Oscar galopait dans la nuit, affolée, aux cotés de Fersen qui se laissait distancer, ne parvenant pas à la suivre. Elle fouettait son cheval du plus fort qu’elle le pouvait avec pour seule pensée d’arriver à temps pour Le sauver.
« Ah cet idiot si il m’avait écouté on n’en serait pas là en ce moment, pourvu que j’arrive à temps … mon Dieu, et si il était déjà trop tard … non c’est impossible … »
Allez plus vite, Yahhhhhhh
Elle ne regardait même pas les rues qu’elle empruntait, tout cela se faisait instinctivement, son esprit était ailleurs, elle se remémorait cette journée fort agréable malgré ce mauvais pressentiment qu’elle avait eu dès le matin, ainsi que les évènements de ce soir surtout, évènements qui les avaient mis dans cette situation ….
"André, tu vas vraiment y aller habillé comme cela ?
- Mais oui Oscar bien sur, tu sais, je pense que ça amusera certains de nos amis …
- Nos amis oui mais c’est quand même de mauvais goût, ça risque de ne pas plaire à tout le monde
- Oh ces histoires de masque noir c’est du passé, depuis que tu as stoppé Bernard dans ses méfaits personne n’y pense plus, alors ces messieurs de la noblesse ne devraient pas le prendre de mauvaises façons.
- Très bien si tu y tiens, mais sache que je ne suis pas du tout d’accord avec toi."
Ah si André l’avait écouté, on n’en serait pas là à présent, pensait Oscar en poussant encore sur sa monture. Et elle, pourquoi, mais pourquoi ne pas lui avoir interdit d’y aller avec cet accoutrement ?
L’idée de Marie-Antoinette d’organiser un grand carnaval comme à Venise n’avait surpris personne à la cour, en effet cela paraissait être un des caprices de plus de cette souveraine dépensière et qui ne songeait qu’à s’amuser. Oscar, quand à elle, n’avait pas souhaité se mêler à ce qu’elle appelait une « mascarade » mais la Reine lui en avait fait la demande personnellement. Du coup elle en avait fait part à André qui semblait quant à lui amusé de participer à ces festivités.
André avait même convié Rosalie. Même si cette dernière ne logeait plus à la demeure des Jarjayes, vu que les retrouvailles entre Oscar et elle étaient somme toute assez récentes, il s’était dit que l’idée de convier celle qui partagea leur vie pendant une longue période ferait plaisir à Oscar, et à lui par la même occasion. Rosalie refusa tout d’abord mais elle céda rapidement à la perspective de passer quelques jours, le temps des préparatifs, aux cotés de celle qu’elle aimait encore, et partager ce carnaval avec elle la remplissait de joie. Alors elle accepta avec anxiété … « Mais que va en penser Oscar ? » Oscar, elle, était ravie de l’initiative d’André et accueillit son amie les bras ouverts.
Et c’est vrai que les préparatifs furent agréables ces derniers jours à la demeure familiale, la bonne humeur était de mise et tout le monde semblait ravi, à commencer par Grand-Mère, excitée a l’idée de costumer les deux jeunes femmes qu’étaient Oscar et Rosalie et qui transmettait sa jovialité à l’ensemble de la famille. Quand à André, il avait refusé son aide :
«J’ai déjà mon idée quand au costume, mais ça restera secret jusqu’au dernier moment … » avait-il lancé, énigmatique.
L’ambiance retomba assez nettement la veille au soir, au moment de l’essayage. Rosalie était superbe, comme à son habitude, dans un costume de courtisane du XII ème siècle qui lui allait à ravir, quant à Oscar, elle avait choisi de rester plus classique avec un costume de simple soldat des gardes françaises, ce qui lui permettrait, pensait-elle, de pouvoir intervenir en cas de problème sans être gênée par son accoutrement. Une fois le tour d’André de faire admirer son costume quelle ne fut pas la surprise des trois femmes de le voir arriver avec le costume du masque noir, costume qu’il utilisa à l’époque pour tendre un piège à ce dernier. Cet accoutrement jeta un froid parmi la petite assemblée mais André tenait vraiment à ce costume «De toute façon je n’ai rien d’autre de prêt pour demain », donc Oscar préféra se taire et laisser faire celui pour qui elle se découvrait des sentiments de plus en plus importants.
