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25 novembre 1659
Dans une nuit orageuse, un château est déchiré par de foudroyants éclairs, qui fendent les murailles de leur violente couleur, de leur horrifiante puissance. Alors que tout ne semble qu’éteint face à eux, on aperçoit une fenêtre hâlée d’un faible rayon de lumière, dans la tour ouest du domaine.
Une femme crie à la mort. Elle agonise, elle n’en peux plus. Ses veines ressortent tellement elle a mal. Le sang gicle de partout, son corps ne demande qu’à se reposer. Elle ferme ses yeux, demandant un peu de repos. Le seigneur le lui accorde, et, quelques instants plus tard, la femme est inerte, morte, dans son lit.
A sa gauche, son mari pleure toutes les larmes de son corps. Il prend la main de son épouse et la place sur son cœur. Il gémit, ses épaules tremblent et se secouent sous les sanglots.
A la droite du lit de la défunte, un homme, quelque peu décontenancé, tiens deux splendides poupons dans ses bras, il ne sait pas vraiment quoi en faire, mais il est si ému qu’il reste là, le regard penché vers les deux petits êtres qui sont endormis. La sage-femme se lave les mains, donne ses condoléances, et repart, laissant une famille anéantie par le chagrin. Ce qu’on ne savait pas, c’est que, en ce triste jour, où une vie s’en est allée, deux autres viennent d’arriver. Et ces deux vies brilleront intensément sous un soleil. Un soleil qui n’est autre que le roi. Le roi Louis XIV.






Chapitre 1 :
La remontée à la surface

Si nous n’avions point de défauts, nous ne prendrions pas tant de plaisir à en remarquer dans les autres.
La Rochefoucauld Maximes… (1664)

Jean et Rose soupirent, mais se font aussitôt réprimandés par leur précepteur qui leur reproche leur légèreté. Ils font une moue dubitative, et continus d’écouter le monologue de leur professeur de langue. Seul cours en commun, cours le plus ennuyeux. Rose entortille une mèche de cheveux bouclés à l’anglaise autour de son doigt, regardant les cheveux blonds qui tournaient avec grâce. Jean souffle sur l’une d’elles, passionné par la langue germanique qu’essai de leur faire apprécier Monsieur Gellb. Ils notent deux ou trois choses, disent « Danke schön Herr Gelb ! », puis regardent le professeur s’éloigner.
Cris de joie, et soupirs de soulagement. Ils n’en pouvaient plus de la langue des Hasbsourg !

Leurs leçons étant terminées pour la journée, ils allèrent chacun vaquer à leurs occupations respectives. Jean se dirigea vers sa chambre, annonçant qu’il se rendait à l’académie d’escrime. Et, alors que Rose allait le rejoindre, elle fut arrêtée par sa nourrice : Elga.

Entrée au service des Cantons de la Cetina à la naissance des jumeaux, elle était la nourrice de Rose. Seule autre présence féminine que fréquentait la demoiselle, cela n’ajoutait rien de très délicat au caractère déjà bien trempé de la jeune adolescente. La forte carrure en impressionnait plus d’un, et son chignon strict et serré ne donnait pas l’envie de s’amuser. Ses lèvres étaient pincées, ses traits tirés, et ses yeux brillaient en vous regardant, donnant l’impression d’être visé avec une arme à feu.

« Où allez-vous comme ça ?
- Moi ?? Oh… J’accompagnais Jean qui…
- Vous n’avez aucune raison d’aller dans ce genre d’endroit ! Votre père a pourtant été très clair sur ce point.
- Je ne ferai que regarder cette fois, je vous le jure !
Elle avait joint ses mains en signe de prière, et suppliait Elga du regard attendrissant de ses grands yeux bleus. La nourrice, même sévère, avait du cœur, et ne pouvait jamais rien refuser à ce regard là. Elle balaya l’air de la main, signifiant qu’elle pouvait y aller.
- Mais que je ne vous vois pas en train de ferrailler avec votre frère ! Sinon, cela vous coûteras !

Sautillante, Rose alla se préparer dans sa chambre. Bon, pas d’escrime pour cette fois, mais après tout, elle pourrait toujours s’instruire en regardant les autres. Elle jeta un regard à la cicatrice qu’elle avait au pied. Une marque, telle qu’auraient lacéré les griffes d’un tigre, et qui marquait maintenant le petit pied blanc de deux traces dignes d’une guerrière. Petit souvenir de son dernier entraînement, l’auteur avait souffert après avoir osé taillé le joli peton… Quand elle ouvrit sa penderie pour s’habiller, elle ne pu s’empêcher de soupirer devant les montagnes de jupes, jupons, robes et lourds tissus.

