Voici la suite de ma petite série Monde à l'envers... Les chapitres sont courts, je sais. :-p
Désolée Hermès, ce n'est pas une tendre romance entre Oscar et André...
Bonne lecture !
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Le nouveau Masque Noir se tenait devant elle, Oscar-François de Jarjayes, colonel de la Garde Royale. Il semblait le défier, ou plutôt le jauger. Immobile, il contemplait son adversaire. Un franc sourire vint éclairer son visage.
- Au nom du roi, rendez-vous séance tenante ! cria Oscar.
- Que nenni colonel, répondit l’ombre d’une voix étouffée.
- Je vais tirer ! prévint Oscar.
- Allons colonel, répliqua-t-il en riant. Vous savez tout comme moi que le roi me veut sain et sauf !
- Je n’ai pas dit que j’allais vous tuer, ajouta Oscar, mi-figue mi-raisin.
- Et si je bouge au moment opportun, prendrez-vous le risque de désobéir à votre souverain ?
Il remarqua l’hésitation du colonel et éclata de rire. Ce rire était le pire des affronts pour Oscar. Il ajusta la cible de son pistolet, mais ne tira point. Il est vrai que le roi lui avait expressément ordonné de capturer ce nouveau Masque Noir en vie, et même en « bon état ».
« Mais comment diable veut-il que je lui livre si je ne peux le toucher de peur de l’abîmer ! Et pourquoi ? Pourquoi tant de considération ?.... »
Le Masque Noir lui envoya un baiser et se retourna pour s’enfuir, laissant le colonel complètement déboussolé. Et vaguement inquiet aussi… Il lui avait envoyé un baiser ! Se pourrait-il que… ?
« Non, ce n’est pas possible ! Comment cela serait-il possible ??? »
Car ce Masque Noir était un bandit d’un genre… particulier. Il ne volait ni bijou, ni argent. Il s’introduisait dans la chambre des femmes et des jeunes filles et leur volait… un baiser ! Evidemment, les maris et les pères criaient au scandale. Quant aux intéressées, certaines auraient bien aimé qu’il vole plus qu’un baiser. Mais elles ne pouvaient guère s’en vanter.
Evidemment, lorsqu’Oscar avait entendu parler du Masque Noir, elle avait pensé à Bernard. En compagnie d’André, elle s’était rendu chez Bernard et Rosalie, mais force lui fut de constater que le jeune homme n’était pour rien dans les nouvelles activités du bandit masqué. D’ailleurs, quand Oscar avait fait mention de l’objet de ses larcins, Rosalie avait jeté un regard suspicieux à son mari. Celui-ci s’était défendu avec véhémence, faisant promesse qu’il n’était pour rien dans les exploits de ce nouveau Masque Noir.
S’il se montrait toujours aussi remonté contre les gens de la noblesse, quoiqu’il admît que certains nobles méritaient le respect ( il regardait Oscar en disant cela ), il était toujours aussi franc et digne de confiance. Ce dont le colonel était persuadé en quittant le logis de ses amis, c’est que Bernard n’avait strictement aucun rapport avec son « double ». Il lui avait même proposé de poser des questions à droite à gauche. Il ne trahirait pas ce « farceur », comme il l’appelait. Mais il était très chatouilleux en ce qui concernait la réputation du Masque Noir, sans tâche jusque là.
Le voleur qu’il était alors, n’avait fait que prendre un peu à ceux qui avaient tout pour le distribuer à ceux qui n’avaient rien. Mais il n’avait jamais fait usage de la force, ni volé quoique ce soit de personnel. Bijoux, argent, tel était son butin. Des baisers !!! Quelle drôle d’idée ! Quelle méchante idée !
Ensuite, Oscar avait eu l’occasion d’apercevoir le nouveau Masque Noir. A ce moment-là, elle eut la confirmation que Bernard n’était pour rien dans ces vols quelque peu particuliers. Car, si le costume était semblable… Du moins l’homme était de noir vêtu, avec une grande cape, et un masque un peu plus couvrant. Néanmoins, une différence existait : la silhouette était très différente, trop pour être une illusion.
Car cette ombre était immense ! Surtout quand la lune diffusait son halo en contre-jour… L’homme était assurément très grand. Un instant, Oscar avait pensé que sa capture serait d’autant plus facile. Quelle désillusion ! Le signalement était un peu trop mince. Elle ne pouvait tout de même pas arrêter tous les hommes grands de France et de Navarre !
Il semblait également beaucoup moins agile que son prédécesseur, handicapé par sa haute taille et, peut-être, par un léger embonpoint. Car certaines victimes avaient souligné le « moelleux » de l’étreinte.
Néanmoins, ce voleur de baisers jouissait d’une chance extraordinaire, d’une grande lucidité et d’une parfaite connaissance du milieu dans lequel il évoluait. Il ne s’agissait pas seulement d’une connaissance physique des lieux, mais aussi et surtout des us et coutumes de la haute noblesse. Ainsi, ce soir, il avait rappelé au colonel de Jarjayes que le souverain voulait le capturer sain et sauf… Dans cette chasse, le gibier n’était pas destiné à être sacrifié. Le nouveau Masque Noir savait parfaitement que cela suffirait à limiter le champ d’action du soldat.
A vrai dire, le roi Louis XVI avait avoué, en tête à tête, que ce voleur l’amusait quelque peu. « Voler des baisers, avait-il dit. Voilà qui est original… Ce gibier me semble bien plus impertinent que dangereux. C’est pourquoi je ne veux pas qu’on lui fasse de mal. M’entendez-vous bien colonel ? » Oscar n’avait pu que s’incliner. Le désir du souverain était clair. Il souhaitait même s’entretenir avec ce « polisson de voleur »… |