Auteur : Eon Hits : 3332
Lady Oscar > Romance > Valmont, et le pathétisme de l'amour > Ajouter chapitre à Valmont, et le pathétisme de l\
Soudainement, on entendit le triple galop d'un étalon fou qui se précipitait dans l'allée bordées d'arbres, qui longeait dangereusement la rivière, et retournait la poussière du sentier en d'immenses nuages de sable.
Assise en Amazone, la jupe rosée fouettée par le vent, le jupon blanc moussant sous la course, le visage balayé de mèches blondes, elle serrait les rênes de sa monture entre ses doigts gantés de cuir, serrait les cuisses pour ne pas tomber.
Jaillissant des nuages de poussière, et se lançant à sa poursuite, un homme se mit à la talonner en cravachant son cheval de toutes ses forces, perdant son tricorne au passage.
Arrivé à la hauteur de la dame, il sauta hors de sa scelle, et atterrit sur celle de la jeune femme. Brusquement, il fit stopper la monture qui se cabra fort haut, puis reposa ses sabots en soufflant dans ses naseaux.
La jeune femme, rouge d'émotion, souffla avec énervement sur une mèche blonde pendouillant minablement devant ses grands yeux bleus, et poussa un soupir exaspéré en croisant les bras sur la poitrine se gonflant nerveusement.
L'homme s'essuya le front d'un revers de manche, puis esquissa un sourire en reprenant sa respiration. Doucement, il se pencha vers la jeune femme:

"Tout va bien Ma Belle Amie?
- Mon corps est secoué de spasmes, ma robe couverte de poussière, mon coeur bat comme vos coups de reins aux summum de l'orgasme, mais à part ça tout va bien!
- Vous avez oublié de dire que votre coiffure était fichu....
- Vous m'ôtez les mots de la bouche! Ah! Je hais les chevaux, quels êtres stupides! Comment pouvons nous comparer une gamme de plaisirs charnel à ce genre de monture!"

Valmont éclata de rire, puis aida la marquise à descendre de sa scelle. Celle ci remit une mèche en place, passa une main dédaigneuse dans sa chevelure blonde, puis leva son menton méprisant.

"Vraiment Monsieur, je sais bien que lors de vos chasses vous n'aimez que tirer sur les cavaliers et non sur les bêtes, mais je vous serai gré d'abattre celle ci, elle m'exaspère plus que tout!"

Se pinçant férocement la lèvre pour ne pas rire, Valmont fit lestement tourner un pistolet entre ses doigts, puis fit violemment volte face vers le cheval sur lequel il tira une unique balle dans le flanc.
La bête tomba lourdement au sol dans un hennissement de souffrance et un nuage de poussière. La marquise passa la main devant son visage pour éviter tout contact avec la poussière, et renifla d'un air irrité.
Rangeant son arme dans sa poche, le vicomte s'adossa contre un arbre, son fin sourire dessiné sur ses lèvres.
Valmont avait un physique qui privilégiait le charisme. Tout en lui respirait la fière allure, de par son corps élancé, au cou fort fin pour un homme. Ses yeux sombres se faisaient tour à tour rieurs ou enjoleurs, vifs ou langoureux, avec la vitesse fulgurante d'un feu follet. Le nez aquilin qui était entre le dédain et la candeur, les lèvres fines qui s'étiraient si méchamment ou s'appliquaient si passionnément sur celles d'une femme, son visage était à lui seul celui de dizaines d'hommes.
Il avait un front haut, démontrant à la fois son intelligence, sa vivacité d'esprit, ou l'indolence de ses regards. Les fossettes se creusant au coin des joues lui donnaient un air d'enfant gourmand, ses mains curieuses de délices partaient à l'aventure de découvertes toujours plus abruptes à caresser, ses longues jambes ciselées s'enroulaient avec violence, mais jouaient de leurs jeu en se battant pour accompagner les rires cristallins donnés entre deux coups d'épées. Ses bras qui se voulaient vigoureux pour les étreintes, étaient délicates pour les politesses, il était tout le monde, et pourtant personne, il avait plusieurs visages, mais aucun n'était véritablement le sien.
A ses pieds coulait la rivière, argenté et étincelante, rayonnante sous les rayons de soleil, éclairant le visage de sa Belle Amie en la dardant d'or, comme celui de ses cheveux. Celle ci tourna la tête vers le petit château où la cour de Monsieur de Contades moussait en un amas d'ombrelles et de jupons blancs. La réception virait à l'Emile, on s'asseyait à terre, on s'allongeait dans l'herbe, mangeait à l'anglaise dans une atmosphère joyeuse et insouciante, avec la délicate impression que tout était irréel.
L'oeil de Madame de Mertueil se promenait le long des silhouettes lorsqu'elle remarqua celle, élancée, d'un jeune colonel de la Garde. Grand, frêle, les épaules et les traits fins, il dégageait de lui une sorte de fraicheur, de pureté, si peu commune aux gens de ce sexe que cela en paraissait étrange... Les longs cheveux blonds qui coulaient le long des épaules du jeune homme non plus n'était pas communs. Aucune perruque poudrée, aucun couvre chef réglementaire, il semblait exalté de romantisme, un héros de roman pour vierges...
Remarquant l'attention mesurée de sa Belle Amie pour une personne de l'assemblée, Valmont se rapprocha d'elle.
Lorsqu'il fut à ses côtés, Isabelle pointa le colonel du menton:

