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Un ange diabolique

Alain venait de rentrer à la caserne. Cela faisait des mois qu’il n’avait pas franchi le poste de garde mais maintenant il se devait de retrouver sa place parmi ses compagnons d’infortune. Il avait pris son temps pour faire son deuil, il avait même cru ne jamais y parvenir mais aujourd’hui que le royaume de France était à l’aube d’une ère nouvelle, il ne pouvait plus rester dans son coin. Il avait attendu cela trop longtemps…
Il fut accueilli chaleureusement par ses amis qui avaient été très affectés par le malheur qui n’avait pas épargné la famille de Soissons. La disparition de Diane, petit rayon de soleil de beaucoup, avait précédé de peu celle de sa mère. Alain, anéanti, avait préféré se retirer quelques temps et avait même disparu de la capitale durant de longues semaines.
Oui, tous avaient partagé son chagrin devant la perte de ces êtres chers mais tous, y compris son frère, ignoraient les véritables motifs du suicide de la jeune Diane. La raison invoquée par cette dernière dans une lettre laissée à l’intention d’Alain laissait supposer qu’il s’agissait du dépit, du chagrin et de l’amertume. Elle expliquait que son fiancé l’avait abandonné à la veille de leurs noces, préférant se marier avec une jeune femme plus fortunée, or, même si ces faits étaient exacts, ils étaient tronqués. Diane n’était peut être pas celle que tout le monde croyait…