Dieu ! Elle n’avait que faire de ces frivolités ! Mais sa condition de femme l’y obligeait bien malgré elle, à supporter le poids des cages et l’étouffement des corsets chaque jour. A la maison, heureusement, elle pouvait porter des tenues moins contraignantes, et enlever les couches de dentelle et de soie qui la recouvre généralement. Elle prit une robe de satin rose pâle et l’enfila avec l’aide d’une soubrette qui noua les nœuds de son corsage.

Puis, elle alla rejoindre Jean qui l’attendait dehors, le carrosse prêt à partir.
Le marquis Cantons de la Cetina regarda ses enfants partir avec mélancolie. De sa fenêtre, il vit sa ravissante fille qui entrait dans la calèche, une ombrelle à la main, des gants lui recouvrant ses longs doigts. Avec fierté, il observa Jean, qui, galant, comme à son habitude, aida sa sœur à monter avec distinction et courtoisie. Il soupira puis retourna à son bureau.

Là, il s’assit dans son fauteuil, et regarda un portrait qui était au dessus de son secrétaire de bois précieux. Maria, marquise Cantons de la Cetina, d’origine italienne et française, sa défunte épouse, celle qu’il avait tant chéri, mais qui, en lui donnant un héritier et une splendide fille, avait aussi donné sa vie. Il se sentait si seul depuis sa disparition, si seul dans ce monde où tous lui souriait alors… Cette femme qu’il aimait plus que tout, cette femme, que son père lui a choisis avec tant de tact qu’il ne s’en était jamais plaint… Il n’y a jamais de mariage d’amour en ce monde, mais l’amour vient, l’amour s’apprend avec le temps… Heureusement, par la félicité qui semblait bénir sa génération, César n’avait pas eu à attendre longtemps. La beauté, la douceur, et l’esprit de la femme aurait contenté n’importe quel homme, et il se félicitait chaque jour d’avoir épouse si fidèle et si bonne…

Qu’elle soit partit si vite avait détruit sa vie. Il ne s’était pas remarié, il n’avait pas la force, il n’avait pas l’envi. Que serait la vie avec une autre femme ? Il n’osait même pas l’imaginer. Jusqu’à présent, il avait vu les jumeaux grandir dans l’opulence et la lumière, lui donnant chaque jour une raison d’exister. Mais maintenant qu’ils étaient en âge de se marier, de parader à la cour, ou de faire leur service militaire, il ne savait plus où il en était. La trop forte détermination et l’obstination de sa fille à vouloir faire comme son frère allait lui attirer bien des ennuis… Il fallait qu’il mette les choses au clair avec elle, et la faire entrer au plus vite à la cour de Versailles, qu’elle trouve un époux qui lui remette les idées en place sur sa condition de femme.

Jean, lui, aura le choix entre prendre épouse, ou faire son service militaire. La lignée des Cantons de la Cetina en dépendait !

John Trémeau entra dans le bureau, un dossier à la main. John, secrétaire particulier du marquis, à son service depuis de nombreuses années, étaient en outre le précepteur de Jean. Il avait l’entière confiance des deux hommes, et jouissait d’un statut un peu à part dans la famille. Conseiller du marquis, il lui donnait toujours son avis d’une manière détachée, de façon à ne pas l’imposer, comme son rang lui interdirait de faire. Ses idées étaient toujours d’une évidente justesse et perspicacité, et sa droiture ainsi que sa loyauté, faisait de lui un homme plus que respectable. Il s’assit en face de son maître, et, après que ce dernier lui est donné l’ordre de parler commença :

