Mais qui était donc cet homme s’interrogea intérieurement Oscar ? Elle était sans doute la seule à pouvoir prétendre le connaître. Ils avaient tout appris ensemble, enduré la même éducation et pourtant… Pourtant rien dans l’homme qui se retournait à présent pour lui faire face ne lui rappelait son ami d’enfance. Croisant son regard pourtant amusé, presque comme autrefois, elle fronça les sourcils. Pourquoi l’avait-elle conduit ici ? Pensait-elle qu’à cet endroit, il se dévoilerait ? Ici même où de nombreux souvenirs resurgissaient dans sa mémoire. Ces souvenirs d’enfance où tout était si simple… Où il n’y avait dans son univers, qu’elle et André. Où es-tu André ? Où te caches-tu ? As-tu vraiment disparu ou existes-tu toujours ? Dissimulé tout au fond de… « Lui ».
Chassant ses réflexions, Oscar leva un regard interrogateur auquel il répondit avec un sourire en biais. Il voulait lui parler avait-il dit. Le souvenir de la façon dont il s’était ouvertement moqué de Girodel lui arracha malgré elle un sourire qu’elle effaça aussitôt. Tout de même, il avait été amusant de contempler le visage de son subordonné passer par toutes les couleurs. D’un autre côté, son étonnement avait été des plus vif. Apprendre que le comte de Girodel était un séducteur des plus appréciés à la cour !
- Je voulais m’excuser annonça l’homme faisant tressaillir Oscar encore perdue dans ses pensées.
Ce trouble n’échappa pas à l’œil du comte, cependant il n’émit aucun commentaire, se contenant de poursuivre calmement :
- Oui… Hier soir, au bal. J’ai été des plus incorrect à votre égard.
Oscar se sentit rougir au souvenir de cette conversation. Elle se détourna brusquement.
- Pourquoi ce soudain revirement demanda-t-elle d’un ton qu’elle aurait voulu plus neutre.
- Je n’avais pas compris que vous aviez offert à André la liberté dit-il. J’ai jugé trop vite…
- Qu’aviez-vous jugé ?
- Vous. Le seigneur se débarrassant d’un valet trop encombrant. Ce fut votre regard… Il m’a hanté toute la nuit.
Oscar se retourna vivement, le regard abasourdi. Il esquissa un sourire dérisoire.
- Votre regard étonné sous mes affronts… Aucune colère… Juste de l’incompréhension…
Il s’avança d’un pas et s’inclina lentement.
- Pardonnez-moi…Madame…
Le silence lui répondit et se redressant lentement, il put découvrir Oscar, le regard soudainement brillant. Il lui adressa un sourire auquel après manifestement une grande hésitation, la jeune femme se permit de répondre.
- C’est étrange murmura-t-il brisant ainsi ce moment qui semblait vouloir se prolonger… J’ai tout de suite su que vous étiez une femme…
- Lui aussi dit-elle.
- André ?
- Oui murmura Oscar. C’est surprenant de parler ainsi d’André… De vous…
- Je ne renie pas André… Mais je ne suis plus « lui ». Il est mon passé tout simplement. Un passé que je ne connaîtrai jamais sans doute… Assez parlé de cet homme s’exclama-t-il avec vigueur !
- Très bien comte de Metterling répondit-elle, visiblement incertaine quant à la façon de se comporter.
L’homme sourit, hochant imperceptiblement la tête.
- Vous êtes très belle Madame murmura-t-il. Votre père est un fou de vous imposer cette comédie.
Oscar était tellement stupéfaite qu’elle en restait la bouche entrouverte, le fixant comme s’il était une illusion. Guillaume se passa lentement le doigt sur l’arête du nez, le regard pensif.
- Il ne doit pas être facile de séduire un colonel femme continua-t-il. Qu’en pensez-vous ?
Il se tourna vers une Oscar pétrifiée. Du rouge, elle perdit ses couleurs. Pour finalement, sous le regard intense du comte rougir de nouveau violemment. Jamais encore, un homme ne l’avait regardée d’une telle façon ! Sa bouche s’ouvrit pour se refermer aussitôt… Il lui fallut de longues minutes pour se maîtriser. Ce que lui accorda bien volontiers Guillaume.
- Que… Que dites-vous !? Balbutia-t-elle.
- Je vous mets dans l’embarras fit l’homme avec un sourire faussement navré. Pardonnez-moi ma franchise. C’est que je n’aime pas jouer au chat et à la souris…
- Etes-vous devenu fou s’exclama Oscar d’une voix aigue ?!
- Fou de désir assena-t-il en attrapant vivement le poignet de la jeune femme.
Instinctivement, elle chercha à se dégager mais s’immobilisa sous le regard soudain sombre de celui qui avait été son ami d’enfance. Fou ! Elle pouvait le lire dans son regard. La flamme qui flamboyait au fond des prunelles de l’homme la brûlait littéralement. Elle ne pouvait plus bouger… Ce qu’elle percevait du comte la paralysait totalement. Il la voulait. Cette vérité s’achemina brutalement dans son esprit en déroute. Lentement, le regard agrandi, Oscar contempla ce visage si familier se pencher vers le sien. Lorsque la bouche de l’homme s’arrêta près de la sienne, sa respiration se coupa.
- A bientôt Madame murmura-t-il avant de lui effleurer les lèvres.
Il la libéra et sans un mot partit rejoindre sa monture. Il ne lui accorda pas un regard lorsqu’il s’éloigna et Oscar, tremblante le regarda disparaître. |