Auteur : Shaheen Hits : 1761
Lady Oscar > Romance > The Other Her... >
The Other Her…

...
...
Note de l’Auteur :

...
- Salut à tous !
- Je ne le dirai jamais assez : l’inspiration est vraiment une chose imprévisible ! Alors me voici de retour avec cette nouvelle histoire !
- J’espère qu’elle vous plaira =)

- Cette histoire ce passe avant le bal.



1- That Wall In Your Heart…



- Cesse de faire l’enfant, Oscar ! s’impatienta André. Nous devons nous arrêter à une auberge afin de reprendre la route vers Paris dès demain matin… Il fait presque nuit et je sens qu’il ne vas pas tarder à pleuvoir.
- Pleuvoir ? ricana le Colonel en pointant son index vers le ciel. Es-tu… fou ? Regarde-moi toutes ces étoiles… Nous avons là un ciel d’été magnifique !… Magnifique, cher André !

Se taisant un instant, Oscar ferma les yeux, semblant lutter contre un vertige.

- Reposons-nous encore un moment, André… reprit-elle d’une voix enrouée. Je… n’ai pas la force de remonter à cheval…

« Dis plutôt que tu as trop bu ! » eut envie de répliquer son ami en avisant l’objet du délit : une bouteille d’alcool qui n’avait pas quitté les mains d’Oscar depuis qu’ils avaient quitté une petite taverne, quelques minutes plus tôt.
« … Dis plutôt que tu voudrais ne jamais retourner à Paris… »
« N’en as-tu pas assez ? » aurait-il voulu demander. « Est-ce si dur d’oublier ton suédois ? »

Ce court séjour sur les terres des Jarjayes était supposé lui permettre de reprendre des forces, mais le résultat fut tout l’inverse. Il ne l’avait jamais vue aussi fatiguée, aussi mélancolique, aussi triste, ni aussi… soûle, d’ailleurs.
Ah, Amours… soupira-t-il en faisant un pas vers elle.

- Et bien… S’il n’y a que cela, alors… monte avec moi.

Les joues roses, Oscar porta la bouteille à ses lèvres pour la énième fois puis s’esclaffa, semblant réaliser le sens de ses paroles.

- Ciel ! fit-elle d’un air faussement outré. Faire monter un… homme… sur ton cheval ! N’as-tu donc pas peur pour ta… pour ta réputation, cher André ?

A la voir trébucher sur les mots en déglutissant, se balançant légèrement de gauche à droite, André se laissa prendre au jeu. Cette facette d’elle était décidemment surprenante.

- Ma réputation ? répéta-t-il, un sourire amusé au coin des lèvres. J’ignorais que j’en avais une.
- Menteur ! répliqua Oscar avec ardeur. Toi et moi… et le reste du monde aussi, d’ailleurs ! Oui… tout le monde sait que… la seule chose qui empêche toutes ces femmes… Oui, toutes ! … de se jeter aux pieds d’André Grandier n’est autre que son sang !
- Pardon ? s’éclaffa André.
- Oui, André… Juste parce que tu… n’es pas noble ! Quel dommage, n'est-ce pas !

Dépourvu de répartie, André en haussa ses deux sourcils tellement il fut étonné par ces propos aussi flatteurs qu’incroyables de la part d’Oscar de Jarjayes.

- Pourquoi faire tant… de manières mon ami ? s’amusa la jeune femme, face à son silence prolongé. Croyais-tu que j’ignorais tout de l’int… de l’intérêt que portent ces dames à mon palefrenier ?
- … N’as-tu pas l’impression d’exagérer quelque peu, ma petite ? demanda-t-il en levant les yeux aux ciel.
- Oh, non non… Non, André… Parce que moi au… ssi… moi aussi, tu sais… Un jour je me suis arrêtée et je t’ai observé… Et j’ai vu… moi aussi…

Comme elle se taisait, André déglutit difficilement, se rendant compte qu’il était à présent littéralement suspendu à ses lèvres.

