Auteur : Yael Hits : 3544
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[Cette fic commence quelques semaines après la fin de la série. Aramis a vengé son fiancé. D'Artagnan a découvert sa véritable identité et se trouve en vacances en Gascogne au moment où débute l'histoire. Le capitaine connait sa véritable identité mais ses camarades, Athos et Porthos l'ignorent toujours.
Certains éléments sont repris de ma première fic "L'histoire de Renée" mais cette fic peut se lire indépendamment.]



Aramis ferma la porte du bureau du capitaine. Elle avait toujours une sourde appréhension quand il la convoquait sans ses compagnons.

- Asseyez-vous, lui dit-il.

Son inquiétude grandissait alors qu’elle s’installait dans le large fauteuil faisant face au capitaine de Tréville… Cela faisait six ans qu’elle avait abandonné son nom, sa famille et tous les attributs de son sexe pour devenir le mousquetaire Aramis. Pendant toutes ces années, Tréville avait été son seul lien avec son ancienne vie. Sous couvert de tenir sa promesse de retrouver l’assassin du fiancé de leur fille et sans jamais rien leur dévoiler de la nouvelle vie de la jeune femme, Tréville tenait une correspondance régulière avec les d’Herblay. Aramis savait à quel point ce mensonge devait coûter au capitaine et elle lui en était d’autant plus reconnaissance. Pourtant, chaque fois qu’il la convoquait seule, elle craignait qu’il ne lui annonce que son père s’était éteint sans jamais la revoir.

- J’ai écrit à votre père pour l’informer que nous avions enfin vengé la mort de François…

Aramis se tordait les doigts sur son siège en repensant à ce duel sur la falaise où elle avait bien failli accompagner le meurtrier dans la mort.

- Pour une fois, je ne lui ai pas menti. Je lui ai dit qu’un de mes mousquetaires avait eu raison du bandit Chameau. J’ai reçu sa réponse ce matin, voulez-vous la lire ?

Aramis se détendit légèrement quand elle reconnut l’écriture vigoureuse de son père sur la lettre que le capitaine lui tendit. Il était étrange de constater comment quelques mots tracés sur un papier avaient le pouvoir de faire ressurgir ses souvenirs. Le visage droit aux traits si rectilignes, qu’on les aurait crus gravés dans la pierre, de son père penché à son secrétaire apparaissait nettement dans sa mémoire… Les mots qu’elle lisait rendaient cette image de plus en plus nette. Il lui semblait que son père lui parlait à travers le papier.

Il exprimait longuement toute la reconnaissance qu’il éprouvait pour le jeune mousquetaire qui avait tué l’homme qui avait détruit le bonheur de son enfant. « Enfin, écrivait-il, peut-être penserez-vous que je suis un père aveuglé par mon amour cependant j’étais persuadé que ce meurtrier n’était déjà plus de ce monde. Vous ne l’avez sans doute pas assez connue pour me comprendre mais j’ai cru toutes ces années que ma fille avait déjà châtié ce brigand… Je ne sais si je dois y voir le signe qu’elle n’est plus, pourtant mon cœur de père se serait déjà arrêté si aussi loin qu’elle soit de moi, elle avait quitté ce monde… »

Le capitaine ne quittait pas la jeune femme des yeux. Il savait qu’elle serait profondément troublée par les dernières phrases de la lettre… Tréville n’avait jamais compris pourquoi Renaud d’Herblay n’avait pas cherché à retrouver sa fille. Alors que toutes ses lettres transpiraient l’amour qu’il éprouvait pour son enfant, pas une fois il n’avait demandé à Tréville de rechercher si elle était au moins vivante. Il semblait par cette terrible incertitude vouloir se punir d’avoir poussé son enfant à la fuite… Aussi inflexible et têtu que sa fille, songea le capitaine.

- Je vous remercie, capitaine, dit Aramis en repliant la lettre.

Sa voix tremblait. Le regard du capitaine plongea dans ses yeux brillants.

- Voulez-vous lui répondre ? demanda-t-il.

- Pardon ?

- Voulez-vous lui répondre ? répéta-t-il. Après tout, vous êtes le jeune mousquetaire qui a vengé sa fille… qui plus est, vous êtes sa fille.

- Je ne comprends pas où vous voulez en venir, capitaine, répondit-elle les yeux écarquillés.

- Aramis, ne pensez-vous pas qu’il est temps de donner à monsieur d’Herblay des nouvelles de sa fille ?

Comme elle ne disait rien, il continua :

- Parlons sérieusement, Aramis. Il y a six ans vous êtes venue me voir pour rejoindre la compagnie des mousquetaires. Vous vouliez retrouver et châtier l’assassin de l’homme que vous deviez épouser. Vous étiez animée d’une telle volonté que je vous ai acceptée comme mousquetaire... Aujourd’hui, cet assassin n’est plus. Votre vengeance est accomplie. Ne pensez-vous pas qu’il serait temps pour vous de reprendre une vie de femme ?

- Aurais-je commis une faute ? répondit-elle les lèvres tremblantes.

Elle levait vers lui un visage blême où luisaient deux immenses yeux clairs.

- Me serais-je montrée indigne de ma charge, capitaine ?

Il haussa les épaules.

