Mère,
Si je vous écris ce soir
C’est pour vous annoncer
Qu’alors que l’angélus
Sonnait dans le lointain
Votre dernière fille est morte.
Ce n’est pas la Mort Glorieuse
Qui m’a fauché en ce jour
Non. Pas celle qu’on attendait
Du soldat qu’on fit de moi
Ce n’est pas non plus la maladie
Qui me ronge peu à peu
Qui m’aura gagné
C’est une mort plus sournoise
Qui m’a frappé en ce jour.
J’ai l’air vivante mais c’est faux.
Je le sens au plus profond de moi.
Seul ma chair survit pour le moment.
Seul mon coeur est mort ce soir.
Mais par là même, c’est mon être tout entier
Qui s’est engouffré dans les ténèbres.
Mère, c’est l’Amour qui m’a tué.
Car c’est ce soir que l’âme de celui,
Pour qui je vivais, mais sans le savoir,
Est parti rejoindre un monde de paix
Tel que celui que nous rêvions de construire.
Mère je ne vous demande pas
De me comprendre ou de m’approuver
Mais j’avais besoin de vous le dire
Vous qui avez veillé sur moi dans l’ombre
Avec bienveillance tout comme lui.
Mère il m’a fallu des années
Pour m’avouer qu’il était tout.
Et, pire, des mois pour lui avouer
Alors qu’il n’attendait que ces mots
Depuis de trop longues années.
Ce soir je veux vous dire
Tout ce que je n’ai pas oser,
Pas eu le courage de lui avouer
On me disais ”Géant de fer”
Mais sans lui contre moi
Je montre ma vraie nature :
Un simple et fragile géant de papier.
Le temps m’a poussé à la faute
Et aujourd’hui j’en paye le prix
J’ai toujours eu le premier rôle
Et lui l'éternelle seconde place
Mais qu’est ce que le premier sans le second
Pour le pousser toujours plus haut ?
Je ne suis plus rien aujourd’hui
Je suis mal dans mon corps
Je ne me trouve plus beau
Depuis que son regard s’est éteint
J’ai l’impression d’être morte
Sans lui contre ma peau
Je ne rêvais que de vivre à ses cotés
Et de partager sa vie
Aimer tout ce qu’il est
Son odeur, ses gestes aussi
Avancer cote à cote
Et s’arrêter ici
Loin des regrets
Et de tous les « on dit »
Le souvenir de l’autre
Est tellement précis
Je l’entends, je le frôle
Je caresse son ombre dans la nuit
Comme un appel qui me fait avancer
Je change le décor
Je revis nos souvenirs
J’ai peur quand le jour vient
Je me dis qu’il est trop tôt
Trop tôt pour le voir partir.
On est si peu de chose
Quand l’autre s’en va
Quand le manque s’impose
Quand on a plus le choix
On survit seulement
Quand l’autre n’est plus là
Plus là
Cet homme, c’était André
Mais vous l’aviez déjà compris.
Mère je vais vous laisser
Ici avec ces quelques mots
Et partir affronter la noirceur
Du jour qui se lève.
Peut-être ce dernier verra t’il
Mon unique rêve se réaliser ?
Je veux la mort de mon corps
Cette prison pour mon âme vide
La Mort est là, elle m’appelle
Et je lui ouvre les bras
Heureuse de l’accueillir
Au sein de mon cœur mort.
La seule chose que j’espère
C’est que dans sa grande bienveillance
Notre Seigneur me pardonnera
Mes fautes et mes erreurs
Pour pouvoir rejoindre au Paradis
L’ange qui veilla toujours sur moi.
Je vous aime
Mais adieu Mère
Je pars vers mon Destin
Qui m’amène à chaque instant
Un peu plus près du moment
Ou nous serons de nouveaux réunis
Ensemble à jamais.
Votre fille Oscar. |