Auteur : hermes Hits : 5849
Lady Oscar > Romance > Les histoires d'amour finissent bien >
Avertissement: cette petite fic, qui fait suite à l'épilogue de L'Ange Noir, n'a pas d'autre ambition que de vous distraire gentiment. Une sorte de "sitcom" à l'eau de rose, quoi! Ne vous attendez donc pas à un scénario en béton (il n'y en a pas), mais plus à une succession de scènes.
J'espère néanmoins que vous prendrez du plaisir à la lire.



Pauline dévala les escaliers. Si Grand-Mère avait encore été en vie, elle lui aurait encore certainement reproché son comportement masculin.

"Parfois, lui disait-elle souvent, je me demande, qui, de tes frères ou toi, manque le plus de manières..."

La jeune fille sourit, perdue dans ses souvenirs. Cette chère Grand-Mère... Comme elle avait été bonne avec eux tous! Certes, elle avait affiché des opinions bien désuètes en matière d'éducation féminine, mais elle avait dû élever trois générations de filles alors...

Courant toujours, elle se précipita vers la salle à manger, de laquelle lui parvenaient les tintements de couverts qu'on déposait dans les assiettes, des rires et des bribes de conversations. Tiens! Leur invité était déjà levé. Elle reconnaissait sa voix aux légères inflexions étrangères.

"Maman! s'écria-t-elle après avoir salué l'assemblée. Regardez ce que j'ai trouvé, coincée derrière le chevet de ma chambre... Une lettre qui vous est adressée!"

Car elle avait choisi d'établir ses quartiers dans les anciens appartements de sa mère. Il y avait tant de pièces dans ce château!
Pourtant, c'était dans cette chambre, meublée richement mais simplement, qu'elle s'était sentie chez elle.

Ses frères également s'étaient partagé le reste: Axel avait décidé de prendre les appartements qui communiquaient avec les siens, Antoine et François étaient eux aussi restés au premier étage; et Guillaume et Thomas n'avaient pu se résoudre à se séparer pour dormir. Quant à ses parents, peu soucieux des convenances propres à leur statut, ils avaient étrangement tenu à s'installer, ensemble, dans une chambre peu spacieuse et peu confortable, placée juste sous les toits.

Un choix qui lui avait paru bien étrange... Mais bien moins que ce pli, sec et jauni par le temps, qu'elle tenait dans la main!
Cette missive devait bien dater de dix ans, si ce n'était plus, à en juger par son état, et qui avait dû glisser du meuble sur laquelle on l'avait posée. Et puis, on l'avait oubliée... Jusqu'à ce que le hasard ait fait tomber son pendentif et l'ait poussée à se pencher sous la table de chevet...

Oscar se saisit gracieusement du courrier que lui tendait sa fille puis, après avoir présenté à Fersen ses excuses pour le manque de politesse qu'elle allait lui montrer, brisa le cachet et déplia plusieurs feuillets, recouverts d'une écriture large et ronde.


"Chère Colonelle, commença-t-elle à lire, vous vous étonnez certainement de ce courrier! Pourquoi, vous demanderez-vous, cette maudite Joséphine Bolsamo m'a-t-elle envoyé cette lettre?
Je suppose que vous avez dû épouser votre André, depuis le jour où vous m'avez rendu visite.
Car vous êtes vivante, et lui aussi. Je le sais parce qu'aucune des deux potions que je vous ai données n'étaient mortelles... Mais je voulais vous faire passer une dernière épreuve.

Si je vous écris, c'est pour vous donner de mes nouvelles.
Un vent nouveau semble souffler dans le royaume de France... Le peuple se révolte!
Il y a trois jours, une belle assemblée de Parisiens, guidés par une petite troupe de Gardes Françaises, a forcé les portes de la Bastille pour en libérer les prisonniers. Un soldat au foulard rouge a ouvert ma grille..."


Oscar interrompit sa lecture, pour reporter son attention sur la date: 17 juillet 1789.

Ainsi, c'était le 14 juillet que la Bastille avait été prise. Le jour où leur fille Pauline était venue au monde...

Avec des yeux attendris, elle contempla les autres membres de sa progéniture -aussi nombreuse qu'elle l'avait souhaitée- qui tenaient beaucoup de leur père, au moins pour l'appétit qu'ils montraient: Antoine engloutissait sa cinquième tartine et François terminait sa troisième tasse de chocolat, tandis que Guillaume et Thomas semblaient prêts à se disputer la dernière pomme du compotier. Axel, quant à lui, quémandait à Jane, la domestique qui avait voulu les suivre en France, un autre petit pain.