Ce n’est que le lendemain matin qu’elle réalisa à quel point ce costume était une erreur et quelles pouvaient en être les conséquences. De la cette petite conversation avec André et le refus de ce dernier de changer d’idée.
« Après tout pourquoi pas, c’est de l’histoire ancienne ce masque noir, je suis bête de m’en faire pour cela …»
La journée se passa donc relativement bien, ce malgré le tourment d’Oscar, il faisait beau temps et cela était de bonne augure pour la grande fête. Les amis se préparèrent donc avec l’aide de Grand-Mère et partirent tout les trois pour Versailles dans la berline aux armes des Jarjayes, sans se douter que cette soirée allai bouleverser leurs vies …
A peine arrivés à ce carnaval, Oscar changea d’avis sur la tenue d’André. En effet les personnes présentes semblaient amusées par cet accoutrement, ainsi que par celui d’Oscar d’ailleurs, même si les regards notamment masculins se portèrent très vite sur Rosalie. Celle ci en effet était très belle dans sa tenue de courtisane qui, vu l’époque de la tenue, ne laissait apparaître aucun de ses charmes, pas même son cou, mais ce mystère sur ce corps complètement caché ainsi que sur cette somme toute mystérieuse jeune femme qui n’avait fait que peu d’apparitions à la cour attisait les curiosités et les convoitises des hommes.
Les convives attendaient assez patiemment l’arrivée de Ses Majestés pour démarrer les festivités qui devaient durer la nuit et le lendemain, même si une rumeur persistante circulait véhiculant l’absence du Roi, ce qui serait un terrible aveu de désaccord envers Marie-Antoinette pour ce carnaval qui allait creuser un peu plus le gouffre financier du Royaume, et qui allait par la même occasion attiser un peu plus l’exaspération du peuple envers cette Reine qui décidément ne faisait que dépenser sans compter.
"Tu vois Oscar, mon costume est du plus bel effet et a beaucoup amusé ces beaux messieurs.
- Oui mais prend garde quand même André on ne sait jamais ce qui pourrait arriver, j’aimerais que tu restes avec moi ce soir, je suis tout de même inquiète.
- Bah, ne t’en fais pas, de toute façon ils n’ont d’yeux que pour Rosalie …
- Ecoute André ! je te le demande au nom de notre amitié, promets moi de rester avec moi ce soir, tu sais les tensions qui règnent ces derniers temps au sein de la noblesse, j’ai peur que ton accoutrement n’exaspère certaines personnes et que ça tourne mal …
- Oscar, tu te fais bien du souci pour pas grand chose tu sais, enfin c’est comme tu voudra, mais tout ceci n’est qu’un jeu"
Et puis comment pourrais-je passer la soirée avec toi alors que tu ne rêves que de danser avec Axel de Fersen, même si ton costume de ce soir ne te le permet pas ? Ne vois-tu pas que je souffre Oscar ?
La Reine apparut enfin pour lancer les festivités. Sa robe était magnifique, comme une provocation supplémentaire envers les sujets de ce royaume. Elle avait du coûter une fortune. Comme pour la quasi-totalité des femmes, ce bal costumé n’était pour elle que l’occasion, outre de s’amuser, d’étaler une foi de plus sa fortune en publique. Et c’est ce que désapprouvait le Roi.
" Oscar, à priori le Roi n’a pas voulu se mêler à tout ceci.
- Ah Rosalie, je m’en doutais tu sais, et tu sais aussi bien que moi que je ne souhaitais pas venir ici, à part pour m’occuper de la sécurité.
- Oui je sais bien Oscar, en tout cas contrairement à vous, André à l’air de beaucoup s’amuser déjà.
- Amuse-toi aussi Rosalie et profite de ce carnaval assez unique, une telle occasion ne se représentera pas tu sais …"
Oh Oscar comment pourrais-je m’amuser alors que mon cœur souffre de votre présence à mes côtés ce soir, sans pouvoir danser avec vous, sans pouvoir vous crier mon amour … vous que j’aime tant …
Perdue dans ses pensées Rosalie ne prêtait plus guère attention à ce qui se passait autour d’elle. Pourtant le bal commençait à battre son plein et la soirée qui débutait aurait dû l’émerveiller, elle qui venait des couches sociales défavorisées. Mais elle ne pouvait détacher son esprit de sa belle Oscar, qu’elle aimait, mais qu’elle admirait aussi pour ses convictions contre les excès de la noblesse alors que le peuple mourrait de faim. Là, elle ne put se retenir…
"Oscar, m’accorderiez vous cette danse ?
