Faites un voeu ...
... 4 août 1788 ...
En cette belle soirée d'été, la famille Jarjayes s'était unie à la famille de la Rolancy pour fêter les 9 ans de Loulou, la seule fille d'Hortense, la soeur aînée d'Oscar ...Le repas à la lumière des lampions s'était déroulé dans une bonne ambiance. André et Grand-mère étaient également présents, non en tant que domestiques mais en tant qu'invités, Hortense les considérant comme des membres à part entière de sa famille. Vers la fin du repas, le Général avait quitté la table et semblait avoir disparu. Loulou piétinait d'impatience à l'idée de souffler ses bougies, car bien sûr, elle formulerait alors un voeu ! ... Voeu que tout le monde connaissait puisqu'elle le renouvelait chaque année :
« Epouser André ! »
Oscar s'étranglait de rire à chaque fois qu'elle le prononçait ! Elle riait surtout de la tête que faisait ce pauvre André d'année en année ... Grand-mère n'osait dire un mot (chose rare) , Hortense soupirait longuement, son époux donnait une grande claque dans le dos d'André en lui soufflant un : ''bienvenu dans la famille ''...Quand au Général : nul ne savait à quoi il pensait à ce moment là ...
Oscar : «Cette fois André, tu as de la chance, il fait nuit , on ne te verra pas rougir ! Ah ah ah ...»
André (levant les yeux au ciel ) : « ...pfft ... »
Grand-mère : « Oscar ! Au lieu de dire des bêtises aides-nous plutôt à chercher ton père ! ...Il se fait tard et il est temps pour Loulou d'aller se coucher ! »
Oscar obéit à Grand-mère sans toutefois s'empêcher de rire à la vue d'André désespéré ...Il lui faisait l'effet d'être un condamné attendant sa pendaison ! ... Loulou sera-t-elle celle qui lui passera la corde au cou ? Quand soudain, Oscar aperçut sa soeur sur la terrasse, surplombant les jardins ! Elle alla de ce pas à sa rencontre ...
Oscar : « Hortense, as-tu vu Père ? Grand-mère m'envoie le chercher pour qu'il aille découper le gâteau, après que ta fille ait fait son voeu bien sûr ! »
Hortense : « Oui, je viens de le voir à l'instant quitter la maison pour les jardins ...Mais ...Dis-moi Oscar ... Quelque chose m'inquiète ...Comment va Père ? ...Je veux dire ...Je le trouve fatigué, amaigri ...vieilli même, depuis la dernière fois que je ne l'ai vu. Il a aussi très peu mangé ce soir ... »
Oscar : « Et bien ...Il va mieux ... sans doute. Je t'avoue qu'on ne m'a pas mise dans la confidence ... »
Hortense : « Mais vous vous voyez tous les jours ou presque ...Tu as tout de même remarqué qu'il n'avait bu qu'un seul verre de vin ce soir ...de tout le repas !...En fait, depuis deux jours que vous êtes là je ne l'ai pas vu fumer une seule fois sa pipe non plus ! Serait-il encore malade du coeur ? »
Oscar écoutait sa soeur ainée tout en cherchant son père du regard ... Bien qu'en réalité elle fuyait le regard de sa soeur, n'ayant pas de réponse à lui donner ...Elle en était honteuse à cet instant. Elle qui vivait sous son toit au quotidien n'avait rien vu de ces changements ! Elle admettait donc avec beaucoup de difficultés qu'elle ignorait tout de l'état de santé de son père. Celui-ci semblait s'être remis de son malaise cardiaque, survenu 8 mois plus tôt ! De questions, les paroles d'Hortense étaient devenues accusations ...
« Excuses-moi » ...bafouilla alors Oscar , « ...Je vais le chercher ! »
Sans pouvoir soutenir son regard, Oscar fila dans les jardins faiblement éclairés à cette heure tardive ... Mille questions se bousculaient dans sa tête ...Souffrait-il toujours de son coeur ? Voyait-il le docteur Lassonne pour ça ? Etait-ce lui qui l'avait mis au régime ? ... Etait-ce grave ?
Au bout d'un quart d'heure, Oscar repéra enfin la silhouette du Général. Assis sur un banc, celui-ci fixait le ciel sans nuage. Oscar ralentit ses pas à son approche et s'immobilisa ...
Le Général : « Et bien mon enfant, vous fais-je donc peur au point que vous ne vouliez vous asseoir près de moi ? »
Oscar (détaillant son père) : « Non Père ! »
Le Général : « Dans ce cas, rejoignez-moi sur ce banc ! »
Oscar s'exécuta mais resta à distance avant d'ajouter comme pour justifier le dérangement qu'elle lui causait : « Grand-mère m'envoie vous chercher ...Loulou va souffler ses bougies ... ».
Le Général : « ... Et faire un voeu ! ...Comme moi ! »
Oscar (étonnée) : « Comme vous Père ? »
Le Général , qui s'était glissé jusqu'à la prendre contre lui, tout en lui faisant lever les yeux) : « Oui , Oscar ...comme moi ! »
A cet instant, une pluie d'étoiles filantes traversa le ciel ...laissant des traînées orangées zébrer l'obscurité. Comme chaque année, au mois d'août, des météorites avaient fait leur entrée dans la voûte céleste, enchantant cette année-là un père et sa fille !
Le Général : « Vous avez fait un voeu ? »
Oscar : « Oui ...»
Le Général : « Le mien est d'être là l'année prochaine, auprès de vous et de votre mère ...et pour encore de longues années ... Et le vôtre ?»
Oscar (les larmes aux yeux) : « Père ! Vous ne devez pas le formuler à voix haute, sinon il ne se réalisera pas ! ... »
Le Général : « Vous avez raison , c'est dommage ...J'ai gâché ce voeu-là ...et peut-être d'autres choses ... Bien ! Allons-y maintenant, un gâteau nous attend ! »
Oscar ( séchant ses larmes qu'elles voulaient cacher à son père) : « Et Loulou ! »
* * *
Un an plus tard, dans la roseraie de Jarjayes, un vieil homme pleurait sous une pluie d'étoiles filantes ... Son voeu ne se réaliserait plus jamais.
Le Général : « C'est vous qui aviez raison Oscar ...Je n'aurai pas du le dire tout haut ! »
Oscar s'était éteinte en ce 14 juillet 1789, soit trois semaines plus tôt, rejoignant André dans les étoiles ...Elle avait toutefois fini par réaliser son rêve : trouver son âme soeur ...
FIN. |