Et tous promettaient d'être aussi beaux, grands et forts que leur père... Ce doux regard maternel n'échappa pas à Fersen, qui avait décidé de rester quelques jours en leur compagnie.

"Bienheureux André!, songea-t-il alors. Cette chère Oscar est devenue encore plus belle qu'avant. Ah! Si je n'avais connu la reine... Ma Reine!"

Oscar, peu sensible à ces compliments qu'elle n'entendait guère, invita André à lire le pli. Posant sa tête sur son épaule, elle lui montra du doigt les passages les plus intéressants. André sourit et se pencha pour l'embrasser.

"Hum, hum!" toussota Pauline en désignant du regard leur invité, tandis que Guillaume et Thomas feignaient de vomir dans leurs assiettes.

Devant cette marque d'affection conjugale, Fersen, en effet, avait baissé les yeux et paraissait porter un vif intérêt à la décoration de sa fourchette.

"Oh, Monsieur de Fersen..., commença l'ancienne colonelle, confuse d'avoir oublié son invité au point de s'être abandonnée dans les bras de son époux.
- Chère Oscar, la coupa alors le gentilhomme, cette fourchette est tout bonnement prodigieuse, avec des dents parfaites pour piquer les aliments.
- Effectivement, Monsieur de Fersen, répondit André, l'air rieur et nullement gêné, nous préférons nous doter des meilleurs instruments. Aussi avons nous voulu que nos fourchettes aient des dents et nos couteaux, des lames...
- J'admire votre présence d'esprit, mon cher André, rétorqua Fersen en souriant avec un regard entendu. Car j'ai également remarqué que vos placards avaient des étagères et vos commodes, des tiroirs.
- Notre château n'est-il pas magnifiquement aménagé, Monsieur?"

Les deux hommes rirent de bon coeur, suivi du reste de la tablée.

"Une lettre pour vous, Mistress", intervint alors Jane.
- Un courrier de Rosalie!" s'exclama Oscar après avoir déplié la missive. Elle va venir nous rendre visite dès cet après-midi!
- Rosalie? questionna Fersen. C'était la jeune fille que vous avez protégée durant un certain temps, n'est-ce pas?
- C'est exact. J'ai appris ensuite qu'elle s'était mariée et qu'elle avait eu quatre enfants.
- Eh bien, il semblerait que nous allons devoir dresser une grande table! conclut André, toujours pratique. Jane, si vous pouviez nous accomoder une belle pièce de boeuf... Nous allons avoir des invités!"


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"Diantre, déjà trois heures! s'exclama Pauline en entendant sonner les cloches de l'église du village. Et les amis de Maman ne devraient pas tarder... Axel, pars devant dire à Papa et Maman, que j'arrive.
- Pourquoi?
- Parce que j'ai encore une chose à faire. Allez, va!"

Le petit garçon, peu contrariant, fila à toutes jambes en direction du château, tandis que la jeune fille se dirigeait vers l'une des lisières du parc. Le matin, elle avait remarqué un terrier de renard... S'arrêtant devant le trou, creusé entre les racines d'un conifère, elle s'accroupit et voulut y jeter un oeil.

Mais elle sursauta lorsqu'elle entendit soudain un bruissement au-dessus d'elle. Effarée, elle leva le front et se recula presque lorsqu'une figure à la mine plutôt réjouie surgit devant elle.

"Vous!" s'écria-t-elle en fronçant les sourcils.

Le beau visage se fendit d'un sourire charmant, jeta un regard sur la branche d'où le reste de son corps pendait, et, après un rétablissement suivi d'un saut périlleux, Camille se planta devant Pauline.

"Oui, moi, Mademoiselle...", la salua-t-il d'un hochement souple de la tête et du buste.
- Et cessez avec vos "Mademoiselle"!
- Et comment pourrais-je vous appeler autrement, vous qui faites déjà battre mon coeur plus qu'il ne faut?
- Je ne saurai tolérer ce genre de sous-entendus! Déjà que vous vous êtes permis de...
- De?..., demanda-t-il, l'air profondément innocent.
- Vous le savez bien, espèce de malotru! rugit-elle, encore rouge de confusion.
- Oh, vous parlez sans doute de ceci?..."

D'un mouvement fluide et rapide, il s'était avancé vers elle et, lui saisissant les mains avec douceur, l'avait déjà attirée dans ses bras pour lui voler un nouveau baiser avec un plaisir évident.

Le soufflet vola mais n'atteignit pas son objectif, le jeune homme ayant déjà esquivé le geste.

"Hmmm, mais voilà que vous vous mettez à réagir comme une jeune fille!" se moqua gentiment Camille.