Quelques mois auparavant, dans une ruelle déserte de Paris…

Diane faisait les cents pas ce matin. Elle était seule dans cette ruelle et visiblement elle attendait quelqu’un qui était en retard. Le visage de la jeune femme était tendu et très souvent elle levait les yeux vers le ciel pour constater que la nuit étoilée laissait sa place petit à petit au jour. Le soleil n’allait pas tarder à se lever pour de bon, c’était une question de minutes. Elle pestait intérieurement contre la personne qu’elle attendait. Il n’avait jamais su être à l’heure et ce matin ne dérogeait pas à la règle. Qu’importe, elle ne fléchirait pas et irait jusqu’au bout de son plan…
Enfin une voiture arriva à l’angle de la rue et un jeune couple en descendit. Diane se dirigea immédiatement vers eux.
- Mais enfin Diane, pourras-tu m’expliquer pourquoi tu nous as fait venir ici de si bon matin ? lui lança l’homme visiblement très mécontent.
- Calme-toi François, je vais tout t’expliquer dans quelques instant mais avant cela, renvoie la voiture et suis-moi avec Chloé.
- Renvoyer la voiture ? Mais pourquoi ?
- Vous n’en aurez aucune utilité là où nous allons…
- Hein ?! Mais où veux-tu encore aller ? Vraiment je ne te comprends pas Diane ! Tu as un comportement on ne peut plus étrange… Ce n’est pas un lieu pour Chloé, tu sais bien qu’elle est de santé fragile, aussi cesse immédiatement tes enfantillages !
- Ah ?! Ce n’est pas un endroit pour Chloé, ce n’est peut être pas assez bien pour elle !? Mais pour moi c’est parfait ! C’est bien cela que tu veux dire ?
- Non, tu le sais bien… Pas du tout… Tu n’as pas compris ce que je voulais dire…
- Oui ça va économise ta salive et suivez-moi, ce n’est pas très loin.
Sur ces paroles, Diane tourna les talons et se mit en marche. Durant quelques instant François et Chloé se regardèrent indécis. Le jeune homme serra la jeune femme un peu plus contre lui cherchant ainsi à la rassurer et à la réchauffer. Il renvoya la voiture et son cocher avant d’emboîter le pas de Diane.
Ils ne marchèrent pas longtemps, tout juste quelques minutes. Ils arrivèrent presque à la limite de la ville. Ce quartier un peu reculé avait un petit air de campagne avec ces chênes bordant le fleuve. Le jour se levait à peine et une petite brume les enveloppait. Le paysage avait quelque chose d’irréel.
- Arrête-toi Diane, nous n’irons pas plus loin. Tu nous as fait parvenir une missive nous laissant entendre que tu avais des choses très importantes à nous révéler mais jusqu’à présent c’est à peine si tu as ouvert la bouche. De plus, tu nous emmènes dans un lieu quasiment désert…
-Aurais-tu peur François ? le coupa l’intéressée, De toute manière nous sommes arrivés.
Ils étaient sur un petit pont qui enjambait la Seine mais qui était à peine éclairé par une pauvre lanterne.
- Alors fais vite Diane, je n’aime pas cet endroit…
- Pourquoi donc ? Il t’inquiète ? Un peu trop miséreux ? Un peu trop sombre à ton goût ? Mais tu sais bien que nous autres les pauvres gens nous n’avons pas besoin de lumière et vous les nobles, cela vous arrange bien aussi… Ainsi vous ne voyez pas la misère qui règne dans les rues de la ville lumière ! Ce grand Paris, capitale des philosophes, des débats d’idées nouvelles… que sais-je encore !
- Non, je n’ai pas peur et puis la question n’est pas là ! Que voulais-tu nous dire de si important ?
- Oh mais si justement ! Tu ne comprends pas ?
- Non je ne comprends pas et d’ailleurs je vois que tu n’as rien à nous dire… Viens Chloé partons et rentrons chez nous.
- Ah non François, ce serait bien trop facile ! Tu ne comprends rien, tu ne vois rien ! Tu es vraiment l’être le plus ignoble que j’ai jamais connu !
- Diane ça suffit, je vais perdre patience !
- Oh mon bon monsieur ne soyez pas si sévère avec une pauvre jeune fille qui vient d’être abandonnée à la veille de ses noces… Ayez pitié mon seigneur, dit Diane en se courbant et mimant une malheureuse.
-Que racontes-tu ? J’avais déjà essayé de le dire, il y a plusieurs semaines déjà mais c’est toi qui n’a rien voulu comprendre, tu…
- Je quoi François ? J’évoque juste un fait, c’est tout ! La misère, la pauvreté et la peur d’une mésalliance ne t’ont-elles pas fait rompre nos fiançailles ? La famille de Chloé étant plus fortunée que la mienne, tu n’as pas hésité une seule seconde ! Tu n’as vu que ton intérêt et celui de ta famille ! Je n’étais rien pour toi, je n’existais déjà plus ! Est-cela l’amour ? Non, François, ce n’est pas cela l’amour… Il s’en moque pas mal de l’argent l’amour, il se moque de tout, des conditions sociales, des rangs à tenir, des qu’en-dira-t-on… Non l’amour François, c’est ne plus vouloir vivre sans l’être qui nous est cher, ne plus être que l’ombre de soi-même quand il vous quitte, ne plus avoir la force de vivre sans lui…
- Diane, tu te trompes… Je n’ai jamais voulu te faire du mal…
- Ah tu crois cela ? Tu étais pourtant si radieux quand tu voyais Chloé et ses millions de livres, sa dot si conséquente à côté de la mienne si miséreuse… Tu crois que je ne le voyais pas ? Tu as toujours était un coureur de jupons mais si en plus la belle était fortunée alors là Diane n’était plus bonne qu’à jeter aux chiens !!!
- Laisse Chloé en dehors de tout cela !!!
- Et pourquoi ? Elle se disait ma meilleure amie il n’y a pas si longtemps… Dieu que j’étais naïve et crédule de vous croire tous les deux… Ah, Ah, Ah… Chloé tu n’es jamais venue me voir chez moi, dans ma pauvre demeure… Tu avais honte de cette amie que j’étais… Ce n’était peut être pas un lieu pour toi, un endroit où les jeunes femmes de ta condition doivent se montrer par les temps qui courent.
- Diane, je suis vraiment navrée de t’avoir froissée, j’étais si…
- Si quoi ? Vous vous cachez derrière des prétextes tous aussi ignobles les uns que les autres. Vous me dégoûtez ! Oui vous me dégoûtez !!!! En dehors de votre monde rien n’existe plus !
Le regard de Diane avait encore changé, ses yeux étaient durs et perçants, son visage n’exprimait plus que de la haine. Personne n’aurait en cet instant pu reconnaître la tendre et douce Diane…
- Mon amie…
- Il n’y a plus d’amie, il n’y en a jamais eu d’ailleurs Chloé !!! Tu étais très occupée à séduire François dès que j’avais les talons tournés et j’imagine que cela ne devait pas être très difficile vu les aspirations de ce dernier. Ce n’était pas les scrupules qui l’étouffaient !… Je ne pouvais pas me permettre ma mère se tuer seule au travail et toi tu en profitais pour me jouer le plus vilain des tours ! Le plus abject ! Non vraiment Chloé comment peux-tu encore parler d’amitié entre nous ?!
- Alors c’était cela Diane ? Je croyais vraiment que tu avais compris pourquoi j’avais dû rompre nos fiançailles. Je croyais que tu étais heureuse pour nous, que Chloé était ton amie justement… Au lieu de tout cela, tu t’inventes…
- Inventer quoi ? C’est moi qui invente des choses ? Non François ouvre les yeux, c’est vous qui aviez inventé le plus cruel des jeux. Je vous parle d’amour, d’amitié mais ces mots sont vides de sens pour vous !
- Diane, recouvre la raison, tu sais bien que je n’ai jamais triché avec toi, je t’aimais mais…. Ahhhhhhhhhhh !
François regarda sa poitrine et il y vit fiché un poignard. Un mince filet de sang coula la long du manche de ce dernier. Il eut juste le temps de jeter un regard à Diane avant de s’écrouler sur le sol sans vie. Chloé était pétrifiée d’horreur. Elle n’avait même pas pu crier tant Diane avait été rapide. Cette dernière se tourna vers elle et avant qu’elle ne puisse esquisser le moindre geste, elle la bouscula. Chloé heurta violemment la balustrade du pont. Elle perdit l’équilibre et sa tête vint frapper le parapet. Elle poussa un petit cri et tomba inanimée sur le sol.
Diane ne perdit pas un instant et la souleva plus facilement qu’elle ne l’aurait cru. Elle jeta son corps sans plus d’effort dans la Seine qui coulait en contre-bas. Le cadavre flotta un moment puis sombra lentement tout en étant emporter par le courant. Diane souriait…