- Non, bien sûr. Je n’ai jamais eu à me plaindre de vous… Si cela avait été le cas, vous ne seriez plus des nôtres depuis longtemps. Je ne vous aurais jamais laissé passer la moindre faiblesse. J’ai conscience d’avoir été plus exigeant avec vous qu’avec les autres mousquetaires, mais c’est parce que je sais que vous risquez plus que n’importe lequel de mes hommes. Vous êtes un de mes meilleurs mousquetaires et je ne regrette pas de vous avoir acceptée dans la compagnie mais je m’inquiète davantage pour vous que pour aucun de mes hommes.

- Où voulez-vous en venir ?

- Personne ne reste toute sa vie mousquetaire. Maintenant que François est vengé, ne devriez-vous pas penser un peu à votre avenir ? Vous pouvez encore redevenir Renée d’Herblay. Vos parents vous accueilleraient à bras ouverts et ils ne vous forceraient plus à vous marier contre votre volonté. Ne voulez-vous pas retrouver votre vie ?

- Renée d’Herblay est morte et je n’ai pas d’autre vie à mener que celle que je vis aujourd’hui.

La voix d’Aramis était froide et coupante comme une lame de rasoir. Cette conversation lui déplaisait franchement.

- N’êtes-vous pas lasse de vous dissimuler toujours sous cet uniforme ? N’auriez-vous pas envie de remettre une robe ?

- Pour poser une question aussi stupide, vous n’avez pas dû souvent porter de robe, capitaine, l’interrompit-elle avec un rire sarcastique.

- Soyez sérieuse, Aramis !

- Je voudrais bien mais cette conversation est grotesque.

- Ecoutez-moi un peu ! Vous êtes encore assez jeune pour goûter aux bonheurs d’une vie de femme. Vous pouvez encore rencontrer un homme qui vous rendra heureuse …

- J’ai déjà rencontré le seul homme qui pouvait me rendre heureuse et il est mort. Aujourd’hui, les seuls bonheurs que j’attends sont ceux d’une amitié fraternelle… et je n’y renoncerai pas pour une jolie robe.

- Vous savez que vous ne pourrez pas mener cette vie éternellement ! Vous savez que vous risquez à tout moment d’être découverte !

Tréville devait se retenir de hausser la voix. Cette femme était une tête de mule !

- Avec la vie que je mène, je mourrai sûrement avant d’être découverte ! répliqua-t-elle sèchement.

A la voir assise ainsi, les bras croisés sur la poitrine dans une attitude farouche et opiniâtre, le capitaine soupira, exaspéré. Il n’y avait vraiment rien à tirer d’elle !

- Soit, vous ne voulez rien entendre. Tâchez tout de même d’y réfléchir !

- Je suis à vos ordres, capitaine.

- Allez, disposez !



Aramis fulminait encore en arrivant dans la salle de garde. Comment le capitaine avait-il osé ? Il l’avait sournoisement émue avec la lettre de son père pour lui faire cette proposition absurde. Devait-elle renoncer à tout ce qui était sa vie depuis six ans, à tout ce qu’elle avait construit pour… remettre une robe ? A quoi pensait-il donc ?

- Que vous voulait le capitaine ? demanda Athos en la voyant s’asseoir rageusement.

- Rien d’intéressant… grogna-t-elle.

- Auriez-vous mis la compagnie sens dessus dessous pendant que vous étiez capitaine ? dit Porthos.

- Vu le peu de temps où je suis resté capitaine, je vois mal quel désordre j’aurais pu laisser.

- Assez longtemps pour m’arrêter, répondit Athos avec un sourire.

- Avez-vous des nouvelles de D’Artagnan ? demanda-t-elle après un silence.

Cela faisait plus d’un mois que le jeune garçon était parti en Gascogne avec l’éléphant offert par le roi en récompense pour ses loyaux services dans l’affaire du Masque de fer et le quartier des mousquetaires semblait bien calme depuis son départ.

- Non… Sans doute Constance Bonacieux est-elle mieux informée que nous.

- Les amis ne sont plus ce qu’ils étaient, soupira Aramis.

- Vous ne croyez pas si bien dire ! déclara Athos. Figurez-vous que Porthos nous abandonne ce soir ! Et pour une femme, en plus !

- Mes amis, il y a des situations où l’amitié passe en second plan ! répliqua Porthos avec un large sourire.

- Allons Porthos… Pensez au gigot d’agneau de maître Barnabé ! insista Aramis.

- Inutile, Aramis. La table de cette jeune personne est aussi richement fournie que son corsage. Aux plaisirs de la table, s’ajoutent des plaisirs que ni vous ni Athos ne pouvez m’apporter.

Qui sait ? songea Aramis en réprimant un petit rire.

- Laissons ce traître ! Athos, que faisons-nous ce soir ?

- Vous savez bien, nous sommes invités chez Madame Posson.

Les épaules d’Aramis s’affaissèrent d’un coup tant elle était dépitée. Un bal ! C’était le dernier endroit où elle souhaitait aller… Elle aurait plutôt accompagné Porthos à son rendez-vous galant.

- Ne préfériez-vous pas aller à la taverne de maître Barnabé ? demanda-t-elle avec un regard suppliant.

- Allons, les soirées chez les bourgeois sont très amusantes !... Et j’ai promis à Hélène Rigaud de m’y rendre.

- Oh non ! Vous allez encore vous éclipser au milieu de la soirée avec cette jeune femme en m’abandonnant au milieu des bourgeoises !

- Je ne suis pas responsable de votre succès avec les femmes, Aramis !

- Vous n’êtes que deux traîtres ! maugréa Aramis en s’enfonçant dans son siège d’un air boudeur.
Review Cœur de femme


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