- Comment Rosalie mais tu n’y penses pas ?
- Oscar … Pardonnez-moi … mais une seule fois …de toute façon tout le monde pense que vous êtes un homme …"
Oscar sentit son amie désespérée, et lui accorda donc ce qu’elle demandait, et les deux femmes se lancèrent dans le tourbillon des danseurs. L’émotion gagnait le cœur de Rosalie et des larmes perlaient sur ses joues. Cette émotion se transmettait aussi jusqu’au cœur d’Oscar qui se sentait envahie d’une envie soudaine d’embrasser sa cavalière, bien que cela l’aurait dégoûtée il y a à peine quelques minutes. Etranges sentiments mêlés d’attirance et de répulsion, peut-être aussi le goût de l’interdit chez ce caractère assez rebelle et atypique, ainsi que le bonheur d’oublier quelques instants la souffrance que lui apportait son amour pour Fersen.Inconsciemment les deux femmes, qui ne disaient mot, se dirigeaient vers une porte tout en dansant.
"Oscar, je vous aime !"
A cet aveu Oscar ne put résister, elle tira Rosalie vers la porte qui donnait sur une arrière salle, ouvrit cette porte et pénétra rapidement dans cette pièce déserte, tirant avec elle son amie qui allait devenir l’espace de quelques minutes son amour.
" Ne dis rien !
- Ahhh Oscar …."
Les deux femmes s’embrassaient à présent, et pour la seconde fois Oscar ressentait en elle ce désir sexuel fou qu’elle avait connu lors du bal et de sa danse avec Fersen. Rosalie quant à elle, tremblait et pleurait d’émotions.
André avait bien remarqué cette semaine que les sentiments amoureux de Rosalie pour Oscar ne s’étaient pas éteints. Mais autant à une certaine époque ça l’avait plutôt amusé, autant en ce moment il avait du mal à contenir son agacement devant la situation. En effet il sentait Oscar de plus en plus vulnérable suite à ses déconvenues avec Fersen et de plus il se découvrait au fil du temps des sentiments de plus en plus forts envers son amie d’enfance.
A son arrivée au bal André fut rassuré. En fait la demande d’Oscar de rester avec elle le ravi bien qu’il feigne en être ennuyé, et cette dernière semblait complètement détachée de Rosalie. Lorsqu’il revint quelques minutes après s’être éclipsé, quelle ne fut pas sa surprise de voire Oscar et Rosalie dans les bras l’une de l’autre en train de danser …
"Mais ce n’est pas vrai !!! s’écria-t-il …
- Plaît-il ? demanda d’un ton interrogateur une dame à côté de lui
- Rien, rien … Pardon …" balbutia André qui ne lâchait pas du regard les deux jeunes femmes
Lorsqu’il les vit entrer dans la petite pièce adjacente, il ne put se contenir. Il se précipita vers la porte de celle-ci. Mais au passage un bras vigoureux le retint.
" Ola André, on ne salue plus son cher ami Axel de Fersen ?
- Ah Fersen pardon je ne vous avais pas vu."
En effet, tout à sa hâte, combinée à ses problèmes de vue, André n’avait pas vu l’arrivée du suédois.
" Mais, où cours-tu donc comme cela André ?
- Oscar … Oscar m’attend, elle a besoin de moi …"
Et sur ces mots il ne termina même pas sa phrase, cloua Fersen sur place et ouvrit la porte. Là, il resta choqué par sa vision, Oscar avait le haut de son costume de la garde ouvert et Rosalie y avait plongé une main, pendant qu’enlacées les deux femmes s’embrassaient.
"Oscar ! Rosalie !"
Les deux femmes se tournèrent vers André, Oscar était terrorisée, comprenant ce qu’elle venait de faire, alors que Rosalie semblait à peine gênée, assumant totalement ses actes.
" Retournons dans la salle de bal !
- Bien Oscar …"
Oscar avait dit cela d’un ton qui ne souffrait aucune réplique. Oscar boutonna rapidement son costume et les trois amis sortirent sans dire un mot. Le premier acte du drame venait de se jouer …
Le bal était un vrai succès, et l’humeur d’Oscar tranchait avec celle des autres participants. Elle n’avait plus parlé à Rosalie depuis qu’André les avait surprises.