Eh, Oh, ce matin
Y a Chloé qui s’est noyée
Dans l’eau du ruisseau
J’ai vu ses cheveux flotter
Là-bas sous les chênes
On aurait dit une fontaine
Quand Chloé a crié
Quand sa p’tite tête a cogné
Chloé a coulé
C’est sûr qu’elle avait pas pied
Chloé ma moitié
Ce matin s’en est allée



Adieu chloé
Le courant l’a emportée

Eh, Oh, ce matin
Y a Chloé qui s’est noyée
Dans l’eau du ruisseau
J’ai vu ses cheveux flotter
Là-bas sous les chênes
On aurait dit une fontaine
Quand Chloé a crié
Quand sa p’tite tête a cogné
Chloé a coulé
C’est sûr qu’elle avait pas pied
Chloé ma moitié
Ce matin s’en est allée

Le pied de Diane buta contre le corps sans vie de François. Son sourire disparut immédiatement. Elle arracha le poignard toujours fiché dans la poitrine de son amour. Un peu de sang coula sur ses mains sans qu’elle n’y prit garde. Elle était un peu hébétée et une foule d’expressions passa sur son visage.

Je n’comprends plus pourquoi
J’ai du sang sur mes doigts
Il faut que je te rassure
Je soignerai bien tes blessures, mon amour.

Lâche !
(It’s beyond my control)
C’est plus fort que …toi
Toujours en cavale
(It’s beyond my control)
Tu dis : J’ai besoin de…tes bras
Oh lâche !
(It’s behind my control)
Mais c’est plus fort que… toi
Tu nous fais du mal
(It’s beyond my control)
Ne t’éloigne pas de mes… bras

Je n’comprends plus pourquoi
J’ai du sang sur mes doigts
Dors en paix je t’assure
Je veillerai ta sépulture, mon amour
C’était plus fort que moi
Même si je sens là l’effroi
Envahir tout mon être
Je te rejoindrai peut être, mon amour.

Personne n’était encore passé par ce chemin ce matin là quand Diane hissa avec plus de difficultés le corps de François sur le rebord du pont. Comme pour Chloé, Diane fit basculer le cadavre et attendit qu’il disparut dans les méandres de la Seine.
Arrivée chez elle, Diane se changea, jeta ses vêtements tâchés de sang et de boue. Elle se mit ensuite à écrire une lettre. Les mots s’imposaient à elle et sa main traçait mécaniquement les lettres de sorte que son écriture d’ordinaire si douce en devenait presque illisible. Son esprit était ailleurs, son corps n’était plus qu’une enveloppe.

Si Dieu nous fait à son image
Si c’était sa volonté
Il aurait dû prendre ombrage
Du malin mal habité
Qui s’immisce et se partage
L’innocence immaculée
De mon âme d’enfant sage
Je voudrais comprendre

De ce paradoxe
Je ne suis complice
Souffrez qu’une autre
En moi se glisse
Car sans logique
Je me quitte
Aussi bien satanique
Qu’Angélique.

Sa lettre terminée, Diane la mit bien en évidence et se dirigea vers son lit. Elle en avait retiré tous les draps et avait confectionné une corde de fortune avec ces derniers. Elle en vérifia la solidité avant de se la passer autour du coup. Ce n’est que quelques heures plus tard qu’Alain, rentrant chez lui après avoir obtenu une permission pour le mariage de sa jeune sœur, ne trouva cette dernière pendue dans sa chambre.

Ainsi ce n’est pas le chagrin qui poussa la jeune femme au suicide mais sans nul doute les remords d’avoir commis un double meurtre avec préméditation…
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