« Monsieur le marquis… Il faut que nous parlions d’une affaire délicate…
- Dîtes mon ami. Vous savez que vous avez mon entière confiance.
- Monsieur, il s’agit de votre mariage. Il est grand temps de vous remarier. Vous savez comme moi qu’un seul héritier ne suffira pas. Il faut que si l’un meurt, l’autre puisse être là. Je sais que je vous demande beaucoup, mais la situation peut vite devenir critique.
- Je vais y réfléchir… Mais je ne suis pas… Comprenez moi John, je n’arrive pas à l’oublier…
- Je sais monsieur… Mais permettez moi d’insister, dans trois jours, il y aura un bal à Versailles, donné par le roi, il serait peut-être temps de refaire surface chez les Grands. Et pourquoi pas en compagnie de vos enfants ?
- Après tout… Il est vrai que je me suis bien trop absenté de la vie mondaine ces dernières années… Je vais de ce pas prévenir aussi les Amoreau que nous serons présents. Leur fils David sera sûrement ravis d’accompagner ses amis. »

Après cette décision quelque peu audacieuse, le marquis dit à Trémeau de prendre congé, et écrivit une rapide lettre à son ami.
Les Amoreau étaient des amis d’enfance. Amis, au départ, de la marquise, mais dont les ancêtres avaient eu affaire aux Cetina, ils étaient, tout comme elle, de sang italien et français. La famille se connaissait depuis de nombreuses générations, et, lorsque Maria se fiança au marquis Cantons de la Cetina, son ami Aldo d’Amoreau, rencontra une jeune française lors du mariage. Après cette rencontre, il ne quitta ni la France, ni la jeune fille qu’il épousa par la suite. Il se rendait plusieurs fois par semaine au château, depuis la naissance des jumeaux, n’avait rien changer à ses habitudes malgré le décès de son amie, et même, laissait jouer David avec eux. Il n’avait que quelques mois d’écart avec les enfants, et les trois semblaient s’entendrent comme des triplés. Ils se connaissent par cœur, et ne pourraient vivre les uns sans les autres.

Quand le carrosse de Rose et Jean revint, le marquis les fit venir dans son bureau.
Un valet vint quérir les jumeaux, et ceux ci se débarrassèrent rapidement de leurs effets.
Ils grimpèrent les marches, inquiets, se demandant la raison de ce cérémonial. Arrivés en haut, ils entrèrent en toquant à la porte. Le marquis était assis face à la fenêtre, le regard plongé au travers de la vitre. Les deux enfants se tenaient droit, debout, et attendaient que leur père disent quelque chose. Enfin, il se mit à parler :

« Mes enfants. Dans quelques jours, le roi Louis XIV donnera une réception à Versailles. Vous savez fort bien, que, depuis votre naissance, je ne me fais que trop peu présent à la cour. J’ai décidé de revenir dans l’arène, mais cette fois en compagnie de mes deux enfants. Vous êtes adultes maintenant, et assez sages pour vous débrouiller dans la haute société. Vous représentez autant que moi les Cantons de la Cetina, et, pour la première fois en seize ans, vous allez vous montrer devant un public aussi vaste. Il faudra bien vous conduire. Rose, fit il la regardant, je tient à ce que vous ne fassiez pas partager vos passes temps, ni vos…exploits accomplis en compagnie de votre frère. Jean, je ne veux pas de scandales avec les jeunes filles. Vous vous contenterez d’une danse, d’une discussion polie, mais pas plus, sinon, prenez l’une d’elles pour épouse ! Vous devez faire bonne impression, afin que chacun se rappelle de vous.
- Quand aura lieu cette réception ?
- Dans trois jours exactement. Je ferai venir les plus talentueux couturiers de France, afin de vous parer de vos plus beaux atours ! Maintenant, je vais donner l’ordre que vos heures de maintien et de danse soient triplés pour les prochains jours à suivre. Vous pouvez disposer. »
Les enfants s’inclinèrent, et sortirent du bureau.
Le marquis ouvrit un tiroir, et approcha sa main de deux paquets enrubannés. Il la repoussa. Non, il n’avait pas le droit. Il avait promit…Mais pourquoi sa femme a-t-elle fait planer autant de mystère autour de ces simples présents ? Il lui avait promit de les donner à ses enfants si jamais il se remariait. Ce jour était-il enfin arrivé ?

Voulant à tout prix adoniser ses enfants, le marquis avait engagé les meilleurs couturiers qu’il puisse y avoir. Rose et Jean durent rester debout, les bras levés pendant des heures, finissant par avoir des crampes. Les mesures étaient longues, épuisantes et ennuyeuses. Plus encore que les cours d’allemand, qui pourtant sont en première catégorie pour endormir l’esprit le plus attentif.