Quelle horrible soirée ! ! ! Et tellement longue... Oscar n’avait qu’une envie : que ce bal se termine.
Ainsi, elle pourrait enfin rentrer chez elle et dormir et ne plus penser à ce qui était arrivé.
Au bout d’un moment, elle se décida et se dirigea d’un pas ferme vers Rosalie.
"Rosalie. Il se fait tard. Nous partons. André, inutile de nous accompagner, tu peux rentrer directement chez nous."
Le ton sec d’Oscar fit monter les larmes aux yeux de Rosalie.
" Mais Oscar... Le bal n’est pas terminé. Et puis, nous venons à peine d’arriver..."
Le regard d’Oscar dissuada Rosalie de continuer à protester. Elle aurait pourtant tant aimé rester un peu plus. Avec un peu de chance, Oscar aurait peut-être accepté de danser une nouvelle fois avec elle. La première danse n’avait pas été si désagréable, elle avait eu l’air de plaire à Oscar... Cependant, Rosalie ne dit mot de ses pensées et se prépara à partir ! André, quant à lui, était très inquiet. Oscar venait de l’écarter, sans doute pour rester seule avec Rosalie. Après ce qu’il venait de voir, il se demandait ce qui pourrait bien se passer quand Rosalie et Oscar seraient seules dans la berline ! ! !
Et puis, comment André pouvait-il bien rentrer ? Oscar avait sans doute oublié qu’ils étaient venus tous les trois ensembles ! ! ! Mais quand Oscar parlait d’un ton si froid, inutile de discuter. Il allait une fois de plus devoir se débrouiller.
Oscar vit André sortir de la salle de bal, apparemment de mauvaise humeur. Elle se dit qu’elle devait peut-être avoir une explication avec lui avant de partir et commença à le rejoindre puis se ravisa.
« Tu es complètement folle ma pauvre Oscar. Et que vas-tu lui dire ? Tu ne sais pas toi-même ce qu’il t’a pris de faire une telle chose ! ! ! »
Le trajet du retour parut interminable à Oscar. Cette dernière était complètement horrifiée par son comportement avec Rosalie. Jusqu’à présent Rosalie ne l’avait pas particulièrement attirée. Elle avait beaucoup d’affection pour elle, bien sûr, mais pas de ce genre. Evidemment, elle avait bien remarqué que la façon dont Rosalie la regardait n’était pas vraiment innocente, mais jamais elle ne l’avait encouragée... Jusqu’à ce soir...Comment une telle chose avait-elle pu se produire ? Bien sûr, cela n’était pas étonnant de la part de Rosalie, Oscar avait toujours su que la jeune femme était amoureuse d’elle, et Oscar en avait même été flattée. C’est vrai que Rosalie pouvait être si touchante parfois, dans sa naïveté, et dans la transparence de ses sentiments. Et puis, elle était également très jolie. Elle n’avait pas besoin de parures coûteuses pour s’embellir, comme beaucoup de dames de la cour. D’ailleurs, quand Oscar l’avait emmenée à la cour, Rosalie aurait pu avoir beaucoup de prétendants. Oscar sursauta légèrement.
Mais qu’est-ce qui lui prenait de vanter toutes les qualités de Rosalie de cette façon ? Son père pouvait vraiment être fier d’elle. Il avait atteint son but finalement. Elle se comportait maintenant totalement comme un homme !
Perdue dans ses pensées, Oscar n’entendait pas la voix qui l’appelait au loin...
" Oscar, on nous appelle je crois.
- Tu dis Rosalie ?"
Effectivement la voix se faisait plus claire
"Oscar, Oscar ! ! !
- Mais ... Mais c’est la voix de Fersen. Halte cocher !"
Fersen paraissait complètement affolé.
" Oscar c’est terrible, vite, c’est André
- André ? Que se passe-t-il avec André ?
- Il y a eu un vol au bal... Madame de Cobourg... Et les gens pensent qu’André est le masque noir...
- André ? Le masque noir ? Mais ils sont fous, vite ..."
Oscar détela les chevaux de la berline et en monta un, Rosalie prenant le second, tout aussi inquiète pour son ami qu’Oscar et Fersen.
" J’ai bien essayé de leur expliquer qu’André n’était pas le masque noir, mais ils n’ont rien voulu savoir.