- Qu’as-tu vu…? insista-t-il.
- … Un homme ! déclara-t-elle en ouvrant ses paumes devant elle. Tu… es devenu un homme. Un homme très…
- Il suffit ! l’arrêta André. Je crois qu’il est vraiment grand temps pour toi de poser cette bouteille, maintenant.

Oh… Ce n’était pas qu’il était malheureux de savoir qu’elle le considérait comme un « homme », loin de là… Mais il avait capté une lueur nouvelle dans le regard embrumé d’Oscar… Une lueur qu’il avait peur de gérer.
Bon Dieu, comment s’était-il mis dans une telle situation ? se blâma-t-il en tentant de retrouver ses esprits.

Le brut d’un hoquet le fit sortir de ses pensées et il se tourna instinctivement, cherchant Oscar des yeux. Les contours du corps de la jeune femme se dessinaient gracieusement dans la nuit, ondulant au rythme d’une musique qu’elle seule semblait entendre.

A la voir ainsi, André eut un pincement douloureux au cœur.

- Veux-tu bien me donner cette bouteille ? demanda-t-il d’une voix tremblante.
- Oh ? As-tu soif, André ? demanda Oscar avec un sourire carnassier. Allez viens ! Buvons ensemble, cher…

S’élançant vivement en avant, André eut juste le temps de la rattraper alors qu’elle perdait l’équilibre, déstabilisée par ses propres mouvements. Soupirant, il la redressa tant bien que mal mais lorsqu’il voulut l’écarter, il sentit avec stupeur ses bras frêles se refermer autour de sa taille et sa tête venir se nicher dans son cou.

Ils restèrent ainsi pendant quelques battements de cœurs, enlacés sous le ciel étoilé, avec la Lune pour unique témoin.
Puis… enfin, elle parla…

- Ces bras d’homme… murmura-t-elle doucement. Qu’ont-ils… de si particulier pour faire battre tant de cœurs ? Les femmes sont-elles condamnées… à les désirer ?… Est-ce cela l’explication ?

Profondément ébranlé par les intonations fébriles de sa voix, André resta muet, se demandant avec incrédulité s’il avait bien entendu…

- Mais je peux le comprendre… reprit Oscar, ne lui laissant aucun répit. Une telle chaleur ferait… perdre la tête à n’importe qui, n'est-ce pas ?… N'est-ce pas, André ?

La jeune femme, n’ayant apparemment aucune conscience du « trouble » qu’elle occasionnait chez lui, se mit alors sur la pointe des pieds comme souhaitant lui parler sur le ton de la confidence.

- Et puis, cette odeur… chuchota-t-elle d’une voix rauque. Tous les hommes sentent-ils aussi bon ? Où est-ce seulement toi, André…?

Encore plus déstabilisé par le souffle chaud d’Oscar qui venait titiller sa nuque que par ses paroles totalement surréalistes, ce dernier resta encore une fois sans voix.

- Mais alors… pour qui te parfumes-tu de la sorte ? Ciel ! Aurais-tu une maîtresse, toi aussi ?!

A Ces mots prononcés pourtant d’une voix se voulant pleine d’espièglerie, un frisson glacé parcourut André de la tête aux pieds, le ramenant brutalement sur Terre.
Juste à cause de deux petits mots. Deux mots de trop.

« Toi aussi », avait-elle dit.
Comme « Lui ».
… Fersen, encore et toujours.

C’était à lui qu’elle pensait, c’était dans ses bras qu’elle voulait être. Lui…

Oscar était ivre, oui… Ivre de douleur.

Sentant son sang se glacer à cette pensée, André repoussa fermement l’objet de ses songes.

- Quel est donc ce regard, mon cher ? … Ma foi, tu aurais presque l’air inquiétant !
- Je te le répète pour la énième fois, Oscar… Pose cette bouteille.

