Auteur : hermes Hits : 11677
Lady Oscar > André for Ever > Une voix dans les ténèbres >
L'homme de main sortit subrepticement de la vieille bâtisse.
Un coup d'oeil à gauche, un autre à droite...

Non, il n'y avait personne...

Traversant d'un pas vif la ruelle, il glissa le flacon dans son habit et fit sonner les quelques pièces de monnaie qui dormaient jusqu'alors dans sa poche.
La vieille Antonine était âpre au gain...
Le marchandage avait été rude, mais il avait obtenu ce qu'il désirait.
Il avait eu du mal à choisir, parmi cet amoncellement de récipients, calices, bouteilles et pots en tous genres, plus ou moins rangés.. Mais la vieille avait prétendu que celui-là ferait parfaitement l'affaire.

Bien. Sa Seigneurie serait contente. Reprenant son cheval, il s'engouffra dans le labyrinthe des rues de Paris.


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"Tiens, vous voilà! M'avez-vous ramené ce que je t'ai demandé?
- Oui, Votre Seigneurie. Voici."

Il tendit le flacon, rempli jusque à ras bords de légers cristaux blancs.

"D'après la gueuse, une once suffira. Il faut bien mélanger ces cristaux dans un liquide quelconque, et c'est la mort assurée.
- Parfait!"

Un sourire carnassier étira ses lèvres minces, découvrant de larges dents blanches.

"Nous allons pouvoir dire adieu à notre bien-aimé Colonel..."


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Ce soir, le bal battait son plein.
Suspendus au plafond brillant de mille feux, les lustres rivalisaient d'éclat et de lumière, illuminant de clarté presque aveuglante les parquets cirés et les surfaces glacées des miroirs et des vitres.
Toute la noblesse de France semblait s'être retrouvée pour prendre part aux festivités, s'abreuver des meilleurs vins, se régaler de friandises et des divers potins de la Cour. Le sujet principal étant, bien entendu, le retour de ce gentilhomme suédois à Versailles. C'était bien simple: la souveraine n'avait d'yeux que pour lui. Alors on axait le sujet de la conversation sur le pauvre roi Louis XVI, qui faisait bien pâle figure à côté de ce si beau couple.

Loin de tous ces bavardages frivoles, postée dans un coin de la salle en compagnie d'André, Oscar observait la reine évoluer avec le Comte de Fersen.

"Eh bien, Sa Majesté a encore fait des folies, ce soir, avec cette nouvelle robe, commenta le jeune palefrenier d'un air railleur. Et ces bijoux.. A ton avis, Oscar, combien tout cela a-t-il pu coûter au peuple de France?
- Suffit, André! lui jeta-t-elle, goûtant peu le ton ironique de son ami. La reine n'est pas heureuse, tu le sais bien! Elle mène une vie qu'elle n'a pas choisie et doit s'empêcher de montrer ses sentiments à l'homme qu'elle aime..."

La voix était glaciale, mais le jeune homme ne s'y trompa pas. Marie-Antoinette n'était pas la seule à devoir taire son amour aux yeux du monde...
Dans cette pièce se trouvaient au moins deux autres coeurs meurtris par la vie. Son Oscar... Et lui-même.

"Visiblement, tu es d'excellente humeur... reprit-il alors, le coeur lourd. Je préfère aller faire un tour dans les jardins, si cela ne t'ennuie pas. Tu as besoin de réfléchir, je suppose..."

Abandonnant sa compagne, il se dirigea alors vers les immenses portes-fenêtres qui s'ouvraient sur le parc.

Longeant les murs par souci de discrétion, il passa derrière une colonnade, la contourna, s'arrêta.
Là-bas, un homme en habit vert s'entretenait avec un domestique, lui plaçant quelques louis d'or dans la main.

La scène n'avait en soi rien de bien extraordinaire... Après tout, peut-être le chargeait-il de remettre un billet à une dame ou une lettre de faveur à quelque personnage haut placé...
Pourtant, André sentait qu'un évènement louche se préparait: quelque chose, dans l'attitude des deux protagonistes ou dans le fait qu'ils se tenaient tant à l'écart...

Bientôt, il félicita son instinct de l'avoir si bien averti: l'homme en habit vert venait de verser le contenu d'un flacon dans l'un des verres que portait le valet.
Puis, d'un signe de tête, il lui indiqua la victime, qui se trouvait à l'endroit même qu'André venait de quitter. L'homme en vert s'éloigna tandis que le palefrenier emboîtait le pas au serviteur.