- Alors vite Fersen, le temps presse... Yahhhhhh..."
Oscar était complètement paniquée. Elle avait toujours considéré André comme son frère. Rien d’étonnant à cela, ils avaient été élevés ensemble et avaient tout partagé pendant des années. Ils se connaissaient tellement bien. André était vraiment la personne qui connaissait le mieux Oscar, bien mieux que son père ou que Grand-Mère, qui l’avait pourtant élevée. Il savait toujours si bien ce qu’elle ressentait, ce qu’elle pensait, même lorsqu’elle essayait de le cacher.
Il l’avait toujours aidée lorsqu’elle en avait eu besoin. Et maintenant que lui avait besoin d’elle, elle n’avait qu’une seule crainte, celle d’arriver trop tard. Oscar en aurait pleuré de rage si son père ne lui avait pas appris dès sa plus tendre enfance qu’un vrai homme ne pleurait jamais ! ! !
Pourvu qu’elle arrive à temps ! ! ! Oscar savait parfaitement qu’un de ces nobles arrogants pouvait décider d’exécuter André au nom de la justice si l’envie lui en prenait. Exécuter André ! ! ! Rien qu’à cette idée, le cœur d’Oscar se serrait. Elle ne pouvait imaginer ce que serait sa vie sans André. Il comptait plus que tout pour elle. Pour la première fois, elle ouvrait les yeux sur ce qu’elle ressentait vraiment pour André. Et pour la première fois, elle avait le sentiment que c’était de l’amour et non de l’amitié qu’elle ressentait... André... André... Il fallait le sauver ! ! ! Il fallait qu’elle arrive à temps ! ! ! Elle se rendait compte que sa vie en dépendait.
C’est complètement bouleversée par la découverte de ses nouveaux sentiments et par la peur de ce qui était arrivé à André qu’elle sauta de son cheval, une fois franchies les portes de Versailles pour se précipiter dans le palais.
Le bal battait son plein même si la Reine s’était momentanément éclipsée « pour régler le problème de Madame de Cobourg » lui avait-on dit. Oscar fit irruption dans les appartements de cette dernière.
"Majesté, avec tout le respect que je vous dois, je vous assure qu’André est bien incapable de commettre un vol..
- Pourtant il est coupable puisque c’est le masque noir ...
- Mais c’est faux ...
- Si, rétorqua Madame de Paulignac sortie de l’ombre, d’ailleurs cela explique pourquoi vous n’avez jamais résolu cette affaire..."
Oscar se sentait désarmée. En effet elle ne pouvait avouer avoir arrêté le masque noir et l’avoir relaché ensuite. Elle ne pouvait donc pas prouver qu’André n’était pas le coupable de cette triste affaire...
Madame de Cobourg se plaça à ce moment face à Oscar pour lui conter son histoire...
"C’est tellement affreux. Hier soir, quand j’ai quitté mes appartements pour assister au bal masqué, j’avais placé ma parure de diamants dans ce coffret que vous voyez là, sur ma table de chevet. Et lorsque je suis rentrée, elle n’y était plus... C’est tellement horrible, je crois que...
- Etes-vous sure de l’avoir placée là avant de partir ?
- Ne m’interrompez pas, je n’avais pas fini, colonel. Evidemment que j’en suis sure. Je m’en rappelle très bien parce qu’au départ, je voulais mettre cette parure pour aller au bal. Voyez-vous, je trouvais qu’elle aurait bien été avec mon déguisement, j’avais décidé de me déguiser en fille du peuple et je pensais que la sobriété de ma tenue mettrait les diamants en valeur. Puis, je me suis dit que ce n’était pas une si bonne idée que ça. Une fille du peuple ne porte pas de diamants évidemment, donc j’ai opté pour des bijoux un peu plus communs. Regardez, ce sont ces saphirs que j’ai portés finalement. Ils sont beaux aussi, ils allaient également bien avec mon déguisement, ils convenaient donc tout à fait pour l’occasion. D’ailleurs, j’ai eu un succès fou à ce bal. Votre idée était absolument délicieuse, Votre Majesté. Ce bal est tellement amusant. Figurez-vous que j’ai été invitée à danser par le comte de..."
Devant l’air de plus en plus agacé d’Oscar, Mme de Cobourg décida de couper court.