Pauline, encore sous le coup de l'émotion, en resta un moment désarçonnée. Cependant, les ombres sombres de la colère se peignirent sur ses traits lorsqu'elle finit par éclater:

"Très bien, Monsieur, je vais vous demander réparation. Battons-nous sur l'heure, d'homme à homme!
- Dieu du Ciel! s'exclama le jeune homme en haussant les sourcils, ne me dites pas que vous aller encore me refaire le coup du duel?
- Et pourquoi, je vous prie?
- Cela manque par trop de virilité! Affrontons-nous plutôt à mains nues, si vous voulez jouer à l'homme!"

Pauline n'aimait guère la tournure que prenait la conversation. Se battre aux poings? Elle était assez lucide pour comprendre que sa frêle stature ne ferait pas le poids face à la carrure, déjà imposante compte tenu de son jeune âge, de son adversaire.

"Non, Monsieur, reprit-elle alors. Je préfère l'épée. Je ne voudrais pas vous donner une nouvelle occasion de poser vos doigts sales sur moi.
- Jolie pirouette! répondit Camille d'un air appréciateur. Je vous admire, savez-vous?
- Peu m'importe! le coupa-t-elle en lui lançant une arme. En garde!
- Mais combien en avez-vous, par ma foi? Auriez-vous des cachettes dans chaque recoin de votre domaine?
- Je ne vois pas en quoi cela vous regarde!" s'écria-t-elle en se remémorant tout de même à toutes ses réserves, disséminées un peu partout dans le parc.

Et elle se jeta sur lui, bien décidée à le découper en rondelles, motivée par le sourire tendre et les petites piques taquines de Camille.


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"Oh mon Dieu, Oscar! s'exclama Rosalie en sanglotant. Je suis si heureuse de vous revoir.
- Par ma foi, André, on jurerait que cette chère Rosalie ne nous a même pas aperçus! s'étonna Fersen en prenant discrètement André à part.
- Non, Fersen, c'est ainsi. Notre amie voue une telle admiration envers Oscar que la plupart du temps, elle ne distingue personne d'autre!
- Ah? Je ne l'avais point remarqué, à l'époque. Je me rappelle seulement que cette jeune demoiselle avait, je dirais...la larme facile.
- En effet... acquiesça André avant d'aller au devant de Bernard qui arrivait avec sa progéniture. Bonjour, mon ami! Eh bien, vous arrivez bien tard!
- Certes non! C'est Rosalie qui est arrivée trop vite! sourit le journaliste. Mais le nom de ce cher colonel lui donne des ailes, je crois... C'est déjà un miracle que je sois parvenu à retarder notre visite de quelques heures, car nous serions arrivés aux aurores si je l'avais écoutée!"

André éclata de rire.

"Que voulez-vous, Bernard, vous devrez vous faire une raison et accepter l'idée d'être pour toujours l'éternel second dans le coeur de Rosalie! Mais laissez-moi vous présenter Hans-Axel de Fersen, ainsi que mes fils..."

Les deux hommes et les garçons se saluèrent sous le regard chaleureux de l'ancien palefrenier qui aurait volontiers laissé son épouse faire les présentations; mais, pour l'heure, elle était trop occupée à écoper les pleurs de son ancienne protégée pour remplir ses devoirs d'hôtesse de maison.

"Allons, Rosalie, la raisonnait-elle en riant légèrement. Remets-toi, voyons! Tu es donc si triste de me retrouver?
- Oh non, Oscar! Je pleure de joie, au contraire!
- Tiens, essuie-toi donc les yeux et présente-moi plutôt ta petite famille..."

La femme aux cheveux blond foncé se retourna alors pour faire avancer, d'un léger signe de la main, les trois jeunes filles qui étaient restées respectueusement en retrait derrière leur mère et qui pleuraient de joie... ou d'émotion, on ne pouvait dire. Ce qui était certain, en tous les cas, c'était la sincérité de leurs larmes.

"Voici l'aînée de mes filles, âgée de treize ans, Claire; Fantine, ma cadette, qui vient d'avoir dix ans et Madeleine, ma petite dernière, qui a huit ans "

"Ah, parce qu'elles pleurent aussi? remarqua discrètement le petit Axel, l'air effaré.
- Il faut croire... répondit Guillaume laconiquement, en fronçant les sourcils.
- Oui. D'ailleurs, je me demande si je me serais douté de leur parentèle..." renchérit malicieusement Thomas.

"Nous avons également un fils, Camille, intervint Bernard. Mais il a disparu juste après que nous soyions entrés dans le parc...
- Effectivement, répondit André. Je crois l'avoir aperçu du côté du potager, occupé à se battre avec Pauline.
- Pauline? questionna Bernard, nullement affecté par la nouvelle.
- Oui, notre fille...
- Certes, je les vois là-bas, justement!" s'écria Rosalie.