Se gardant bien de le quitter des yeux, craignant de le perdre au beau milieu de cette foule grouillant de ses semblables, il accéléra la cadence pour le rattraper. Il devait faire en sorte de prendre le verre et le vider, car il lui paraissait évident que les cristaux blancs qu'il avait aperçus n'étaient pas du sel...

Il allait le rejoindre lorsqu'il constata avec horreur que le domestique présentait ostensiblement la coupe à Oscar, toujours en faction dans son coin.
Distraitement, la jeune femme accepta l'offrande, après avoir remercié d'un léger signe de tête.

"Oscar, non, ne bois pas!" hurla-t-il au risque de se faire remarquer.
Mais perdue au beau milieu de cette salle grouillant et fourmillant de ce bruit mêlant confusément musique et rires, elle n'avait pas entendu. Portant machinalement le vin à ses lèvres entrouvertes, elle pencha son visage en arrière...

Cette fois, il n'hésita pas à bousculer les hôtes, récoltant des protestations scandalisées. Que faisait donc ce gueux dans cette salle de bal? Quelle impudence!!! On le mettrait aux fers tantôt!

"Oscar!!"

André, indifférent à cette hostilité marquée, courait toujours, cédant à l'affolement. Dans son agitation, il lança son bras à toute vitesse.

Des gouttes s'éparpillèrent dans l'espace, Oscar tomba à la renverse. Sur le sol, une coupe s'écrasa lourdement dans un tintement rauque. Au milieu des éclats, un liquide rouge sombre s'était répandu, léchant les cristaux de verre transparent et s'insinuant entre les lames du parquet ciré.

Fasciné, André contempla un instant cette image en frissonnant.
Son Oscar....

Alors, seulement, il se retourna, alerté par un sourd gémissement. Les mains dissimulant son regard d'azur, Oscar s'était adossée au mur en grimaçant, mais sans une plainte.

"Oscar! s'écria-t-il, affolé, Oscar! Tu n'as pas bu, n'est-ce pas? Dis-le moi!
- André, mes yeux! Le vin...
- Mon Dieu, je t'ai éclaboussée, c'est cela?, la coupa-t-il, comprenant soudain sa maladresse.
- Mes yeux!!! Qu'y avait-il dans ce vin? Je n'arrive plus à ouvrir les paupières.."

Sa voix était devenue pâteuse...
Gémissant de douleur, devenue sourde aux cris d'alarme qui jaillissaient çà et là, Oscar entendit la voix de son ami l'appeler. Ses jambes ne la portaient plus; André la retenait dans ses bras. Confusément, elle sentit l'étoffe rude de son habit lui caresser la joue...

Puis tout devint noir.


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Ce fut une légère brise et des chuchotements qui la tirèrent de son sommeil. Elle sentait une peau ferme et chaude envelopper sa paume. Quelqu'un lui tenait doucement la main.

"Est-ce toi, André?" gémit-elle en ouvrant les yeux sur les ténèbres de ce qu'elle reconnaissait, d'après ses sensations, comme sa chambre..

Aussitôt, les murmures se transformèrent en exclamations.

"Oh, ma petite chérie! retentit la voix de Grand-Mère.
- Oui, c'est moi, Oscar, répondit en même temps celle, grave et calme, d'André.
- Enfin, tu t'es réveillée! continuait l'aïeule avec un soupir de soulagement. Comment te sens-tu?
- Je me porte comme un charme, ne t'inquiète pas. Il était inutile de veiller à mon chevet durant cette nuit, dans cette obscurité! Vous pouvez allez vous recoucher sans crainte... Mais pourquoi n'avez-vous pas allumé une bougie? Je ne suis pas souffrante au point de craindre la lumière!"

Et elle éclata d'un rire joyeux, qu'elle voulait rassurant. Inutile d'angoisser tout le château...

Mais, autour d'elle, personne ne répondit à sa manifestation de joie. Au contraire, elle sentit André lui serrer plus fortement la main, d'une manière qui l'alarma.

"Eh bien? Que se passe-t-il?" interrogea-t-elle, légèrement anxieuse.

André ne lui répondit pas immédiatement, mais elle entendit sa respiration se couper, comme chaque fois qu'il avait une nouvelle importante à lui annoncer. Puis, il inspira enfin, signe qu'il allait parler.

"Oscar... Il ne fait pas nuit. Il est trois heures de l'après-midi, et il fait un temps lumineux..."

A SUIVRE...

Voilà la fic qui m'a fait abandonner l'autre de manière temporaire...
Review Une voix dans les ténèbres


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