Le ton sans appel et la menace à peine voilée contenus dans sa voix l’étonnèrent lui-même mais ne semblèrent aucunement ébranler la jeune femme, qui pointa son index vers lui, souriant largement.

- Oh… Il en est… hors de question. Pourquoi donc… ferais-je une chose pareille ?
- Parce que tu es soûle.
- Soûl, André ! rectifia-t-elle. Soûl ! Je suis un homme, aurais-tu donc oublié ?!

Le petit rire cynique qui accompagna cette question plongea André dans une sorte d’apathie. Il ferma les yeux, tentant de faire abstraction de la présence de cette petite voix dans sa tête. Cette voix qui se faisait un devoir d’interpréter pour lui chaque mot que prononçait la jeune femme, chaque sourire… chaque expression.
Comme il pouvait se maudire de savoir si bien lire en elle… de savoir si bien interpréter chacun de ses soupirs…

Au bout de longues secondes, André abandonna finalement ce combat perdu d’avance et se résigna à affronter la vérité. Et cette confrontation tant redoutée fut si douloureuse qu’il sentit ses poumons se vider d’air, le faisant presque suffoquer.

« Tu sais ce qui la tourmente, André… Elle aurait voulut être une femme comme les autres… à ses yeux à lui… Pour lui… » lui répétait la petite voix.

- Je suis encore là, André !… Pourquoi fermes-tu les yeux ?!

Ne pouvant retenir son geste, André la contempla de nouveau. Et il vit inéluctablement ce qu’il craignait tant de voir dans ses yeux : de la détresse, de la colère, de la douleur…

- … Te voir ainsi m’insupporte, avoua-t-il d’une voix sourde.
- Ainsi ? Qu’entends-tu par là ?… Sois plus clair, André ! Je t’écoute.

Devant cette réponse inattendue, André arqua un sourcil. Il avait parlé librement, convaincu qu’Oscar se détournerait du sujet –trop personnel, sans doute– par une pirouette, comme à son habitude. Mais à sa grande surprise, elle se planta devant lui, semblant le défier de poursuivre.

Défi qu’André ne pouvait décemment refuser.

- … Je déteste te voir souffrir, Oscar.

Seul un petit rire sarcastique fit écho à cette douloureuse confidence.

- Souffrir… répéta la jeune femme cyniquement. N’en a-t-il pas toujours été de la sorte ?

Pas l’ombre d’une hésitation ne se refléta dans ses yeux à ces mots si bien qu’André en resta interdit. Les yeux d’Oscar étaient soudain si obscurs… si graves, qu’il se sentit déchanter.
Elle devait sûrement plaisanter… se répétait-il intérieurement. Elle ne pouvait pas penser des horreurs pareilles !

- J’ose espérer que non ! s’écria-t-il, les yeux écarquillés.
- Oh, pour l’amour du Ciel ! Cesse de te leurrer, André… Peut-être préférais-tu simplement me voir le cacher.

Oscar se tut alors puis avança vers André et se tint si près de lui que leurs souffles se mêlaient.

- Mais je n’ai jamais rien pu te cacher, André… N'est-ce pas ? dit-elle, un sourire amer au coin des lèvres.

Aussi troublé par leur proximité que par ces mots, André repoussa Oscar sans ménagement.

- … Jamais, oui ! s’écria-t-il. Je lis en toi comme dans un livre ouvert, ma chère ! Je ressens la moindre émotion, le moindre frémissement, si bien que tu n’as rien besoin de me dire pour tout savoir…!
- Et alors, André ? Ne serait-ce pas cela qui te fait fermer les yeux, en réalité ?… La vérité est-elle si répugnante ?