Le grand jour arriva. Tout était près. Les toilettes sur le dos, les recommandations maintes fois répétées, et la morale encore une fois rabâchée. Le splendide trio descendait les marches de la demeure des Cantons de la Cetina, lorsque Jean poussa un cri. Les deux autres se retournèrent, et ils virent le jeune homme, avachi sur l’escalier, une main sur son pied, gémissant à la mort. John Trémeau apparut en courant, et déclara que la cheville était foulée, et qu’il était impossible qu’il se rende à Versailles dans cet état. Le père se désola pour son fils, mais Rose le fusilla du regard.

Le lâche ! Il l’avait fait exprès ! Elle en était sûre… Maintenant, elle allait se retrouver SEULE avec son père…Oh, joie immense que cela lui procure…

Mais ne disant mot, elle monta docilement dans la calèche, et, alors qu’elle se retournait une dernière fois vers son frère, elle cru voir un sourire réjoui sur son visage. Par Saint-Georges ! Quand ils rentreront, il allait payer pour cet affront…


Un pied blanc sort d’un carrosse doré, une main se tend, et César aida sa fille à descendre. Soucieuse, Rose sent son cœur battre à la chamade… Après tant d’années passées dans l’ombre de sa demeure, presque retiré du monde, elle allait faire son premier pas dans la cour du roi… La chaussure de satin foule le sol de graviers blancs, et elle lève les yeux lentement, anxieusement… Les pupilles bleues se mirent à pétiller, elle poussa un petit cri étouffé, et les yeux écarquillés se mirent à valser de part et d’autre du paysage. Bien que toujours en travaux, bien que décoré de ci, de là, par d’immenses échafaudages, le palais ressemblait à celui de l’Olympe moderne. Les pierres blanches étincelaient sous le soleil, si bien qu’on les voyait briller intensément de leur clarté lumineuse.

Elle se sent si troublée par cette vision, qu’elle porte une main à son ventre pour ne pas s’évanouir… Mais il était vrai, que les corsets des dames étaient tellement serrés, qu’à peine une déclaration, ou une émotion vous prend, que vous vous évanouissez de sitôt. Accessoire donc, peu accommodant, lorsqu’on découvre pour la première fois, l’œuvre de son roi, l’œuvre d’un siècle. Au bras de son père, elle passe l’immense grille dorée, où les lances de Mars pointées vers le ciel, lui font penser au brasier des dieux. Aux entrées des intérieurs, les gardes de la porte replacent leur bel uniforme bleu, pareil à celui des gardes du corps, si ce n’est que leurs galons sont différents. Les pauvres hommes doivent prendre le relais des gardes du corps, qui eux, veillent toute la nuit.

Le capitaine des portes s’empressent autour de Monsieur le marquis,mais celui ci est bien trop empressé d’exposer sa fille, qu’il lui fait juste un salut de tête, avant d’avancer plus loin. Rose ne peut s’empêcher de frissonner à la vue des de la carabine en bandoulière des gardes… Si Versailles a besoin de cela pour se protéger… Mais après tout, aux festivités, qui sait ce qui pourrait arriver ? Le peuple a le droit de se promener dans le parc, et n’importe quel noble désargenté, peut s’aventurer à voler les richesses des gens présents… Mais ce fut avec tristesse qu’elle posa ses yeux sur les tableaux de LeBrun. Alors qu’elle passait entre les échafaudages et les peintures murales, elle sentit son cœur se serrer au fur et à mesure que les représentations du Roi en Dieu Apollon, en Dieu Mars, ou autre divinité s’enchaînaient… Tandis que les autres s’en émerveillaient, elle voyait un tout autre côté du miroir…

« Pauvre Roi… pensa t elle tristement. Pauvre roi, mais quel orgueil ! songeait elle ensuite avec violence. »

Si fait que le roi est flatté à longueur de journée par des ministres avides faveurs, Sa Majesté ne peut en tirer qu’arrogance et supériorité ! Mais qui sait combien il en a besoin ! Ce roi, vous souvenez vous de ses jeunes années ? Lors de la terrible Fronde, dont il s’est promis de se venger ? Il a besoin d’être sûr de sa position, de se savoir intouchable, adulé, car la peur le hante… Il se rappel les nuits de terreur, avec sa mère, son frère, et le cardinal, chacun pétrifiés, entendant les coups de feu venant du dehors, et les cris de mise à mort contre Mazarin qui résonnaient entre les murs du Louvre… Les nobles n’ont plus la confiance royal, le roi est seul au pouvoir, il ne donne sa confiance à personne, hormis cet étrange personnage de Toussaint Rose. L’ancien secrétaire du cardinal, et à présent du roi, est le seul à pouvoir imiter la signature du roi à la perfection, si bien que Sa Majesté elle même s’y trompe parfois. Rose sourit, en pensant à la Grande Mademoiselle, cousine du roi, qui avait mit le feu aux poudres en 1652, afin de viser Turenne… En effet, même des femmes, même de sa famille il fallait se méfier…

