Une crête blanche. Un rugissement d’écume. Une vague venant mourir sur les rochers noirs qu’elle recouvre de son voile salé. Elle se retire lentement, inlassablement, afin qu’une autre prenne sa place, creusant les rides du sol depuis la nuit des temps.
Etendue tantôt paisible, tantôt guerrière, tu contemples les humains à travers les yeux des goélands et des albatros, oiseaux rois et oiseaux libres qui t’accompagnent au gré de ta volonté. Chaque fois que le soleil vient éclairer ta surface, ils déploient leurs ailes et de leurs cris font ton éloge, chantent tes louanges, toi qui n’écoute nul autre que toi-même, toi qui n’a pas d’autre loi que celle que tu imposes.
Dans tes eaux se mirent les reflets d’or de l’astre roi, lorsque ce dernier s’endort entre tes bras dont le mouvement le berce depuis tes abysses. Le ciel, alors, se repose et tu es un miroir où son bleu devient noir de nuit, et ses nuages roses.
Océan tu es, océan tu demeureras. Pourtant, aussi vrai que la lune est à l’opposé du soleil, peut-être es-tu le ciel sauvage où la mer céleste vient se baigner ?...
Lorsque le soleil s’éteint, tes étoiles de mer font de toi un ciel inversé où dorment les dauphins, ambassadeurs de ta puissance. Depuis bien longtemps déjà, tes dauphins escortent les navires qui voguent sur tes vagues. Heureux sont ceux qui ont entendu leur rire se jouer de tes tempêtes effroyables, et plus heureux encore sont ceux qui les ont apprivoisés en leur cœur d’enfant.
Même lorsque le plus terrible des orages déchaîne ses forces, forces que tu décuples sans efforts, tu restes magnifique. Dans ta colère, tes vagues se surpassent et se confrontent les unes aux autres, dans un ballet aquatique auquel nul être humain ne pourrait demeurer insensible, que ce soit de peur, de désespoir ou d’envie face à tant de grandeur. Le vert de tes eaux n’est jamais aussi bleu qu’à sa brisure, et la douleur de l’âme se perd aux confins des flots tumultueux que tu domines, sur lesquels tu règnes sans partage.
Mon cœur est lourd et je n’en connais pas la raison. Il me semble qu’il se noie dans les flammes acérées qu’un éclair, à ta surface, déchaînerait. Les rouleaux impitoyables de l’âme engloutissent ma joie de vivre, et je ne sais pas comment résister à un tel tourbillon.
Le vent chante et porte dans son souffle les aléas de ta douceur, de l’espoir qui t’accompagne lorsque le soleil perce de ses rayons les nuages noirs qui te surplombent.
Sourire à la promesse d’une aube nouvelle me paraît essentiel.
Depuis la naissance du monde, tu as vu la vie et la mort dominer l’existence de tous les êtres vivants. Tu as contemplé leur passage à chaque instant, et si la mort s’éloigne de la vie – ou si la vie s’éloigne de la mort – tu savais, et tu sais encore, que ce n’est que temporaire.
Les sentiments vont et viennent, pareils à tes vagues qui meurent sur le rivage pour mieux laisser renaître leurs semblables. |