Peut-être André n’aurait-il pas pris si à cœur la question s’il n’avait pas été aussi éreinté. Sans doute aurait-il même remarqué les yeux de la jeune femme redevenus limpides tout d’un coup, et le sérieux de son expression…
Mais le jeune homme, aussi résonné et réfléchi fût-il, avait aussi ses limites. Et l’une d’elle venait sans conteste d’être franchie…

André sentit le changement en lui. Il sentit ses phalanges se resserrer, faisant se refermer ses poings jusqu’à faire blanchir les jointures. Il sentit le sang s’échauffer dans ses vaines, et se mettre à bourdonner à ses oreilles…

Un sentiment voila son esprit… la colère. Celle qui naissait au plus profond de l’âme et se répondait tel un poison, vous ôtant toute cohérence et vous laissant à sa merci.
Les mots… ces mots, tant de fois retenus, allaient lui échapper sans qu’il ne puisse les retenir. Il n’en avait aucune envie, d’ailleurs… Pourquoi s’arrêter?
Relevant vivement la tête, il la défia du regard.

- La vérité ? répéta-t-il avec une lenteur calculée. Entends-tu celle où une femme déguisée en homme tombe amoureuse de l’amant de celle qu’elle doit protéger ?

Soufflant bruyamment, André observa avec désespoir la mâchoire d’Oscar se crisper et son regard devenir fuyant… Il sentit aussitôt chaque parcelle de son corps se mettre à trembler, en proie à une détresse longuement refoulée.

Encore une fois, elle se détournait de lui.
Encore une fois, elle se taisait.
Encore une fois…

- Oh non, Oscar… reprit-il d’une voix sourde. Cette vérité-là n’est pas répugnante… ironique, tout au plus… C’est l’autre qui l’est !

Se sentant sur le point de se faire submerger par des émotions trop fortes pour être contenues, André n’eut d’autre choix que de battre en retraite…
Tête baissée, il se détourna en s’éloignant à grandes enjambées en directions des chevaux. Mais Oscar s’élança à sa poursuite.

- André, attends ! appela-t-elle en la retenant par le bras.

D’un mouvement brusque, André se dégagea, lui lança un regard noir puis lui tourna de nouveau le dos, mais elle le retint encore, le faisant se retourner.

- L’autre ?! Quelle autre ?!

André freina tout de suite son élan et s’immobilisa, légèrement essoufflée par son effort.
Il demeura pourtant ainsi, opposant à la question d’Oscar un silence pincé. Dieu seul savait ce qu’il pourrait bien dire s’il ouvrait de nouveau la bouche…

- Quelle autre vérité trouves-tu donc répugnante, André ?! répéta donc la jeune femme. Réponds-moi !

Le peu de maîtrise que s’acharnait à garder André fendit comme neige au soleil tandis qu’il se dégageait avec brusquerie, pointant un doigt accusateur vers elle.

- Quelle valeur ai-je à tes yeux, Oscar ? demanda-t-il d’une voix tremblante. Fais-je seulement partie du décor tel un vieux tableau qui a toujours été accroché là et que l’on est juste habitué à regarder ?
- De quoi parles-tu, André ?… Je ne comprends pas.
- Je n’ai jamais détourné mon regard de toi, même lorsque tu étais au plus bas de ta forme… Jamais. Au contraire, je restais là à attendre… encore et encore…
- Attendre quoi, pour l’amour du Ciel ?!
- … Que tu le dises ! s’écria-t-il, la faisant sursauter. Que tu le cries !!… Que tu t’exprimes devant moi au lieu de toujours souffrir en silence. Rien ne m’aurais fais plus plaisir que de t’entendre te plaindre, Oscar… Me dire simplement ce que tu as sur le cœur… Me laisser partager ta douleur…

Sa voix se brisa sous l’émotion et André qui avait à peine murmuré ces dernières paroles, se détourna, ne pouvant plus la regarder en face.

- Mais cela n’est jamais arrivé ! poursuivit-il cependant. Cela n’arrivera jamais, n'est-ce pas ?