Enfin, le marquis fit signe à sa fille de s’arrêter. Ils s’immobilisèrent devant une porte à double battants de la blancheur de la lune, et de l’or du soleil… Les gardes bleus se glissent sur le côté, afin de les laisser passer, et ouvrent les deux battants des portes… La fille posa une main sur le bras de son père, et fit un pas en avant, un pas qui résonna comme un destin se joue.


Un silence religieux se fit dans l’habituellement bruyante salle de réception. On regardait le couple qui venait d’entrer. Le marquis fut rapidement reconnu, mais sa fille, qui n’avait jamais foulé le seuil Versaillais, éveilla bien des chuchotements.
Elle semblait entourée d’un halo de lumière blanche évangélique, sa peau sans défaut fut prise en grippe par certaines nobles dames, qui se recouvraient le visage d’une crème blanche et pâteuse, pour arriver à un résultat encore incomparable au teint de Rose. (on pourrait enfoncer son doigt dans la grasse mixture de ces dames) Ses cheveux blonds avaient été domptés en de souples boucles, qui ondulaient jusqu’aux épaules, en une sorte d’huluberlu plus naturelle, qui faisait penser à la coiffure de la duchesse de LaVallière dans le tableau de Nocret.

Point de poudre, point de fard, ni de lourdes et grotesques coiffures. Elle avait glissé une rose du matin dans ses cheveux, d’un pur blanc, qui connotait avec sa robe et son visage.
Sa bouche rouge et pulpeuse, avait été à peine teintée, alors que la mode exigeait le sang, l’écarlate. Elle esquissait un impertinent sourire devant les grotesques personnages qui la regardaient avec des airs d’ahuris. Ses yeux, tels deux saphirs, glissaient de droite à gauche, passant des miroirs aux fenêtres, et grimpaient jusqu’aux imposants lustres. Elle avança gracieusement, sa robe bleue et blanche gondolant derrière elle comme une vague qui échoue sur le sable, moussant d’un blanc neigeux.

Son décolleté était agrémenté d’un fin collier d’argent et de saphirs, donnant une insolente délicatesse à la poitrine et à la gorge dénudée. Ses larges manches, bordées de fils étoilés, inspiraient une impression de rêve à la mystérieuse apparition. Sa main, longue et fine, gantée de satin blanc, était tenue par celle du marquis. Au contraire, grande et forte.

Levant dignement le menton, Rose continua sa démarche, telle une reine.
L’infante d’Espagne, justement, jouait aux cartes à une table de jeu. On entendait se perdre d’énormes sommes d’argent, que son riche mari remboursait au centime près. Si le titre de reine de France lui a été attribué grâce à son royal mariage, elle n’en récure aucune autorité ou respect. Cette petite femme grosse, courte sur patte, aux dents gâtées, à la trop forte gourmandise et à l’accent prononcé, se perd en jeux et sucreries, essayant ainsi de combler le vide qu’elle éprouvait, à cause du peu de tendresse que lui donnait son mari. Pourtant, elle l’aimait son roi cette petite Espagnole !

C’est pour dire avec quel empressement elle s’était préparée pour la nuit de Noce, sommant à ses soubrettes que Sa Majesté l’attendait ! Mais aussi, quel duo ! Le soleil, et la lune à n’en pas douter… Il rayonnait de par sa prestance, de sa droiture, et de son épaisse chevelure blonde, qu’elle s’éclipsait dans une ombre de teint hâlé, boursouflé, et de bourrelets… Le devoir conjugal accompli, le roi devait trouver une perle, la perle de beauté, la perle d’esprit, sa reine de cœur en quelque sorte.
Si, en parlant de reine, on voulait dire pouvoir, beauté, autorité et influence, il fallait dire :

« Athénais de Montespan ! »

(à suivre, j'espère que cela vous plait!)
Review Magie Versaillaise


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