"Qui est-ce?"

Plissant les yeux, Valmont laissa échapper un petit ricanement amusé.

"Ah! Mais c'est la fameuse Oscar de Jarjayes!"

Isabelle esquissa un léger sourire.

"Ah oui... La fameuse Oscar...
- L'on dit d'elle que c'est une excellente cavalière...
- Pf! Elle tient les cuisses bien trop serrées à mon goût!
- En tout les cas je crains que son pistolet ne soit absent dans son artillerie... murmura Valmont.
- Ne me donnez pas de visions cauchemardesques Sébastien! J'ai bien assez du chevalier d'Eon, ne me compliquez dont pas mes projets!
- Vos... projets? fit Valmont, intéressé."

Penchant légèrement la tête, Isabelle haussa les sourcils en souriant mystérieusement. Ses pupilles vaquèrent de droite à gauche jusqu'à tomber sur la sombre silhouette d'un valet tenu à l'écart. Elle sortit un éventail de sa robe, le claqua d'un mouvement sec, et murmura:

"Mes projets mon cher Vicomte... Mes projets... Allez donc voir si la serrure est belle, je m'en vais voir la clef..."





Debout au centre d'un cercle d'amis composé entre autre par le Comte de Girodelle, l'élégant Axel de Fersen, et le bouillonnant Broglie, Oscar éclatait d'un charmant rire, poings sur les hanches, tandis que les autres pouffaient en montrant tous leurs dents hilares. Cette petite assemblée si charmante, qui était le sens de l'attention général, suivi par les Messieurs et les Demoiselles, se trouva dérangée par un homme vêtu de saphir, qui vint fourrer sa dentelle là où l'on en voit que des médailles.
Poussant désobligeamment du coude les abrutis se mettant au travers de son passage, Valmont réussi non sans peine à se retrouver au centre du cercle, juste en face de sa cible...
Celle ci justement, arrêta de rire, suivit par les autres qui laissèrent leurs regards obliquer le nouveau venu. Celui ci leur souriait poliment, et fit une pirouette, main sur le coeur, main dans le dos, pliant bien bas l'échine jusqu'à en gratifier d'orgueil les invités.

"Vicomte de Valmont Messieurs! J'espère que je ne vous dérange pas."

En entendant son nom, Girodelle, Fersen, et Broglie échangèrent un regard complice, et d'une viril poignée de main, acceptait l'invité de marque à rester en leur compagnie.
Oscar, à leur contraire, fermait son visage en une dureté courroucée, haussant un sourcil, pressait obligeamment les lèvres, et levait le menton d'un air irrité. Remarquant le peu de chaleur lui témoignant le colonel, Valmont esquissa un de ses libertins sourires dont il avait le secret, et s'approcha lentement d'elle, jusqu'à se trouver face à face.
Ce ne fut qu'à cet instant qu'Oscar remarqua la taille du vicomte, qui la dépassait bien d'une tête, et qui la regardait intensément du fond de ses pupilles étincelantes.
Mais qu'il cesse dont de me sourire ainsi! C'est affreux... On dirait que.... Ah par Saint Georges cela mêle le pervers et le charme, c'est affreux!
Remarquant le trouble provoqué chez le colonel, le vicomte haussa un sourcil de vainqueur, puis se recula lentement en menant la conversation:

"Ma personne vous serait elle incongrue?"

Oscar se ressaisit, et répondit d'une voix dure et pleine de reproche:

"Ma personne se trouve outrée que vous arriviez avec autant de naturel dans une assemblée de ce genre Monsieur!
- Votre vertu se trouverait elle effarouchée de ma scandaleuse présence? ricana Valmont."