Inspirant profondément, le jeune homme reprit plus doucement :

- Moi aussi… Moi aussi, je suis de l’autre coté de ce mur que tu as dressé entre toi et les autres, et… quoi que je fasse, je n’arrive toujours pas à le franchir. Voilà ce qui me fait fermer les yeux, Oscar…

Le ton avait baissé, la colère aussi… ne restait plus qu’une sorte de résignation et d’amertume mêlées.

Inspirant profondément, André secoua doucement la tête et observa Oscar. Celle-ci se tenait immobile, le visage pâle, ses yeux bleus embués le fixant d’une émotion qui fit immédiatement bondir son cœur.
Il lisait dans son regard une myriade d’émotions mais celle qui lui asséchait la gorge était définitivement la peur. Pure, angoissante, inquiétante…

… Celle de le perdre. Lui.

- Je… ne savais pas… bredouilla Oscar péniblement. André… Que puis-je dire… Je crois que sans toi, il y a longtemps que j’aurais… que j’aurais… Sans toi, je…

La voix de la jeune femme était brisée par les larmes qu’elle tentait de contenir. Elle déglutit à plusieurs reprises, ouvrit la bouche, puis secoua la tête en signe de résignation.

Mais André ne se mit pas en colère, cette fois-ci. Bien au contraire, il eut subitement envie de serrer contre lui ce corps qui transpirait de sincérité.

Le temps sembla se figer un instant, prêtant à ces deux êtres déchirés, un moment d’intimité condamnable qui laissa leurs prunelles humides se peindre de désirs inavouables.

Ce fut lui qui rompit cet échange brûlant qui atteignait leurs chairs et leurs âmes en fermant les yeux. Lorsqu’il les rouvrit, une fraction de seconde plus tard, la jeune femme n’était plus là.

Incrédule, André resta un moment figé puis se retourna juste à temps pour la voir détacher son cheval puis se hisser sur son dos avant de le lancer au galop.

Le jeune homme ne mit qu’une fraction de seconde à réagir pour en faire de même et se mettre à sa poursuite.
Il avait tout à coup tant de choses à dire, tant de doutes à effacer, tant de promesses à faire… Il ne pouvait pas laisser passer cette discussion se terminer de la sorte… Il ne pouvait pas la laisser partir sans lui dire les mots qui brûlaient sa gorge.

« Ne t’inquiète pas… Ne crains rien… Jamais, je ne te laisserai… Je serai toujours là, malgré tout… »

Haletant, le sang bourdonnant à ses oreilles, André essuya ses yeux douloureux, la pluie cinglant son visage.
Depuis combien de temps s’était-il mis à pleuvoir, d’ailleurs ?

André ne s’attarda pas sur la question lorsqu’il distingua grâce aux faibles rayons de la Lune, un reflet au loin. La rivière, comprit-il immédiatement. Et Oscar fonçait droit devant sans se détourner de sa trajectoire.
Une angoisse sourde s’emparant de lui, la respiration d’André s’accéléra davantage tandis qu’il battait avec désespoir les flancs de son cheval.

Se pourrait-il qu’elle ait perdu connaissance ? se demandait-il, le cœur battant… Et si… Et si…

- Oscar !! s’écria-t-il avec désespoir. Que fais-tu ?!! Tire sur les reines !! Oscar !!!!!!

Mais il était trop tard.
Arrivé au bord, le cheval se braqua en poussant un hennissement sans fin, et André observa avec des yeux exorbités le corps d’Oscar voltiger dans les airs avant d’être englouti par les profondeurs sombres de la rivière.

- Non… murmura-t-il. Non… Oscar !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!


--------------------------------------------------------------------------



Des voix lui parvinrent peu à peu tandis qu’une douleur lancinante dans son crâne s’imposait brutalement à elle. Serrant la mâchoire, se contraignant à ne pas gémir, elle garda les paupières closes et écouta attentivement la discussion.

