Auteur : Rosenrot Hits : 1188
Lady Oscar > André for Ever > Rose des Vents (le genêt II) >
Un grondement retentit dans l'air frais de ce matin d'automne. Le claquement des sabots sur le sable humide se mêlait à la musique du ressac des vagues sur le rivage. Un grand cheval blanc ouvrait la marche, monté par une jeune femme aux cheveux d'or. Dans son sillage deux autres fringants destriers galopaient avec ardeur, les muscles tendus et l'œil fou. L'élégante jument noire qui courrait le long des flots était pourtant tenue par son cavalier, un grand jeune homme aux yeux d'émeraude.

- Doucement Rose, doucement ma toute belle, murmurait-il à son oreille.

À ses côtés ses deux compagnes poursuivaient leur course folle goûtant l'ivresse du vent claquant sur leur visage, charriant les parfums des embruns. Leurs montures les emportaient à un rythme effréné, ivres de liberté, tout comme les jeunes gens sur leur dos.

***

- André, pourquoi n'as-tu pas lâché ton cheval ? Demandait Rosalie alors que le trio s'était arrêté, laissant les chevaux se reposer.

- Rose des vents n'a que quatre ans, je ne veux pas qu'elle se fasse du mal en se laissant emporter par sa fougue. Elle a besoin que je sois raisonnable pour elle.

- Ah la la, ce cher André et sa jument, se moqua Oscar. Il est plus protecteur qu'une mère poule !

- Je la croyais pourtant robuste, poursuivait Rosalie. Elle est plus puissante que mon brave Gradlon.

- Que veux-tu Rosalie, fit André d'un ton léger, c'est un cadeau d'Oscar, j'en prends grand soin !

La jeune colonelle détourna le regard, faisant mine d'observer l'horizon. Intérieurement, elle se fustigeait. « Quel besoin avais-tu Oscar de faire cette remarque blessante à André ? C'est tellement facile de t'en prendre à lui pour te prouver que tu es bien ce que tu dois être. Évidemment qu'il a raison de prendre soin de Rose, c'est ce qu'il a de plus précieux. Et il a tellement souffert de la mort de son père… » Le souvenir du beau genêt d'Espagne hantait encore parfois les deux jeunes gens. Oscar avait été profondément touchée par l'attachement qui avait lié son ami à cet animal qu'il n'avait connu que quelques jours. Pyrrhus était de ces seigneurs qui marquent les esprits d'un seul regard. À ces côtés, ils avaient eu l'impression d'effleurer quelque chose d'inaccessible qu'ils n'avaient toujours pas tout à fait compris. Rose tenait de lui, bien sûr, mais elle n'avait pas été malmenée par la vie comme son géniteur. Confiée aux bons soins d'André, elle n'avait connu que la douceur et l'affection. Le regard de pure confiance qu'elle portait sur le jeune homme transpirait d'un sentiment tellement humain que même l'inflexible colonel de la garde royale en était ému. Et pourtant cette douceur apparente cachait un feu ardent. Rose pouvait se montrer fière et intraitable. La jeune femme en avait déjà fait les frais.

Pour le moment la jument jouait la biche délicate. Comme souvent, André l'avait laissée en totale liberté, la libérant de sa bride. Il avait pris l'habitude de la laisser gambader à sa guise, ce qui avait manqué de peu de lui valoir des ennuis à Jarjaye. Rose s'était approchée du bord de l'eau qu'elle observait d'un air méfiant, les yeux écarquillés. Elle gonflait les naseaux, ronflant, l'encolure arquée. Une vague vint lui lécher les sabots et la bête bondit comme un cabri. La queue relevée en panache, elle trottinait nerveusement de son allure dansante et aérienne. André riait aux éclats.

- Tu n'es qu'une chipie Rose ! Hier encore tu te baignais ici même !

- Qu'elle est belle ! S'exclamait Rosalie, charmée.

Oscar acquiesça, toujours silencieuse. Elle pouvait bien laisser André jouer un peu avec son cheval. Elle-même ne se lassait pas de ce spectacle. Rose était parfaite. Une morphologie de rêve, les allures et la grâce d'une danseuse, allié à une tête criante d'expressivité. La longue crinière ondulée flottait au vent comme une bannière, le soleil jouant sur sa robe d'ébène pour la parer des plus beaux reflets. André lui avait ôté la selle du dos à présent, et il courrait à ses côtés. C'était un de leurs plus vieux jeux. Ils courraient côte à côte, puis André obliquait brusquement. La jument gambadait derrière lui pour le rattraper, agitant l'encolure en tous sens, contrariée quand il se dérobait agilement pour lui échapper. Rosalie les observait, riant aux éclats, applaudissant avec enthousiasme. Oscar elle-même ne put réprimer un sourire.

