus tard. Si je suis un garçon, elle aura un ami, et un ami qui partagera le même secret qu’elle… Ou plutôt, que lui, expliqua-t-elle avec un sourire désarmant.


Le général demeura sans voix devant la justesse du raisonnement, la portée des arguments et la volonté affichée de cette enfant.


- Oscar a un but. Il doit être l’héritier des Jarjayes…
- Moi aussi j’ai un but : je veux être l’ami d’Oscar, répondit-elle avec candeur.
- Tu dis cela pour aujourd’hui..., tenta de lui faire comprendre le général.
- Et pour demain, et les autres jours. Je veux être l’ami d’Oscar. J’ai choisi, et voilà !
- Mais te rends-tu vraiment compte de tout ce que cela implique ? insista le militaire.


La petite fille le regarda en plissant le nez et en fronçant les sourcils. Malgré la profondeur de ses pensées et la force de sa volonté, cette question la dépassait. Tout ce qu’elle savait, c’est qu’elle avait décidé d’être l’ami d’Oscar. Alors, si Oscar était un garçon, elle en était un aussi !


- Cela veut dire renoncer à t’habiller en robe, apprendre à te battre comme un garçon, à parler, marcher comme un garçon… Quand tu seras plus grande, tu ne pourras pas t’intéresser aux hommes et tu devras renoncer au mariage…
- Oscar devra faire tout cela ? demanda Andrée après une hésitation, en penchant la tête sur le côté.
- Oui, Oscar devra faire tout cela.
- Si ce n’est pas malheureux, intervint grand-mère sans se soucier outre mesure du regard sévère du militaire. Enfin, d’ici le mariage, vous aurez peut-être changé d’avis…
- Grand-mère !
- Si Oscar peut le faire, alors moi aussi, décida Andrée.
- Ah non ! Toi, tu seras une jolie petite fille et une jolie jeune femme. Tu te marieras et tu auras des enfants. Voyez, avec vos idées contre-nature !
- Grand-mère !
- De toute façon, quand je suis arrivée ici, tu m’as dit que je pourrais rester si je le désirais, ou aller chez une lointaine cousine en Normandie. Eh bien je reste !.... En tant que garçon.
- Non non et non !
- Mais si grand-mère, répondit la petite fille en tapotant gentiment les mains de son aïeule. Tu verras, tout ira bien… Général ?
- Oui mon commandant ? s’amusa-t-il.
- On peut faire comme si j’étais un garçon et… si ça ne marche pas, je redeviendrai une fille.
- Ce n’est pas aussi simple, on ne peut revenir en arrière.
- Dans ce cas, j’irai chez cette lointaine cousine, trouva la petite fille.
- Ou sur nos terres d’Arras, intervint la comtesse qui était arrivée sans que personne ne s’en aperçoive. J’ai entendu les souhaits de cette petite fille… Elle a raison, on peut essayer. On n’a même pas besoin de lui trouver un autre prénom, n’est-ce pas André ?
- Mais, commença grand-mère.
- Votre petite-fille est un don du ciel grand-mère, poursuivit la comtesse sans laisser la gouvernante continuer sa contre-argumentation. Ou devrais-je dire, votre petit-fils…
- C’est vrai ? Je suis un garçon maintenant ? demanda Andrée, le visage illuminé par la joie.
- Il semblerait que oui, acquiesça le général.
- Tu es et resteras AndréE, soutint grand-mère.


Avec un sourire apaisant, la comtesse invita la gouvernante à la suivre. Alors que les deux femmes se dirigeaient vers les appartements de la comtesse, Andrée se précipita vers ceux d’Oscar.


- Ca y est ! déclara Andrée en déboulant dans la chambre de son amie.
- Ca y est, quoi ? demanda celle-ci en la regardant avec de grands yeux.
- Je suis un garçon moi aussi.
- Quoi ?
- J’ai demandé à ton père la permission d’être un garçon moi aussi.
- Mais…pourquoi ?
- Pour que nous puissions rester amis, ensemble.


Oscar sentit une boule se former au creux de sa gorge. Depuis sa naissance, elle se sentait si seule. A l’arrivée d’Andrée, elle avait découvert qu’elle n’était pas véritablement un garçon, et cela l’avait choquée et attristée. Aujourd’hui, cette petite fille qui avait été sa seule amie, qui avait le choix de sa destinée, voulait être un garçon juste pour rester avec elle.
Des larmes d’émotion montèrent à ses yeux. Mais Oscar n’était pas armée pour y faire face. Alors, elle préféra se cacher derrière la moquerie acerbe.


- Décidément tu es bien bête. Toi qui aimes tellement tes jolis nœuds de couleur dans les cheveux…


Andrée ne fut pas dupe et, s’approchant de la petite poupée blonde habillée comme un garçon, posa la tête sur son épaule.


- Moi aussi je suis content.


Oscar ne répondit rien, mais serra très fort la petite main amie dans ses longs doigts froids. Un poids immense semblait s’être envolé de ses épaules fluettes. Oscar ne serait plus jamais seul !
Review Un secret peut en cacher un autre


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