- … Oui, elle est très belle. Tu as bien fait, Jean…
- Merci, m’sieur le Comte. Je pensais bien qu’elle vous plairait...

Un silence se fit, seulement interrompu par des pas se rapprochant d’elle. La jeune femme resta immobile, le visage détendu.

- Elle est curieusement vêtue. Pourquoi porte-t-elle un pantalon comme les hommes…?
- On rentrait pour le souper lorsqu’on l’a vu près de la rivière, m’sieur. Au début, de loin, on a cru qu’c’était un homme et pis’… avec son habit mouillé… y avait plus de doutes…
- Bien… Lorsqu’elle sera réveillée, vous l’emmènerez au domaine. Vus ses vêtements déchirés, elle doit être vraiment très pauvre…

Les voix semblèrent alors s’éloigner et la jeune femme profita de cet instant pour ouvrir les yeux. Elle scruta rapidement les alentours. Elle se trouvait dans une sorte de grange uniquement éclairée par des lanternes de ci de là, donnant à l’atmosphère des lieux un aspect intime et cependant inquiétant.

Sentant ses membres engourdis se rappeler à elle, elle tenta de les détendre mais à peine avait-elle bougé ses jambes que le bruit d’un craquement attira l’attention des deux hommes.
La jeune femme se releva aussitôt tant bien que mal, regardant d’un œil mauvais celui qui semblait être le « Comte » se diriger vers elle.

Il devait avoir une quarantaine d’années environs, assez grand. On pouvait aisément deviner sous la coupe élégante de son habit d’un bleu pâle, qu’il était assez athlétique. Ses cheveux châtain et quelques peu ébouriffés, adoucissaient un visage aux très dynamiques sur lequel trônaient des yeux d’un noir pénétrant.

Il était incontestablement très bel homme, mais il y avait en lui quelque chose qui la dérangeait. Une sorte de malaise la gagna aussitôt…

L’homme s’arrêta finalement devant elle, la dévisageant avec insistance et admiration.

- Incroyable… Je n’avais jamais vu de tels yeux…

Le voyant approcher une main décidée vers son visage, la jambe de la jeune femme bougea d’elle-même pour venir s’écraser contre l’abdomen de sa fraîche rencontre, le faisant se plier de douleur.

- Diantre ! s’écria celui-ci dans un gémissement de douleur. Comment osez-vous ?!

Le deuxième homme accourut immédiatement vers elle, l’immobilisant sans ménagement.

- Tout va bien, m’sieur le Comte ? demanda-t-il à l’intention de l’agressé.
- Suffit, Jean… tonna ce dernier. Relâche-la. Me crois-tu donc assez bête pour me laisser avoir deux fois de suite ?
- Bien, m’sieur.

La jeune femme sentit à peine les mains du dit Jean relâcher leur prise sur elle qu’une poigne ferme enserra brutalement sa gorge.
Le pressentiment de la jeune femme se confirma aussitôt à la vue du regard farouche que posa le Comte sur elle, mais elle releva dédaigneusement la tête, dardant son regard dans le sien.

- Qui êtes-vous ? demanda-t-il d’une voix froide.
- Commencez donc par vous présenter, répliqua-t-elle sur le même ton.

L’homme haussa les sourcils, semblant surpris par l’assurance avec laquelle elle s’était exprimée.

- Bien bien… fit-il avec un sourire sarcastique. Je suis le Comte Edward de Villiers. Maintenant… qui êtes-vous ?
- Je suis…

La jeune femme s’interrompit lorsqu’un voile sombre passa devant ses yeux. La tête lui tourna et elle sentit un vertige caractéristique la gagner.

- Je… je ne sais pas… qui je suis… Mon Dieu…

Des images, des sons, se bousculèrent dans sa tête et tout d’un coup, tout devint noir…



(A Suivre)
Review The Other Her...


Disclaimer .:: géré par Storyline v1.8.0 © IO Designs 2002 ::. Design adapté par korr