***


- Bon sang, mais où est passé André ? Marmonnait oscar qui déambulait dans la propriété.

Ils étaient rentrés de leur promenade à cheval depuis plusieurs heures déjà, et, après un bon repas, Oscar et Rosalie avaient passé la soirée à lire dans le petit salon, bien installées au coin du feu. Puis la jeune fille, tombant de fatigue, était allée se coucher, et c'est alors qu'Oscar s'était aperçu de la disparition de son ami. Elle s'était mise à la recherche du jeune homme, exaspérée, sans vraiment savoir pourquoi. Sortant de la vaste demeure, elle avait dirigé ses pas vers l'écurie. Une lueur vacillante filtrait entre des planches mal jointes du bâtiment, confirmant son intuition. Son ami était encore auprès des chevaux. Elle soupira. Parfois, elle avait l'impression qu'il la fuyait.

La jeune femme poussa doucement la porte de l'écurie, tâchant de ne pas la faire grincer afin de surprendre André. Elle pénétra à pas précautionneux dans la grange, guidée par l'unique bougie qui l'éclairait, posée sur un petit tabouret en bois devant la stalle de Rose. La jument fixait Oscar du regard, les oreilles dressées, aux aguets. Elle veillait sur son maître, endormi à côté d'elle, un livre ouvert sur la poitrine. Quand la jeune femme fit quelques pas pour s'approcher, Rose coucha les oreilles, le regard luisant.

Oscar et elle ne s'étaient jamais réellement entendus. André s'en amusait, lui disant que de toute façon elle n'avait jamais eu d'affinités avec les juments. La colonelle les trouvait trop fantasques et caractérielles. Elle préférait la fiabilité soumise des mâles. Rose était capable de se montrer charmante pour avoir un mouvement d'humeur aussi brutal qu'inexplicable dans la seconde qui suivait. Mais André lisait en elle comme dans un livre ouvert, et la bête le lui rendait par une fidélité impérieuse. Fidèle, mais jamais soumise. Girodelle, dont l'avant-bras avait tâté des dents de la jument, avait décrété qu'elle était vicieuse et mal élevée.

- André ? Appela la jeune femme, préférant le réveiller que d'approcher une Rose mal aimable.

Le jeune homme tressaillit dans son sommeil. Oscar insista, et bientôt c'est un André au regard brumeux qui se dressait devant elle, les cheveux en bataille et la chemise froissée.

- Tu voulais, Oscar ?

- Heu… rien de spécial en fait, je me demandais ce que tu faisais.

Elle se sentit très bête tout à coup, surtout quand elle s'aperçut du regard contrarié qu'André lui lançait. Elle tenta de se rattraper.

- Tu devrais rentrer pour dormir si tu es fatigué, tu vas attraper froid à rester ici voyons.

Il n'en fallut pas plus pour radoucir le jeune homme.

- Tu as raison, pardon, je ne voulais pas t'inquiéter.

Oscar haussa les épaules et fit un pas vers Rose. La jument la toisait, l'air froncé. Mais elle ne se permettrait pas de franc mouvement d'humeur en présence de son maître. Contrairement à ce que pensait Girodelle, elle était parfaitement éduquée.

- Qu'est-ce que tu lisais ? Demanda Oscar en ramassant le livre qui était resté au pied du cheval. La Guérinière ? Ajouta-t-elle en déchiffrant la couverture à la faible lueur de l'unique bougie. L'école de cavalerie ?

Elle se retourna vers son valet, surprise. André semblait mal à l'aise, se grattant le crâne et regardant ailleurs. Oscar éclata de rire.

- Quelle idée enfin André ! Qu'espères-tu faire avec ça ?

Elle se mordit les lèvres immédiatement. Quelle idée lui avait pris de se montrer aussi méprisante ? Cette fois André était vraiment en colère et ses pupilles brillaient avec violence.

- Tu as raison Oscar, que peut espérer quelqu'un comme moi ? Parvenir seul à quelque chose qu'il n'a fait qu'effleurer il y a des années alors qu'on lui avait promis de l'aider ? Il est vrai que je n'avais pas à en attendre autant. Sur ce comme tu l'as constaté je suis fatigué. Je vais me coucher, veille à éteindre la lumière dans l'écurie.

La jeune femme n'eut même pas le loisir de réagir qu'il était déjà parti en claquant la porte. Oscar soupira. Elle passa un doigt sur la couverture en cuir du vieux livre qu'elle tenait toujours à la main. Puis, relevant le visage, son regard rencontra celui de Rose. La jument la toisait toujours, un air de défi flambant dans ses pupilles.

- Je n'ai pas été à la hauteur de mes promesses vis-à-vis de ton maître, murmura la colonelle. Peut-être as-tu raison de m'en vouloir ainsi.
Review Rose des Vents (le genêt II)


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