" Enfin, bref, ce bal était une vraie réussite. Et c’est pour cela que je suis sure d’avoir replacé les diamants dans ce coffret, puisque comme j’avais l’intention de les mettre hier soir, je les ai sortis puis rangés tout de suite.
- Bien. Et pourquoi pensez-vous que c’est André qui vous a volé ?
- Mais c’est évident. Parce que c’est lui le masque noir ! ! !
- Et c’est tout ce que vous avez comme preuve ! ! ! C’est un bal masqué, réfléchissez ! ! ! Pensez-vous que André soit assez fou pour s’habiller comme le masque noir si c’était réellement lui ?
- Mais enfin, c’est évident. Ce vol porte la signature du masque noir. Il a profité du bal costumé pour avoir ses entrées au palais et commettre ses forfaits
- C’est faux. André n’est pas le masque noir. je vous le répète, il s’est simplement déguisé en masque noir. Ce n’était pas une idée très intelligente, je vous l’accorde, mais c’est pourtant la réalité.
- Où se trouvent mes diamants alors ?
- Je n’en ai aucune idée, mais ce n’est pas André qui les a."
D’énervement, Oscar mit Mme de Cobourg hors de son champ de vision. Si elle l’avait eu plus longtemps en face d’elle, elle l’aurait frappée, mais elle se retint par peur d’aggraver les problèmes. Oscar se demandait toutefois si elle ne pouvait pas faire une exception pour cette énervante petite personne à la voix si haut perchée. Et sans cervelle en plus : accuser André uniquement parce qu’il s’était déguisé en cambrioleur. Elle le savait que ce déguisement n’allait apporter que des ennuis. Elle l’avait su dès le départ. Mais comme d’habitude, André ne l’avait pas écoutée. Comme d’habitude, André n’en avait fait qu’à sa tête et...
Le regard d’Oscar fut attiré par quelque chose de brillant au pied d’une commode.
« Qu’est-ce que cela signifie ? »
Oscar se rapprocha de l’endroit en question, pour se retrouver face aux diamants tant recherchés.
"Serait-ce les diamants que vous recherchez ?
- Oui, mes diamants, ce sont mes diamants ! Comment se fait-il que vous soyez en possession de mes diamants... Ah, je vois... Votre domestique les a volés pour vous...
- Ne soyez pas ridicule. Ils sont simplement tombés de cette commode.
- Mais c’est impossible ! ! ! Je suis sure de les avoir rangés dans mon coffret.
- Eh bien vous devez vous tromper. Après tout, vous étiez sans doute pressée d’aller au bal, vous n’avez pas dû faire attention à l’endroit où vous les avez posés. Et vous avez accusé André injustement."
Oscar était furieuse. Maintenant il s’agissait d’aller libérer André.
" Au fait, André, où a-t-il été emmené ?
- Le duc de Germain et ses amis l’ont emmené dans les jardins du palais.
- Mon Dieu, alors il est en grave danger..."
Oscar n’en dit pas plus. Elle se précipita en dehors de la pièce en direction des jardins. A peine dehors, elle entendit un coup de feu et le cri aigu d’une femme. Arrivé sur les lieux, ce qu’elle vit la glaça d’effroi. André était là sur les genoux et Rosalie gisait dans ses bras...
Les larmes perlaient sur les joues de Rosalie alors qu’elle prononçait ses derniers mots...
"André, j’ai compris ce soir à quel point Oscar tenait à toi, et j’ai compris aussi que mon amour pour elle était destiné à me faire souffrir, je te la confie André...
- Rosalie..."
Et Rosalie de se tourner une dernière fois vers celle qu’elle aime..
" Oscar..."
Oscar ne disait plus rien. Elle était figée la devant cette scène ou elle venait de perdre son amie la plus proche. Rosalie et Fersen étaient arrivés après Oscar au château de Versailles et s’étaient dirigés vers l’agitation qui régnait dans un coin des jardins. Là, le Duc de Germain avait pointé son arme pour exécuter sauvagement celui qu’il croyait être le masque noir, estimant que cet homme qui avait pendant longtemps dérobé les biens de la noblesse ne méritait pas de procès. Voyant cela Rosalie n’écoutant que son instinct se précipita devant André pour le protéger. Le coup partit, et Rosalie pris la balle en plein cœur.
La vie de nos amis venait de prendre une autre tournure, désormais plus rien ne serait comme avant... |