Et tous se tournèrent pour observer, attendris, la légère silhouette blonde, rouge de fureur, tenter d'écharper son adversaire au sourire tranquille.

"Espèce de cuistre! Gandin!, entendirent-ils au loin. Bellâtre de bas-étage! Séducteur d'opérette! Don Juan de carton-pâte! Vous allez voir ce qu'il en coûte de m'embrasser!"

Et Pauline de pourfendre l'air de son épée, tranchant presque un bras à Camille, qui tentait tant bien que mal d'éviter la pointe acérée de la jeune fille.

A côté d'Oscar, des sanglots se firent entendre.

"Ils sont tellement beaux tous les deux..., s'extasiait Rosalie en hoquetant, bientôt imitée par ses filles.
- Et si nous entrions pour boire une tasse de chocolat?" proposa André pour faire diversion.

Invitation qui fut acceptée avec empressement.

"Entre nous, murmura Fersen à Bernard, je trouve que Rosalie n'a guère changé depuis tout ce temps...
- Vous avez raison, mon cher, répondit celui-ci. Ma tendre épouse n'a rien perdu de sa beauté.
- Oh, mais je ne parlais pas de cela... Enfin si, bien sûr, se reprit-il en bafouillant. Mais je pensais également à sa grande...sensibilité.
- Certes. C'est l'une de ses grandes qualités, et je me félicite que son bon coeur ne se soit pas endurci au fil des années, au contraire... Je ne saurais vous décrire la félicité que m'a apporté cette union.
- Sans doute, mais je l'imagine, rassurez-vous!, rétorqua Fersen en levant discrètement les yeux au ciel.
- Et mes filles ont toutes, par bonheur, hérité de ce trait de caractère.
- Quelles charmantes soirées ils doivent passer ensemble..., chuchota Guillaume à Thomas, qui sourit.
- Tu as raison, rétorqua celui-ci. Pleurer en famille, voilà une activité charmante que nous n'avons point encore essayé!"


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Le chocolat allait bientôt laisser place au souper. On attendait encore, cependant, Pauline et Camille, qui ne s'étaient toujours pas montrés.

"Je crois qu'ils sont encore à se battre, non? avait proposé Antoine.
- Après toutes ces heures?" s'était étonné Bernard.

François se mit à rire.

"On voit bien que vous ne connaissez point notre soeur, Monsieur. Elle est infatigable au combat, au point de nous avoir tous usés, un à un!
- Pourtant, si j'excepte votre frère, qui est encore un enfant, vous me paraissez fort vigoureux, tous autant que vous êtes!
- C'est vrai, Monsieur, mais Pauline a toujours tenu à gagner ses duels, par tous les moyens! Cet orgueil l'a poussé à développer sa résistance au-delà de ses limites.
- Je me demande d'ailleurs de qui elle tient ce caractère?" lança André d'un ton innocent en lorgnant franchement son épouse, qui fit mine de ne pas s'en apercevoir.

C'est ce moment-là que choisit Camille pour faire son entrée, les habits déchirés et le poignet éraflé, la mine plutôt fatiguée, tenant tendrement dans ses bras une Pauline inconsciente, la joue délicatement posée sur l'épaule du jeune homme.

Dans un silence lourd d'inquiétudes, les membres de la famille Grandier se levèrent immédiatement, tandis qu'Oscar, quant à elle, se précipitait vers Camille, après avoir arraché une épée du mur.

"Si vous avez fait du mal à ma fille, jeune homme, dit-elle sèchement en pointant la lame juste sous le menton de Camille, soyez sûr que je vous le ferai payer cher, que vous soyez le fils de Rosalie ou non!
- Calme-toi, Oscar, voyons! la tempéra André. Pauline n'est qu'évanouie!
- Moi, je dirais plutôt qu'elle dort... objecta François.
- Nous nous sommes battus jusqu'à épuisement, expliqua tranquillement le jeune Châtelet, après qu'André ait saisi sa fille pour la porter jusqu'à ses appartements. Aucun de nous deux ne voulait consentir à la défaite...
- Eh bien, je vous félicite! fit Antoine d'un air admiratif. Vous êtes bien le seul à avoir réussi à lui tenir tête!
- Entre nous, murmura Camille, les femmes sont toutes aussi adroites à l'épée, dans votre famille?
- Certes non! rit François.
- Vous me rassurez...
- Mère est encore meilleure et bien plus impitoyable!"

Et, sous le regard incrédule du jeune Châtelet qui réalisait seulement à quel carnage il venait d'échapper, il suivit Oscar qui invitait ses hôtes à la suivre dans la salle à manger.


A SUIVRE
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