Oscar sentit le rouge lui monter aux joues, elle serra les poings, tentant de ne rien montrer de son courroux.

"Ah mais c'est que Monsieur je me sens empli de fureur en voyant votre personne noire de mauvaises moeurs se fondre dans cette réception si blanche de vos débauches!"

Valmont croisa nonchalamment les bras sur la poitrine, et la toisa du regard:

"Mais c'est que vous me crachez à la figure! Ce n'est pas très élégant pour une femme Madame...
- Comment!!!!!!
- Ma langue n'a pas fourché, c'est la votre qui persifle, Mademoiselle...
- Taisez vous!!!!! Vous êtes une honte pour la société, vous emplissez de sang déjà souillé le corps des demoiselles vertueuses, et vous violez à la fois les âmes et les sens de votre scandaleuse personne!!!! Vous êtes.... vous êtes....
- Ah que c'est beau la vertu qui se défend! s'esclaffa Valmont."

Il fut suivi par le rire gras de Broglie, puis par Girodelle qui fut pris d'une secousse nerveuse. Fersen, gêné, n'osait se mêlait à eux, par loyauté à Oscar qui pourtant se montrait en ridicule.
Valmont continua:

"Mais vous n'avez pas fini votre phrase ma chère... Continuez donc! Vous savez comme j'aime qu'on me complimente!"

Contenant la marée de fureur qui emplissait ses veines, Oscar, rouge de rage, fit volte face sous les éclats de rire de Valmont, qui n'hésita pas à en rajouter une dernière couche:

"Mais où allez-vous donc? Vous fuyiez ma mie? Attendez donc que je vous rattrape!!"

Il se tourna alors vers Broglie.

"Ah! Mais c'est que sans jupon à retrousser, cela risque d'être peu agréable!"

Un rire général parcouru l'assemblée, tandis que le colonel partait se réfugier à l'intérieur du château.
Non loin de là, la marquise posait une main compatissante sur le bras du jeune valet aux cheveux d'ébène qu'elle avait repéré de l'autre côté de la rivière.

"Ne désespérez pas mon garçon! Un jour elle ouvrira les yeux, et la lumière vaincra l'ombre de son coeur éteint de toute passion!
- Comme j'aimerai que vous ayez raison... soupira André."

Celui ci tourna les yeux vers la marquise. En quelques minutes, cette femme si douce, si belle, à la voix envoutante comme un mirage, avait tout deviné, et lui tout avoué. A présent, elle posait ses mains sur son bras, emprisonnait ses doigts en le charmant de mots réconfortants et encourageants, lui faisait milles promesses qu'il aimerait tant croire.

"Mon pauvre enfant... Comme vous devez souffrir.... Tout cela est si triste! Ah, l'amour à votre âge cela est bien déraisonné!
- Ah Madame, si vous saviez comme je souffre! fit André en étranglant un sanglot.
- Mon cher, je sais que cela est dur, mais pensez que la fidélité est bien le plus beau des présents, alors restez aussi pur que votre coeur, et un jour tout s'arrangera... je vous le jure!
- Ah, Madame... Je lui ai déjà voué ma vie!"

Fébrilement, André baisa les mains diaphanes de la marquise. Celle ci, tandis qu'il restait les yeux pleurant entre ses mains, agrippa le regard du vicomte.
Valmont, apercevant l'air satisfait de sa Belle Amie, qui lui lançait ses yeux rieurs des jours de victoire, se pinça férocement la lèvre pour ne pas éclater de rire au nez du Comte de Girodelle. Celui ci n'aurait en effet jamais rien compris à cette hilarité si soudaine...


Quelques minutes plus tards:

"Mon Dieu que c'est niais!
- J'ai failli m'étrangler devant tant de vertu!
- Ah, et moi avec ces lamentations continuelles? J'en avais les oreilles toutes brouillées, mon esprit hanté par un nuage de guimauve qui se prénommait Oscar et qui volait sur un cheval aîlé...
- Comment? fit le vicomte en fronçant les sourcils.
- Abandonnez vicomte, moi même je n'ai pas compris... soupira la marquise en haussant les épaules.
- Quoi qu'il en soit, pour faire que l'amour vertu face tomber l'honneur vertueux, nous avons...
- Du travail, je sais vicomte! Votre péronnelle semble aussi butée qu'une nonne...
- Et vôtre valet aussi pitoyable que Saint Preux! Ah, vraiment, il y a des jours où je voudrai rosser Rousseau!"



(à suivre...)

Allez Arlène, tu commences l'éducation de Dédé!
Review Valmont, et le pathétisme de l'amour


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